L’extrême droite en Europe 3 Aperçu général en 2007

mercredi 12 décembre 2007.
 

Ils ont toujours été contre l’élargissement à l’Est de l’Union européenne. Maintenant, ils sont parmi les premiers à en tirer un profit. Depuis le lundi 15 janvier 2007, un nouveau groupe de députés au Parlement européen a été constitué. Présidé par le représentant français Bruno Gollnisch, actuel n° 2 du Front National, ce groupe porte le titre "Identité, Tradition, Souveraineté". Du fait de l’adhésion de la Roumanie et de la Bulgarie à l’Union européenne au 1er janvier 2007, il a pu être constitué grâce à l’apport de cinq députés d’extrême droite : quatre représentants du Parti de la Grande Roumanie (PRM) de Vladim Tudor, ancien poète du régime de feu Nicolae Ceaucescu, et un député du parti bulgare Ataka (Attaque).

Cependant, il ne s’agit là que de délégations provisoires. En mai prochain, les électeurs roumains et bulgares seront appelés aux urnes pour élire, pour une durée plus longue cette fois-ci, leurs représentants au Parlement européen. La crainte est de voir l’extrême droite encore se renforcer à cette occasion, notamment en Bulgarie où le candidat du parti Ataka à l’élection présidentielle d’octobre 2006 (Volen Siderov) a obtenu près de 22 % des voix exprimées. Certes, la participation électorale était très faible lors de ce scrutin. Mais le risque est réel de voir le parti d’extrême droite, dont le dernier score législatif était situé entre 8 et 9 %, se renforcer d’autant plus que les électeurs boudent souvent les urnes européennes.

Si, toutefois, le nombre de députés d’extrême droite roumains et bulgares devait diminuer, cela peut, par contrecoup, porter atteinte au statut du nouveau groupe formé à Strasbourg. En effet, il faut réunir la signature de 19 députés pour pouvoir prétendre au statut de groupe, avec les moyens financiers (estimés à environ un million d’euro pour le nouveau groupe "Identité, Tradition, Souveraineté") et techniques qui vont avec. Lundi 15 janvier 2007, Bruno Gollnisch a réussi à en aligner vingt, après quelques hésitations notamment du représentant britannique qui avait tardé à apporter sa signature. La perte de deux députés ferait donc disparaître ce groupe, en tant que tel. Toutefois, celui-ci peut espérer un futur renfort de la part de la Ligue des familles polonaises, parti catholique et d’extrême droite qui compte 6 députés. Pour le moment, ceux-ci sont inscrits dans un groupe "souverainiste" plus proche de la droite classique. Mais ce parti, associé au gouvernement à Varsovie, pourrait changer d’alliance au profit du groupe d’extrême droite.

Pour l’instant, outre les députés français (sept du FN), roumains et bulgares, on retrouve les trois députés européens du Vlaams Belang (d’extrême droite, séparatiste) de Belgique, un autrichien qui siège à Strasbourg pour le FPÖ ("Parti de la liberté") et deux italiens (dont la petite fille du Duce, Alessandra Mussolini élue en 2004 sur une liste intitulée "Alternativa sociale") députés qui viennent de la mouvance des nostalgiques du fascisme historique ayant refusé la mue qu’a effectué l’ex-MSI devenu membre du gouvernement (de 2001 à 2006) sous la nouvelle appellation "Alleanza nazionale".

En revanche, la Ligue du Nord (parti raciste et plus ou moins séparatiste dirigé par Umberto Bossi), également pressenti pour le nouveau groupe, a refusé de s’y joindre. Début décembre 2006, le quotidien autrichien "Die Presse" avait déjà fait état de divergences : les Belges du Vlaams Belang ainsi que les Italiens de la Ligue du Nord, écrivait-il, auraient formulé des objections à l’égard du parti bulgare Ataka. Les sorties antisémites et antitziganes de ses représentants, à en croire le quotidien, risquaient de nuire par trop à l’image et à la (prétendue) respectabilité de ces partis. Cependant, on peut lire maintenant aussi, dans la presse germanophone, que c’est par opposition à Jean-Marie Le Pen que la Ligue du Nord aurait refusé de siéger dans un groupe commun. Cela pourrait s’expliquer par le fait que la Ligue du Nord n’est pas favorable à un pouvoir central fort, alors que Jean-Marie Le Pen est plutôt nationaliste et hostile à une délégation de pouvoir aux régions. (Ce qui n’empêche pas le Vlaams Belang, totalement hostile à l’Etat central belge, de travailler de façon très proche avec le FN depuis des années...)

Il est vrai que des divergences existent entre les différents partis participants. Andreas Mölzer, le seul député européen du FPÖ autrichien, explique ainsi dans une interview donnée au quotidien allemand "Die Welt" (droite) du 9 janvier : "Vous devez tenir compte du fait que nos partis de la droite démocratique (sic) sont très différents : il y a des fédéralistes, des séparatistes et des nationalistes." Cependant, Mölzer tout comme Gollnisch leur voient des ennemis communs sous forme de l’“immigration massive“, de la Turquie en tant que candidate à l’adhésion à l’UE et d’un "Super-Etat européen".

La divergence entre fédéralistes et nationalistes-centralistes n’est pas la seule qui traverse la mouvance d’extrême droite (et de droite populiste) en Europe. Une autre différence, assez fondamentale, réside entre des partis plutôt proches du bloc conservateur, dont certains participent ou ont participé à des gouvernements (comme au Danemark, aux Pays-Bas, en Autriche, en Italie et sous d’autres formes en Suisse), et d’autres qui se considèrent eux-mêmes comme des partis "anti-système". Si les premiers partagent avec les seconds l’hostilité à l’immigration, notamment en provenance de pays du tiers monde ou (en particulier) musulmans, ils se séparent de ces derniers sur l’antisémitisme et l’antiaméricanisme. Les forces d’extrême droite ou de droite populiste qui ont participé aux gouvernements danois et italien, notamment, ont ainsi soutenu une politique extérieure et militaire qui vient en renfort aux Etats-Unis, en Irak notamment. Les partis d’extrême droite qui se considèrent comme "hors système", et de type plus extrémiste comme le NPD allemand, fustigent par contre assez souvent la "colonisation américaine de l’Europe" et ne reculent pas devant la propagande antisémite.


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