L’extrême droite en Europe 12 L’extrême droite hongroise crée une « garde » paramilitaire

mercredi 6 février 2008.
 

par Markus Salzmann

Fin août 2007, les Hongrois ont pu voir la fondation d’une « garde hongroise » paramilitaire d’extrême droite. La fondation de cette armée, qui bénéficie du soutien de forces politiques et sociales hongroises de premier plan, s’est officialisée lors d’une cérémonie publique. Il faut voir dans la création d’une force paramilitaire néofasciste de cette ampleur un avertissement sérieux à la classe ouvrière hongroise et européenne.

Un millier de sympathisants et de militants se sont rassemblés devant le Château de Budapest, juste devant les bureaux du président hongrois, Laszlo Solyom, pour assister à la prestation de serment des 56 premiers membres de la garde (ce chiffre a été choisi en commémoration de la révolte de 1956 contre le stalinisme).

On pouvait voir dans l’assistance non seulement des représentants des différents groupes d’extrême droite et fascistes, mais également des représentants du parti d’opposition conservateur en vue, le FIDESZ (Alliance des jeunes démocrates), tout comme des pasteurs des églises évangéliques et calvinistes qui agitaient des drapeaux. Lajos Für, Secrétaire d’Etat à la Défense du premier gouvernement conservateur, arrivé en 1990 au pouvoir sous le gouvernement du premier ministre Jozsef Antall, après la chute du pouvoir stalinien, a fait prêter serment aux nouvelles recrues et leur a distribué leurs documents officiels.

Les participants ont hissé un drapeau rouge et blanc du type de celui utilisé par les fascistes hongrois au cours de la Deuxième Guerre mondiale, époque où le régime dictatorial de Horthy était l’allié de l’Allemagne nazie, et ceux qui prêtaient serment portaient l’uniforme noir porté par les fascistes de cette époque. La date de cette prestation de serment n’avait pas été choisie par hasard. Le 25 août, il y a 1100 ans, l’armée hongroise avait vaincu les troupes de Bavière lors de la bataille de Bratislava.

La garde a expliqué ses intentions dans son acte de fondation. Elle désire défendre une Hongrie « physiquement, intellectuellement et spirituellement sans défense. » Il est expressément demandé à ses membres d’apprendre à utiliser des armes, une menace sans équivoque de l’utilisation de la force. Son but inclut « l’élimination » de l’actuel gouvernement soi-disant « social-libéral » dirigé par le premier ministre Ferenc Gyurcsany.

Le chef de la garde est Gabor Vona, 29 ans et président du parti d’extrême droite Jobbik (Mouvement pour une meilleure Hongrie). Jobbik a été créé en 1999, à partir d’un groupe d’étudiants, dirigé par David Kovacs, membre pendant de nombreuses années d’une organisation d’extrême droite, le MIEP (Parti de la vie et de la vérité). Vona, ex étudiant en histoire, avait auparavant travaillé en étroite collaboration avec l’ancien premier ministre et dirigeant de l’opposition, Victor Orban, qui avait tenté d’obtenir pour le Fidesz, le soutien des cercles d’extrême droite par la création de prétendus « secteurs de défense des citoyens. »

FIDESZ joue un rôle tout à fait douteux depuis plusieurs années. En apparence, le parti se présente comme libéral et démocratique tout en collaborant étroitement en même temps avec les forces néo-fascistes. Entre 1998 et 2002, quand le FIDESZ était aux commandes du pays, il était soutenu par le MIEP, et nombre de politiciens du FIDESZ gardent le contact avec le MIEP, comme avec Jobbik et avec d’autres groupes d’extrême droite. C’est également des rangs du FIDESZ qu’est venue la proposition de développer une « garde patriotique » au sein de l’armée.

Encouragée par le soutien de sections de l’élite dirigeante, l’extrême droite hongroise a pris un cours beaucoup plus agressif. Après les violents combats devant les bâtiments du gouvernement il y a un an, environ 10 000 personnes avaient manifesté contre le gouvernement Guyrcsany. Trente groupes au total, dont la plupart appartenaient aux cercles d’extrême droite avaient appelé à manifester. De nouvelles manifestations de la droite sont prévues en septembre.

En septembre 2006, les protestations contre le gouvernement étaient intervenues en réaction au prétendu « discours de mensonges » du premier ministre Gyurcsany. Gyurcsany avait prononcé le discours controversé peu de temps après les élections législatives du 23 avril 2006, dans le but de faire accepter à son parti mal nommé, le Parti socialiste, (le MSZP), un plan d’austérité, qui devait être adopté deux semaines plus tard. Dans son discours, Gyurcsany avait reconnu avoir sciemment trompé son électorat et différé des mesures économiques dans le but de remporter les élections.

A ce moment-là, l’extrême droite avait pu être au premier plan des manifestations de protestation, parce qu’aucune autre organisation n’avait été capable de se faire l’écho de la colère populaire par rapport au discours de Gyurcsany et à sa politique anti-sociale.

Un problème européen

Un groupe paramilitaire semblable à la garde hongroise a déjà été installé en Bulgarie quelques mois auparavant. Bojan Rassate, l’ancien président du groupe raciste, l’Union du peuple bulgare a fondé une « Garde nationale » dans le but de protéger « les Bulgares sans défense contre les bandes de gitans ».

La garde a organisé un défilé aux flambeaux en l’honneur du fasciste bulgare tristement célèbre Hristo Lukov ainsi que plusieurs parades dans des cours d’école et dans d’autres lieux publics. La garde bulgare porte également la responsabilité de plusieurs attaques violentes contre la minorité rom de Bulgarie. A la mi-août, quelques dizaines de skinheads liés à la garde ont lancé une attaque contre le quartier rom de Krasna Poljana, à Sofia, la capitale de la Bulgarie. Quelques jours auparavant, quelque 30 extrémistes de droite, s’étaient attaqués à trois jeunes Roms et avaient grièvement blessé l’un d’entre eux. La minorité rom avait ensuite répondu en protestant de manière spontanée contre les extrémistes de droite, ce qui s’est également terminé par des heurts violents.

La réaction des cercles politiques et de la presse a été semblable à celle rencontrée en Bulgarie. Le Parti socialiste au pouvoir, dirigé par Sergei Stanischev, en coalition avec le Parti conservateur de droite du fils du tsar Simeon de Saxe Cobourg, n’a même pas condamné les attaques. Au lieu de cela, ils ont fait porter toute la responsabilité de ces débordements sur les Roms. Le vice-ministre de l’Intérieur, Kamen Penkov, a déclaré à la presse qu’il n’y avait pas de skinhead dans la banlieue de Sofia où ces débordements s’étaient produits. « C’est pour cette raison » que ceux qui étaient derrière ces actes de violence devaient être « des bandes de Roms ».

L’extrême droite siège également dans la plupart des autres parlements d’Europe de l’Est et elle participe au gouvernement de certains de ces pays. En Slovaquie, par exemple, le parti SMER dirigé par Robert Fico, qui se présente comme le parti social-démocrate, a formé une coalition avec le Parti national slovaque néo-fasciste, et, jusqu’à très récemment deux partis d’extrême droite faisaient partie de la coalition des frères Kaczynski en Pologne.

La présence de ces forces à un niveau national est également reflétée au Parlement européen. L’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie dans l’Union européenne a provoqué l’entrée du Parti bulgare ATAKA et du Parti de la Grande Roumanie au Parlement de Strasbourg et a permis aux partis d’extrême droite de former leur propre groupe parlementaire. L’extrême droite européenne s’est unie sous le nom d’« Identité, Tradition et Souveraineté » avec des néo-fascistes notoires comme Jean Marie Le Pen du Front national (France), comme Andreas Mölzer des libéraux autrichiens et comme Alessandra Mussolini, la petite fille du dictateur italien.

Disposant du statut de groupe parlementaire, les élus reçoivent des financements supplémentaires du budget du parlement et peuvent voter dans le « Bureau des présidents » qui établit l’agenda du parlement. De plus, leur pouvoir de déposer des amendements aux lois qui sont votées est plus important qu’avant. Le groupe dispose également d’interprètes, d’assistants et autre personnel.

La conséquence du retour du capitalisme

Le premier ministre hongrois, Gyurcsany, son parti, le MSZP et son partenaire dans la coalition gouvernementale, le SZDSZ, en faveur du libéralisme, ont considéré la « garde » qui vient d’être créée comme « portant atteinte à l’honneur de la Hongrie ». Néanmoins, il ne faut pas se méprendre quant à leur propre responsabilité politique dans l’influence grandissante de telles tendances d’extrême droite. Le fait que des éléments fascistes puissent étaler au grand jour leurs idées politiques sans provoquer la moindre réaction de la part des partis et des institutions officiels tout en terrorisant les minorités est avant tout le résultat de dérives droitières de la part des supposés socialistes.

Le cynisme d’anciens staliniens de la sorte qui ont organisé le retour du capitalisme, tout en se remplissant les poches en même temps qu’ils saccageaient les acquis sociaux et les acquis de l’état providence (tout en gardant le nom de « socialistes ») a favorisé le jeu des démagogues d’extrême droite. La montée de la pauvreté et le manque de perspective, alimenté par une agitation nationaliste délibérée de la part de la classe politique dirigeante, ont créé un limon fertile pour la culture de tendances droitières.

A cet égard, les socialistes de Gyurcsany sont un bon exemple. Dix sept ans après l’instauration du marché libre, la Hongrie semble plus éloignée que jamais de toute prospérité et de toute démocratie. Une étroite couche de la société a pu accumuler une somme indécente de richesses, alors que de plus en plus de Hongrois sont confrontés à des conditions de vie de plus en plus précaires.

Gyurcsany a commencé sa carrière politique au sein du parti stalinien d’état et il a amassé une fortune lors des privatisations « sauvages » effectuées au cours des années 90. Actuellement, il est sur la liste des 100 Hongrois les plus riches, et, en tant que premier ministre il accomplit fébrilement des « réformes » dans l’intérêt de la finance internationale. Nombre des compères de Gyurcsany occupent des postes importants dans des partis politiques ou au sein du gouvernement.

On peut trouver dans de nombreux pays d’Europe de l’Est des personnages tels que Gyurcsany qui mènent pratiquement la même politique. Par exemple, aussi bien Stanischev en Bulgarie que Fico en Slovaquie ont commencé leur carrière politique au sein de partis staliniens pour finir par devenir d’ardents défenseurs du système économique capitaliste.

Les socialistes hongrois ont réalisé des réformes des systèmes de santé et de retraite. Ces réformes ont amené des augmentations brutales des cotisations et des prix des médicaments. Il est prévu que le niveau des retraites baisse encore par rapport à l’actuel niveau dérisoire, tandis que les prix de l’énergie ont augmenté de 30 pour cent au cours des deux dernières années. La TVA sur les biens et sur les services a augmenté de 5 pour cent alors que les salaires stagnent ou baissent.

L’opposition politique, quant à elle, consiste largement en forces conservatrices et anticommunistes et elle est souvent dirigée par d’anciens dissidents. Le FIDESZ, le parti d’Orban, a d’abord fait son apparition dans les années 80 et il a pris son essor au moment de la chute du stalinisme, en attaquant le système stalinien par sa droite. A cette époque, le FIDESZ combattait contre le « totalitarisme communiste » en exigeant la liberté et la démocratie. De nos jours, ce parti soutient ouvertement des formes totalitaires de gouvernement. Orban a souligné ceci lors de la campagne électorale du printemps de l’année dernière. Il a déclaré « La république n’est rien d’autre qu’une façade recouvrant la nation » et il a indiqué qu’il pourrait tout aussi bien envisager d’autres systèmes, la dictature par exemple.

De tels éléments se combinent avec l’entretien actif de la haine contre les minorités et contre les immigrés, tandis que FIDESZ se fait l’écho de revendications - telles que le retour de la Transylvanie à la Hongrie - qui avaient été jusqu’à présent la chasse gardée traditionnelle des forces d’extrême droite.

Article original en anglais, WSWS, paru le 24 septembre 2007.


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