L’extrême-droite en Europe (6) : Pays-Bas

dimanche 28 août 2016.
 

La Hollande n’est pas un pays où l’extrême droite possède un ancrage traditionellement fort. Les courants pro-nazis et pro-fascistes n’y connurent qu’un succès limité dans les années 1930 et 1940 ; plus tard leurs successeurs étaient largement discrédités. Les années 2000 ont cependant vu la montée d’un mouvement de droite populiste d’un nouveau type, autour de la figure charismatique de Pim Fortuyn.

Historique

Le mouvement pro-nazi néerlandais, le NSB (Nationaal-Socialistische Beweging in Nederland) dirigé par Anton Adriaan Mussert, obtint 7,9 % des voix aux élections de 1935, mais ce pourcentage était tombé à 3,9 % en 1939. Adolf Hitler ne le tenait pas en grande estime. Ce n’était guère étonnant, puisque leur idéologie divergeait : si Mussert admirait les succès de mobilisation populaire du nazisme et sa façon d’intégrer la question sociale à la « communauté nationale », il gardait d’abord ses réserves vis-à-vis du racisme et de l’antisémitisme. Des noirs et des juifs pouvaient adhérer au mouvement, ce qui était inconcevable pour Hitler. Il existait aussi des conflits d’ordre national : Mussert rêvait de la création d’un grand Empire néerlandais, par le rattachement de la Flandre aux Pays-Bas, alors que la direction de l’Allemagne nazie y était opposée. Hitler voulait plutôt réunir les « Etats germaniques secondaires » tels que la Flandre (anciennement belge), les Pays-Bas et la Norvège dans un seul « grand espace germanique », aux flancs du Reich allemand. Des conflits entre pro-allemands et partisans de Mussert divisaient le parti, ce qui explique son affaibliissement électoral en 1939. Mais le dirigeant du NSB se vit alors contraint de se rapprocher des positions d’Hitler.

Après l’invasion militaire allemande de 1940 et la dissolution de tous les autres partis politiques néerlandais, en 1941, le NSB devenait le parti unique légal. Cependant Hitler s’opposait à la nomination de Mussert comme premier ministre des Pays-Bas, un tel poste n’étant pas prévu, et ne lui accordait qu’un secrétariat d’Etat rattaché au gouvernement allemand. Puis Hitler le faisait déclarer « Führer (conducteur) des Pays-Bas » en décembre 1942 ce qui n’avait guère de conséquences matérielles, Mussert n’ayant pas de pouvoir réel.

Dès septembre 1940 était née, d’abord au sein du NSB, la Nederlandsche SS qui comptabilisait quelques 50.000 adhésions au total. Par la suite, cette troupe de SS dirigée par Henk Feldmejier prenait son autonomie vis-à-vis du parti, et elle formait des milices propres à elles à partir de 1943 en collaborant totalement avec l’occupant allemand.

Les mouvements de résistance étaient relativement forts, et les résistants aussi bien que des parties non négligeables de la population s’opposaient explicitement à la persécution des juifs. L’opposition aux premières arrestations de juifs déclenchait d’ailleurs une grève générale en février 1941, qui paralysait le port d’Amsterdam mais qui fut écrasée par une très forte répression de la part des Nazis. Les églises néerlandaises continuaient par la suite de s’opposer ouvertement aux déportations de juifs. A la Libération, les collaborateurs étaient fortement discrédités, et l’épuration était assez conséquente aux Pays-Bas. Anton A. Mussert fut exécuté en 1946.

Après 1945

Après la Libération, les mouvements d’extrême droite souffraient généralement d’une mauvaise image puisqu’ils étaient identifiés à ce passé. Dans les années soixante, une formation rurale et protestaire, qui pourrait être de loin comparée au poujadisme français, connaît quelques succès passagers. Il s’agit du Parti paysan (Boerenpartij, BP) qui mêle un programme anti-fiscal à l’opposition aux changements induits à la campagne par la modernisation et à l’immigration. Fondé en 1958 par Henrik Koekoek, il obtiendra des succès dans la décennie suivante, avec 6,7 % aux élections provinciales de 1966 puis 4,7 % aux législatives de 1967. Mais les sympathies baisseront rapidement quand il est avéré qu’un de ses candidats au Sénat, Henrik Adams, a un passé collaborationniste. Par la suite, le BP connaît le déclin et plusieurs scissions, puis disparaît en 1981.

En 1971 est fondée la Nederlandse Volksunie (NVU, "Union du peuple néerlandais") qui, elle, est clairement une formation d’extrême droite. Elle défend Hitler et la race blanche, demande le rattachement de la Flandre aux Pays Bas pour former une « Grande Hollande », un Etat autoritaire et un système corporatiste. Un point important de son discours est aussi la défense du système d’Apartheid en Afrique du Sud, où vivent de nombreux Boers d’origine néerlandaise, ainsi qu’un penchant vers le négationnisme. Ses militants sont surtout des étudiants et des supporteurs de football. Mais son audience ne va pas au-delà de 1,8 % aux élections provinciales de 1974. Ce parti, présidé depuis la même année 1974 par Joop Glimmerveen, existe toujours, mais son audience est très faible. Deux autres partis d’extrême droite, au profil plutôt « national-populiste » et qui ont connu une période de succès électoraux (relatifs), sont les Centrumdemocraten (CD, Démocrates du centre) et leur scission plus radicale, le Nationale Volkspartij/Centrumpartij ’86 (CD ’86, Parti national populaire/Parti du centre ‘86). En réalité, les deux partis sont plutôt complémentaires, et environ un cinquième des militants du deuxième sont aussi adhérents au premier. Cela dans la mesure où les CD s’efforcent de montrer une certaine respectabilité, alors que le CD ’86 prend nettement moins de précautions, entretenant par exemple des liens avec le Ku Klux Klan nordaméricain ou avec des racistes blancs en Afrique du Sud. Le premier parti est né en 1984 d’une scission du Centrumpartij (centriste, chrétien-démocrate), et a axé ses campagnes électorales surtout sur le rejet de l’immigration et la défense de l’« identité » néerlandaise. Le second s’en est séparé en 1986, avant de se diviser en deux morceaux lui-même dix ans plus tard. Les CD ont connu une petite vague de succès électoraux en 1989, leurs presque 3 % à l’échelle nationale correspondant à des résultats nettement plus forts dans certaines grandes villes (10 % à Rotterdam, presque 8 % à Amsterdam). A partir des années quatre-vingt-dix, cette mouvance a toutefois été marginalisée sur le plan électoral.

C’est avec la montée puis la décrue du mouvement de droite populiste autour de Pim Fortuyn, dans les années 2000, que le paysage politique néerlandais évoluera de nouveau.

Pim FORTUYN

Le Néérlandais Pim Fortuyn (1948 à 2002) a été un enseignant en sociologie et personnage haut en couleurs, qui a entamé une carrière politique sur le tard. Fondateur de la liste qui portait - et porte toujours - son nom, la Lijst Pim Fortuyn (LPF), il a été assassiné en mai 2002, quelques jours avant que celle-ci ne connaisse son grand succès électoral aux législatives du même mois. Cette formation a été qualifiée de droite populiste, et elle exploitait surtout le thème de l’« immigration » et des « problèmes d’intégration ». Mais tout comme la personnalité de Pim Fortuyn lui-même, elle se distingue d’une organisation d’extrême droite classique par plusieurs traits de caractère. Pendant 87 jours, elle participait au gouvernement des Pays-Bas, avant d’exploser publiquement et de provoquer des élections anticipées qui ont vu sa chute rapide. La LPF, si elle existe toujours, est aujourd’hui marginalisée sur la scène politique néerlandaise. Mais, après avoir libéré une parole politique jusque-là confinée à des milieux d’extrême droite discrédités aux yeux du grand public, elle a trouvé plusieurs successeurs qui briguent son héritage sur la scène politique des Pays-Bas.

Du marxisme au libéralisme, et à la haine de l’islam

Quand il était un jeune homme, Pim Fortuyn défendait des thèses marxistes-léninistes, puis appartenait à l’aile gauche du Parti travailliste (PvdA, Partij van de Arbeid) néerlandais. Devenu docteur en sociologie, il obtiendra un poste à l’université de Groningen où il enseignera la sociologie marxiste. C’est en 1989 qu’il quitte son parti avant de déménager à Rotterdam en 1990, et pendant huit années, il publiera des articles dans une revue de droite libérale, Elsevier. En même temps, il adopte une posture de pourfendeur de l’élite politique, publiant en 1992 un brûlot « Au peuple des Pays-Bas » dans lequel il se compare lui-même à l’écrivain Joan Derk van der Capellen qui avait attaqué la classe politique au 18e siècle dans un texte publié sous le même titre.

A l’origine des ruptures que Fortuyn a connues et provoquées dans sa vie, il y aura toujours une partie d’égocentrisme et de vanité personnelle qui lui sont reprochés, en dehors de toutes considérations de fond. Outre son profil d’ancien marxiste devenu libéral, il sera aussi connu pour son homosexualité publiquement affichée. L’homme n’hésitera pas à dévoiler des détails, en public, de ses pratiques sexuelles anonymes dans les backrooms de certains établissements. On peut ajouter à la liste des traits marquants du personnage, son opposition à la monarchie néerlandaise : alors que 80 % des habitants des Pays-Bas se déclarent « attachés à la monarchie » dans les sondages, Fortuyn, lui, se revendique partisan d’un passage rapide à la République élective.

En 1997, Pim Fortuyn publie un texte « Contre l’islamisation de notre culture », qui est d’une importance fondamentale pour comprendre le mélange politico-idéologique qu’il défendra par la suite. Il y écrit notamment que les immigrés musulmans sont un danger pour la société des Pays-Bas « parce qu’en raison de l’individualisation progressive, les Néérlandais ne sont pas conscients de leur identité et des valeurs culturelles qui vont avec. La séparation entre Eglise et Etat en fait partie aussi bien que les droits de la femme et des homosexuels. » Tous les ingrédients de base du discours, en apparence contradictoire, de Fortuyn s’y trouvent : la mise en garde contre l’immigration et la peur d’une certaine perte d’identité, mais aussi l’affirmation de certains éléments d’une liberté culturelle profitant aux femmes et aux minorités sexuelles. Il invoque les éléments d’une tolérance traditionnelle existant aux Pays-Bas, pour en déduire la nécessité de défendre ce pays (telle une forteresse de liberté assiégée) contre une immigration globalement décrite comme une menace, surtout si elle est issue de pays « musulmans ». Cette dernière religion fait figure du grand danger principal dans la vision du monde défendue par Fortuyn, qui exige publiquement en août 2001 d’ouvrir « une guerre froide contre l’islam ». En même temps, son discours se distingue de celui d’une extrême droite classique par l’absence d’une volonté de retour à l’« ordre moral » et de l’appel à un passé glorifié, se situant plutôt du côté de la défense des intérêts de l’individu moderne... tant qu’il est occidental.

En août 2001, Fortuyn déclare se volonté d’intégrer la vie politique active. Le mécontentent dans la société néerlandaise est alors fort, la « démocratie du consensus » et le partenariat social institutionnalisé jusqu’ici pratiqués ayant montré leurs limites, d’autant plus qu’ils n’ont longtemps laissé quasiment aucun espace à l’expression d’une opposition ou d’un conflit social. Pim Fortuyn peut alors se faire le porte-parole du « ras-le-bol », de l’expression de frustrations grondant sourdement depuis un bon moment dans le pays. Il pourra invoquer à son profit, le fait qu’il est alors quasiment le seul opposant de taille à s’exprimer publiquement et qu’il contribue à libérer une parole.

En novembre de la même année, il sera candidat-tête de liste de « Leefbaar Rotterdam » (Rotterdam vivable), groupement qui se présente aux élections municipales de mars 2002 et obtiendra 30 % des voix dans cette deuxième plus grande ville des Pays-Bas. La liste - qui, par la suite, cogérera la ville pendant quatre ans avec le CDA (chrétien-démocrate) et le VVD (droite libérale) jusqu’aux municipales de mars 2006 - s’attaque au problème d’« insécurité » tout comme aux dysfonctionnements des services publics, le non-respect des horaires de train, les délais d’attente exorbitants dans le système de santé etc. Cependant elle mènera, en pratique, surtout une politique-spectacle fondée sur la « sécurité publique » à travers des symboles censés refléter la « sécurisation » en cours (« nettoyage » du quartier de la gare, vidéosurveillance, élaboration d’un « code de comportement public »).

Pim Fortuyn est tête de liste, et à partir de janvier 2002, il sera aussi celle de la liste « Leefbaar Nederland » (LN, Pays-Bas Vivables) qui doit reproduite le même concept politique à l’échelle nationale, en vue des législatives à venir. Mais en février 2002, c’est la rupture : Pim Fortuyn est exclu des deux formations. La raison en est une interview qu’il avait donnée dès la fin de l’année précédente, suite à laquelle la direction de « Leefbaar Nederland » lui avait demandé de retirer certains propos ce qu’il refusait de faire. Dans l’interview publié par le quotidien (proche des travaillistes) Volkskrant, Fortuyn avait demandé la suppression de l’article 1 de la constitution néerlandaise, qui consacre l’égalité (en principe) de tous les habitants et interdit les discriminations en raison de l’origine, du sexe, de la religion etc. Selon Fortuyn, cette règle est négative car elle favorise les musulmans dont il qualifie la religion de « culture rétrograde ». En plus, Fortuyn demande dans la même interview que les Pays-Bas quittent l’accord de Schengen sur les contrôles aux frontières communes à l’UE (pour revenir à des contrôles aux frontières nationales), et quittent aussi la Convention de Genève sur les droits des réfugiés pour pouvoir restreindre radicalement le droit d’asile. Pour la direction de Leefbaar, cela va nettement trop loin, elle ne veut pas être accusée de racisme. Pim Fortuyn persiste et signe, rappellant même des propos antérieurs qu’il confirma par la même occasion, prétendant par exemple que « les Marocains ne volent jamais d’autres Marocains, mais voleront toujours des blancs comme moi, qui ne suis pas seulement un chien de chrétien, mais qui n’ai aucune valeur (note : en tant qu’homosexuel). Si je peux l’imposer, plus aucun islamiste n’entrera dans ce pays. »

La LPF

Après avoir été exclu de son ancienne formation, Pim Fortuyn lance, en avril 2002, son propre parti sous le nom, peu imaginatif, de « liste Pim Fortuyn ». Celle-ci se donne un programme électoral, qui n’a en réalité été décidé par aucun congrès ou aucune instance collective et n’est composé que d’extraits de livres antérieurement publiés par Fortuyn. Le programme n’est d’ailleurs pas distribué, mais doit être acheté en librairie pour 17 Euros... Le programme promet, pêle-mêle, de réduire radicalement le nombre d’immigrés et demandeurs d’asile venant s’installer aux Pays-Bas, de réduire les délais d’attente dans le système de santé (mais sans toutefois vouloir injecter aucun financement supplémentaire dans ce service public ni dans aucun autre, tout au contraire), et de combattre la « corruption des politiciens ».

Le 6 mai 2002, devant la station de radio de Hilversum, Pim Fortuyn est tué par un militant écologiste de 33 ans, Volkert van den Graaf. Celui-ci a agi au premier chef parce que Fortuyn s’opposait à une interdiction des fourrures, mais, comme il allait déclarer au tribunal qui le condamnait en 2003 à 18 ans de prison, aussi parce que Fortuyn était pour lui le symbole d’une société moins solidaire, plus dure pour les faibles. Il s’agit du premier assassinat politique aux Pays-Bas depuis... 1672. Lors de l’enterrement de Fortuyn, qui attire une foule gigantesque, ses partisans scandent entre autres : « Celui qui vote à gauche, est un assassin ! » Des pancartes disent : « Gauche, c’est l’immobilisme, Droite, c’est le progrès ». Le noyau de son électorat se reconnaît ainsi tout à fait dans une revendication du terme de « droite », et dans une logique de polarisation. Des graffitis à Rotterdam annoncent alors : « Les musulmans dehors ! Le 15 mai, journée de la libération. »

Le 15 mai 2002, journée des élections législatives qui se tiennent malgré l’événement qui les a précédées (la campagne électorale ayant toutefois été arrêtée totalement après la mort de Pim Fortuyn), la LPF obtient 15 % des voix et 26 sièges au parlement (sur 150). Dans les semaines qui viennent, elle entre dans un gouvernement de coalition avec le Christen-Democratisch Appel (CDA, Appel chrétien-démocrate) et la droite libérale du VVD (Volkspartij voor Vrijheid en Democratie, Parti populaire pour la Liberté et la Démocratie). Parmi d’autres postes, la « Liste Pim Fortuyn », qui conserve le nom de son fondateur, obtient le ministère de l’immigration, dont le titulaire sera Hilbard Nawjin. Les Pays-Bas commencent à se doter de la législation la plus dure de l’Union européenne, à ce moment-là, en matière d’entrée et de séjour des immigrés et de naturalisation.

Mais la coalition ne sera pas de longue durée. La raison principale en est le caractère hétéroclite de la LPF, qui n’est pas vraiment une force politique structurée, mais plutôt un rassemblement de carriéristes, d’aventuriers et de parvenus. La liste des scandales est déjà longue quand le premier ministre Jan Peter Balkenende (CDA) déclare en octobre 2002 que l’alliance entre les deux partis de la droite classique et la LPF est terminée. Une ministre LPF affectée à « l’émancipation de la femme et les questions de famille », Philomena Bijlhoout, a dû démissionner huit heures après avoir prêté serment. Elle-même originaire d’une ancienne colonie néerlandaise, du Surinam, elle avait « oublié » de préciser que dans ce pays sud-américain, elle avait appartenu dans les années 1980 à une milice qui assassinait des opposants politiques au régime militaire. Puis deux ministres, issus tous les deux du rang de la LPF, refuseront publiquement de se parler : Jean Eduard Bomhoff (santé) et Herman Heimsbroek (économie) étaient des rivaux pour des postes tels que celui du numéro deux du gouvernement. Le cabinet ne saurait fonctionner ainsi. Heimbroek a, en plus, un passé d’entrepreneur émaillé par des infractions à la loi. Pour ne rien arranger, un conflit sourd entre les « transfuges » de partis politiques classiques, ayant une expérience de la vie publique, d’un côté, et les néophytes avides de postes et d’ascension rapide de l’autre côté ébranle la LPF.

La démission du premier ministre Balkenende et les élections anticipées qui s’en suivront en janvier 2003 produisent la chute de la LPF, qui passe de 26 à 8 sièges au parlement. Néanmoins, bon nombre de ses positions et propositions surtout en matière d’immigration et de droit d’asile seront repris par le gouvernement suivant auxquels participent chrétiens-démocrates (CDA), droite libérale (VVD) et radicaux de gauche (D’ 66). C’est notamment la « ministre à l’intégration » Rita Verdonk (VVD), aussi appelée « la Rita de fer », qui jouera une rôle préponderant dans l’adoption de politiques extrêmement restrictives en matière d’immigration et d’accès à la nationalité. Aujourd’hui, une personne voulant accéder au séjour aux Pays-Bas, même en étant mariée à une personne de nationalité néerlandaise, devra impérativement passer et réussir des cours et des tests « d’intégration », sous peine de ne pas pouvoir entrer dans le pays. Les immigrés vivant sur le sol néerlandais, quelque soit la durée de leur séjour, doivent s’inscrire à leurs propres frais à de tels « cours », qui coûtent la modique somme de 6.000 euros, et se voient dans l’obligation d’y réussir à l’horizon de trois années. Selon l’avis de nombreux observateurs, souvent même un Néerlandais né aux Pays-Bas aura du mal à donner les bonnes réponses aux questions posées aux candidats.

Successeurs sur la scène publique

Aux nouvelles élections - les troisièmes élections anticipées en l’espace de quatre ans, déclenchées par les conflits autour de la politique de la ministre Rita Verdonk - de novembre 2006, le LPF tombe à zéro siège et perd sa représentation parlementaire. Déjà en mars de la même année, les diverses listes estampillées LPF ou « Leefbaar » avaient perdu beaucoup de voix, sauf à Rotterdam où la liste (« Rotterdam vivable ») a néanmoins dû passer à l’opposition suite à la victoire très nette des travaillistes.

Néanmoins des listes de droite populiste, situées dans la droite ligne de la politique des anciens partisans de Pim Fortuyn, ont maintenu une présence forte lors de se scrutin. Des nouveaux partis ont vu le jour depuis la disparition de Pim Fortuyn pour s’adresser à son électorat avec un discours ouvertement droitier et raciste, comme Nieuwrechts (NR, Nouvelle Droite) de Michiel Smiet, ancien militant du VVD (droite libérale) qui siège au conseil municipal de Rotterdam depuis 2003.

A l’élection de novembre 2006, quatre partis ou listes au profil similaire ont été présents. La vedette a été ravie à la LPF et autres, cette fois-ci, par un nouveau parti fondé fin 2004 par un ancien député du VVD (droite libérale), Geert Wilders. Intitulé Partij voor de Vrijheid (« Parti pour la liberté »), son chef de file a adopté comme première revendication, début 2006, la suppression ou le remplacement de l’actuel article 1 de la constitution néerlandaise postulant l’égalité (de principe) entre les habitants du pays et la non-discrimination. Une revendication qu’avait déjà émise Pim Fortuyn. Avant les élections, il revendiquait la baisse des impôts et mettait en garde contre « un tsunami migratoire » à venir. La liste dirigée par Geert Wilders a ainsi obtenu, fin 2006, 9 sièges avec environ 6 % des voix. Néanmoins, la majeure partie de l’électorat mécontent semble s’être tourné, cette fois-ci, plutôt vers un parti de gauche populiste (et adoptant lui aussi des positions restrictives en matière d’immigration, en même temps que des positions anti-libérales et de défense des droits sociaux), le Socialistische Partij SP.

La violence d’extrême droite s’est également réveillée dans le pays. Dès mai 2002, dans les jours suivant l’attentat contre Pim Fortuyn, des attaques très violentes ont eu lieu contre des locaux du SP, des Verts et d’autres structures de gauche ; des militants d’un collectif anarchiste furent attaqués au cris de : « Brûlez, gauchistes, brûlez ! ». Elles ne semblent pas être l’oeuvre de militants de la Liste Pim Fortuyn, mais des organisations d’extrême droite classique telles que la Nederlandse Volks Unie (NVU, « Union du peuple néerlandais ») et la Nationale Alliantie (NA, « Alliance nationale ») plutôt faibles en nombre de militants. Mais en même temps, un des leaders du microcosme skinhead des Pays-Bas, Michael Krick (d’origine allemande), avait dans le temps salué l’assassinat de Fortuyn « parce que c’était un homosexuel ». Cependant la violence d’extrême droite et raciste prendra une autre ampleur en novembre 2004, après l’assassinat par un intégriste musulman du cinéaste et provocateur Theo van Gogh. Plus de 30 attaques au cocktail molotov ou incendies criminels contre des mosquées ou autres lieux de la communauté musulmane sont alors recensées. Elles sont l’oeuvre de militants de l’extrême droite « dure », mais c’est au même moment et dans le même climat que le nouveau parti de Geerts Wilders - qui vient alors d’être lancé - prend son envol. Alors que Wilders passait encore peu de temps avant pour une figure politique ridicule, on lui prédit à ce moment-là presque 20 % des voix « si des élections avaient lieu demain ». En 2005, d’après le journaliste néerlandais Antoine Verbij, « des anciens partisans du leader politique assassiné Pim Fortuyn ont mis des listes de militants de gauche <à fusiller> sur Internet ».


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