Après onze ans de droite, l’Australie passe à gauche

mardi 27 novembre 2007.
 

En remportant samedi les élections législatives australiennes, le Parti travailliste de Kevin Rudd, 50 ans, met fin à onze années de pouvoir du conservateur John Howard. La nette victoire des travaillistes - ils triomphent avec près de 30 sièges de plus au Parlement que la coalition de droite menée par le Parti libéral - va leur permettre de tourner le dos à une politique étrangère jusqu’à présent axée sur le soutien inconditionnel au grand allié américain. Kevin Rudd devrait prêter serment aujourd’hui et constituer son gouvernement jeudi.

Ce qui va changer :

La semaine prochaine, à Bali (Indonésie), se tient une conférence sur le climat. Kevin Rudd y a été invité et la rupture avec la politique précédente devrait s’y matérialiser. L’Australie est le seul pays industrialisé du monde avec les Etats-Unis à avoir refusé de signer les accords de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Alors qu’Howard a toujours jugé cette question subalterne, Rudd a assuré que sa priorité était d’agir contre le changement climatique. Durant sa campagne électorale, il s’est engagé à ratifier « immédiatement le protocole de Kyoto ».

Les relations avec les Etats-Unis devraient connaître quelques tensions sur la question de la présence militaire australienne en Irak. 1 500 soldats de Canberra épaulent encore les GI sur le terrain et Rudd est favorable à leur rapatriement dans les plus brefs délais.

La victoire de Rudd - qui parle couramment le mandarin et a été en poste à Pékin dans les années 80 - devrait aussi renforcer les liens entre Canberra et la Chine. Ce qui ne va pas sans inquiéter le Japon, qui craint qu’un rapprochement avec Pékin n’affaiblisse les relations avec Tokyo, avec qui l’Australie a signé un accord de libre-échange et un pacte de défense commun. Enfin, sur le plan intérieur, Rudd a promis de « présenter ses excuses » au nom de l’Australie aux Aborigènes, une population défavorisée, laissée pour compte du développement économique.

Les raisons d’un tel revers pour les conservateurs :

Pendant la campagne électorale, tous les sondages d’opinion allaient dans le même sens. Les Australiens sont inquiets des changements climatiques alors que leur pays souffre cette année de sa plus grande sécheresse depuis un siècle. Ils sont également favorables à un retour de leurs soldats déployés en Irak. Ces deux éléments fondamentaux suffiraient à expliquer leur vote. Il convient cependant d’y ajouter l’usure du pouvoir pour John Howard, 68 ans. Avec sa démission - Howard a perdu sa circonscription et s’est retiré de la présidence du Parti libéral -, son parti est décapité. De son côté, Kevin Rudd, qui a pris les rênes d’un Parti travailliste divisé et démoralisé en décembre 2006, a fait preuve d’une remarquable habileté politique pour remonter la pente. Il s’est donné une image résolument moderne,

Ce qui ne devrait pas trop évoluer :

Sur le plan intérieur, Rudd devrait notamment revenir sur une tentative controversée de réforme du droit du travail et tenter de mieux redistribuer les richesses. Mais les fondamentaux de la politique économique actuelle ne devraient pas subir de grosses modifications. Rudd se pose d’ailleurs en travailliste modéré et « économiquement conservateur ».

L’Australie bénéficie d’une croissance économique importante depuis une dizaine d’années, le chômage est au plus bas depuis trente ans - à 4,3 % de la population active - et le pays connaît une euphorie boursière et immobilière.

Hormis sur le dossier irakien, les relations avec les Etats-Unis ne devraient pas être trop affectées par le changement. En gage de bonne volonté, Rudd a, dès l’annonce de sa victoire, assuré qu’il se rendrait très vite à Washington.

de GÉRARD THOMAS


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