Prix garantis pour les agriculteurs – Une victoire idéologique de LFI qui ne passe pas pour Macron et Bardella

jeudi 28 mars 2024.
 

Agriculteurs. Cet après-midi, les candidats aux élections européennes ont débattu de la crise du monde agricole. La tête de liste de LFI Manon Aubry a rappelé la proposition de prix planchers portée par Jean-Luc Mélenchon dès 2018, et défendue le 30 novembre 2023 à l’Assemblée nationale par Manuel Bompard. Le camp présidentiel et le reste de la droite se sont opposés au texte, rejeté à six voix près. Le 24 février, premier jour du salon de l’Agriculture, le chef de l’État reprend la proposition des insoumis et défend l’instauration de prix planchers, filière par filière. Son ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, assiste à cette scène en direct, le regard livide et défait.

De son côté, le RN a qualifié la mesure de « trappe à pauvreté » par la voix de Jordan Bardella, tête de liste RN aux élections européennes, avant d’être sèchement recadré par Marine Le Pen. La conséquence ? Le RN entérine le rapport de force favorable aux industriels de l’agro-business, qui, dans ce type de négociation, ne font qu’une bouchée des producteurs. Rien d’étonnant pour le parti de Marine Le Pen qui a voté en faveur de l’actuelle PAC qui ne prévoit ni prix planchers ni encadrement des marges. Autant de chaos qui témoignent d’un profond manque de cohérence de l’ensemble des candidats des autres formations. Notre article.

30 novembre : le camp présidentiel rejette les prix garantis rémunérateurs pour les agriculteurs lors de la niche parlementaire de LFI

30 novembre, jour de niche parlementaire de la France insoumise. Un jour dans l’année, un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale peut définir l’ordre du jour complet des débats. Les députés LFI Manuel Bompard et Aurélie Trouvé portent une proposition de loi visant, entre autres, à instaurer des prix garantis rémunérateurs pour les agriculteurs. Un à un, les articles de loi sont votés par la représentation nationale. Sentant leur défaite se rapprocher, la droite et les macronistes ont fait annuler les victoires insoumises, en position « sauve-qui-peut ». Cette proposition de loi est pourtant soutenue par 88% des Français, selon un sondage Toluna Harris Interactive. À six voix près, le texte est rejeté.

« Les souffrances du peuple, vous n’en avez rien à faire. Seuls comptent pour vous les intérêts de quelques acteurs économiques ! », dénonce alors Manuel Bompard dans l’hémicycle. Ce texte de loi n’aurait pas réglé toutes les difficultés des agriculteurs. Mais cela aurait un début, un signal politique envoyé à ce métier si souvent méprisé, sauf quelques jours par an au salon dédié à cette profession.

À ce moment-là, une telle mesure aurait peut-être contenu, voire empêché la mobilisation actuelle des agriculteurs dans notre pays. Elle ne désemplit pas, comme on peut le voir au Salon de l’Agriculture cette semaine. Les parlementaires macronistes et ce qui reste des Républicains paient aujourd’hui leur recroquevillement idéologique. Ils doivent faire face à une colère profonde qui ne redescendra pas tant que les solutions politiques attendues par les agriculteurs soient mises en œuvre.

24 février : au salon de l’agriculture, Macron propose la mise en place de prix planchers

Pas de prix planchers donc ? Invité sur l’émission Questions politiques le 27 janvier 2024, le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau qualifie la proposition de loi insoumise de « démagogique ». Un argumentaire peu surprenant. Au lieu de répondre sur le fond, le ministre d’Emmanuel Macron préfère utiliser le ton de la dérision. Marc Fesneau préfère un mot-valise qu’une argumentation sur le fond. Dont acte

Moins d’un mois plus tard, un grand moment de télévision. Interrogé au salon de l’Agriculture, Emmanuel Macron déclare : « L’objectif, c’est que […], nous puissions avoir justement, filière par filière, des prix planchers, [le tout] dans un texte de loi dans un texte de loi qui viendra dans les prochains mois. Egalim et la Loi de Modernisation de l’économie seront modifiées en ce sens ! ». Ce, afin de « ne pas céder à toutes les pratiques les plus prédatrices qui sacrifient nos agriculteurs et leurs revenus. ».

D’aucuns ne peuvent s’empêcher de regarder Marc Fesneau, juste à droite du président, en train de se décomposer en écoutant le chef de l’État. En direct, Emmanuel Macron est en train de faire valoir ce qu’il s’est démené à combattre et à discréditer ces derniers mois. Il est même en train de reprendre une proposition de loi… défendue par LFI depuis 2018. Cette annonce a rapidement été saluée par LFI et quelques députés. Sur Twitter, Jean-Luc Mélenchon souligne la défaite du camp présidentiel : « La macronie a dû capituler sur les prix garantis dans l’agriculture. Mais elle accuse notre proposition d’être « soviétique ». Toujours le mépris pour l’intelligence des gens. », dénonce-t-il.

Visiblement, Marc Fesneau n’a toujours pas reçu ses fiches argumentaire. Invité du « Grand Jury » ce dimanche 25 février, Marc Fesneau assimile la proposition de loi sur les prix rémunérateurs garantis à un « modèle soviétique ». Les insoumis ne proposent pas un prix fixé d’en haut par le gouvernement, mais par « conférence publique de filière », avec les représentants agricoles, industriels, des consommateurs, etc. Cette disposition est d’ailleurs appliquée dans de diverses formes, au Canada ou aux États-Unis, pays évidemment connus pour baigner dans la culture soviétique. Autant de données que le Gouvernement ignore, et notamment Marc Fesneau, ignorent pour privilégier la caricature.

En réalité, LFI défend l’instauration de prix garantis pour les agriculteurs depuis 2018. « Quel problème y a-t-il à fixer des prix planchers ? Si nous ne les fixons pas, qui va les fixer ? En aval, le marché financier. Et en amont ? […] Les agriculteurs vont aller rencontre Bayer et Monsanto pour fixer les prix ?! Les paysans ne peuvent peser ni en amont, ni en aval. Il faut rompre avec le cadre du libre-échange libéralisé ! », expliquait Jean-Luc Mélenchon à la tribune de l’Assemblée nationale.

Depuis 2018, LFI défend l’instauration des prix garantis, pendant que le RN joue double jeu

Depuis, à chaque occasion, LFI lutte pour instaurer des prix garantis pour les agriculteurs. Dans le cadre de l’examen de la loi EGALIM en 2018 (rejetée), dans le cadre de la proposition de loi pour « parer la crise agricole et alimentaire » (les macronistes l’ont rejetée en commission à l’Assemblée nationale), le 30 novembre 2023 comme rappelé précédemment… Enfin, le 13 février 2024, Manuel Bompard et Aurélie Trouvé ont redéposé leur proposition de loi, rejetée à six voix près. Aucune réponse ou signe ne leur a été fait à ce jour.

Depuis 2018, les insoumis bataillent pour une mesure qui améliorerait grandement le quotidien des agriculteurs. Cette profession est dans une grande souffrance. Un agriculteur se suicide tous les trois, voire deux jours. Le nombre de jeunes agriculteurs est en chute. 18% des ménages agricoles vivent sous le seuil de pauvreté. Des revenus dignes à la hauteur du travail qu’il fournisse et un moratoire sur les accords de libre-échange : voilà deux réponses concrètes à la crise profonde que traverse cette profession.

Pendant que LFI propose des solutions concrètes, que propose le Rassemblement National ? L’extrême droite préfère ménager la chèvre et le chou. Au Parlement européen, Jordan Bardella est fier d’avoir voté la Politique Agricole Commune. Ainsi, le président du parti lepéniste a voté contre la garantie de prix justes à la production pour le lait et la protection contre les produits de pays tiers, entre autres. Nous avons écrit plus de détails dans nos colonnes, dans un article démontrant pourquoi l’extrême droite vote contre les intérêts des agriculteurs, dont elle se prétend être la plus ardente défenseuse. Le RN, une arnaque sociale, à démasquer de toute urgence, en pleine crise agricole et en vue des européennes.


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