Le spectre de l’Extrême Droite qui ensorcelle les esprits désespérés lorgne la direction de la France en ruines. 1ère partie.

samedi 17 février 2024.
 

Le spectre de l’Extrême Droite qui ensorcelle les esprits désespérés se dirige vers la direction de la France en ruines. Première partie.

"Sur la route électorale avance un cortège : tout d’abord, une horde de motards du RN ouvre la voie au corbillard de la Démocratie conduit par Marine Le Pen. Ensuite, en rangs serrés, défilent des représentants de LREM, de LR, ainsi que quelques membres du PS. Le cortège se dirige vers le cimetière d’une France en ruines. Comment en est-on arrivé là ?"

La lutte contre l’extrême droite en France et en Europe est une nécessité politique pour toutes les forces progressistes démocratiques de gauche, notamment les plus radicales. Cependant, cette bataille exige un travail de réflexion et un engagement militant significatif, ne pouvant se satisfaire de discours généraux vagues et d’incantations du type « faire barrage à l’extrême droite ».

Toute étude utilisant le matérialisme historique passe par l’analyse dans deux sphères :

La sphère matérielle : comprend la nature des rapports de production, les conditions de la production matérielle par les travailleurs, la dynamique du développement des forces productives, et les processus de la lutte de classe, notamment menée par les syndicats.

La sphère de la superstructure idéologique : implique l’examen des différentes idéologies, imaginaires et rhétoriques utilisées par les divers appareils idéologiques et politiques pour légitimer ou contester le développement de cette base matérielle.

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Il faut également analyser comment ces représentations agissent sur cette base matérielle.

À notre époque, l’appareil médiatique dominant est un appareil idéologique de premier plan.

Ces bases matérielles et superstructurelles doivent être comprises dans la dialectique de leur unité contradictoire et transformationnelle.

Appliquons ces principes à l’analyse de l’extrême droite.

Il faut analyser l’impact des modifications de la base matérielle sur les différents appareils idéologiques et politiques dont le FN – RN qui ne doit pas être étudié comme une entité isolée mais en interaction avec les autres opérateurs du champ politique et institutionnel.

En examinant le RN, il est essentiel d’étudier son origine historique et son développement jusqu’à nos jours, en tenant compte des transformations du parti depuis sa création et des modifications apportées à certaines options idéologiques et à sa rhétorique.

D’autre part, il faut analyser ce mouvement d’extrême droite dans sa diversité, voire même dans ses contradictions internes. Cela nécessite une connaissance précise de ses stratégies et tactiques politiques ; il est nécessaire de les connaître pour pouvoir les combattre.

Comme l’ont rappelé certaines interventions d’universitaires ayant une bonne connaissance de l’extrême droite, réunis en colloque le week-end du 21 et 22 octobre 2023 à l’ initiative de l’Institut La Boëtie , l’extrême droite est hétérogène et ne peut être qualifiée globalement par un qualificatif réducteur du type « fasciste », nazie, raciste et encore moins son électorat.

Voir notre article : plein feu sur l’extrême droite avec l’institut la Boétie.

https://www.gauchemip.org/spip.php?...

Le développement de ce parti doit être mis en relation avec la base matérielle évoquée ci-dessus. Quelles sont les modifications dans la production, les conditions matérielles d’existence, les changements dans le développement des forces productives et l’évolution de la lutte des classes qui ont eu un impact sur le développement de ce parti ?

Comment le FN – RN, en tant qu’appareil idéologique, a produit une idéologie, un imaginaire et une rhétorique qui ont accompagné, légitimé ou contredit le système économique en place ? Cette action idéologique et rhétorique doit être mise en relation avec son action dans les institutions représentatives au niveau local, national et européen.

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I – Les rapports de production et les forces productives de la France de 1970 à 2022.

Examinons d’abord les modifications de la base matérielle.

1 - Premier phénomène majeur : la désindustrialisation de la France.

Entre 1970 et 2022, la part de l’industrie dans le PIB a été divisée par 2. Les statistiques de la Banque mondiale et de l’INSEE, bien qu’utilisant des méthodes de calcul légèrement différentes, arrivent à la même conclusion : une baisse continue de la part de l’industrie dans le PIB. L’industrie manufacturière prend en compte la transformation des matières premières et des produits semi-finis en produits finis : c’est la donnée prise en compte par l’INSEE ; la Banque mondiale ajoute à ces données la construction et l’extraction, ce qui explique la différence de quelques pourcents entre les deux statistiques. Voir notre tableau en annexe. Sur la même période, le nombre d’emplois industriels n’a cessé de baisser. Il s’élevait à 6,3 millions en 1970 et s’élève à 3,1 millions en 2022. Voir annexe. On connaît les causes de cette désindustrialisation : délocalisations des entreprises industrielles dans les pays à faible coût, croissance des importations des produits industriels manufacturés, mécanisation et robotisation et surtout financiarisation de l’économie. Une autre cause fondamentale est le choix politique des gouvernements qui ont promu le développement des services, de la tertiarisation des activités au détriment de la production industrielle en faisant abstraction de la notion de souveraineté nationale sur le plan économique. Les institutions européennes ont favorisé ce mouvement. La mise en place de l’informatisation et des nouvelles techniques d’information et de communication a aussi accompagné le mouvement. L’abandon de toute idée de planification et les privatisations ont accru l’instabilité du système en augmentant son entropie.

Les conséquences sociales sont connues : licenciement massif et croissance du chômage qui ne descend jamais en dessous de 7 %, précarisation de l’emploi qui s’étend progressivement à tous les niveaux de qualification et à tous les secteurs, augmentation de la pauvreté et des inégalités sociales. Ces modifications de la base matérielle ont pour fonction d’augmenter le taux général moyen de profit de la classe capitaliste, ce qui s’est traduit par une baisse de la part des salaires dans la valeur ajoutée depuis le milieu des années 1970.

2 - Deuxième phénomène : une destruction de l’agriculture en France.

Nous avons concentré notre attention sur le secteur industriel, mais il existe aussi une « désagricolisation » de la France qui n’est même plus capable d’assurer sa souveraineté alimentaire aujourd’hui. En effet, en 1970, il y avait 1 587 600 agriculteurs en France métropolitaine. En 2022, le nombre d’agriculteurs est de 400 000, soit une baisse de 75 % en 50 ans. Les causes de cette diminution sont connues : mécanisation et augmentation croissante des engrais et pesticides, baisse des revenus tant pour les ouvriers que les employeurs qui conduit non seulement à du chômage mais aussi à des suicides. Pris en tenaille entre les coûts croissants du matériel, du prix des matières premières et de l’énergie d’une part et des exigences parfois exorbitantes de profit de la grande distribution, après une période de survie survient la mort de l’exploitation et parfois de l’agriculteur lui-même.

3 - Troisième phénomène : l’informatisation des services.

Nous avons dit que c’est le secteur tertiaire qui a été favorisé par rapport aux secteurs productifs, mais cela ne signifie pas que le chômage n’a pas frappé le secteur des services. Par exemple, entre 2002 et 2022, il y a eu 193 000 suppressions d’emplois, notamment dans le secteur des banques et des assurances, et même 284 000 si l’on inclut le secteur tertiaire non-marchand. La digitalisation et l’externalisation des activités de services dans certains pays comme l’Inde par exemple ont contribué à ces suppressions d’emplois.

Ainsi, comme dit plus haut, aucun secteur n’est protégé contre le chômage et cette instabilité structurelle frappe aussi les chefs d’entreprise. Si l’on se réfère seulement à la dernière décennie, c’est environ entre 45 000 et 55 000 entreprises qui disparaissent chaque année, évidemment essentiellement des TPE et PME.

4 – Les phénomènes trans – sectoriel concernant la force de travail.

4.1 La part croissante des salariés dans la population active.

Concernant l’utilisation de la force de travail, la part du nombre de salariés dans la population active passe de 82 % en 1970 à environ 90 % en 2022. Ce mouvement de salarisation est continu. Il s’explique, en partie, par la salarisation croissante des femmes et « l’exode rural ».

Le nombre de « femmes au foyer » devient de plus en plus minoritaire.

4.2 la salarisation croissante des femmes.

Voici une évolution du pourcentage de femmes dans la population active depuis 1980 en France. Source : INSEE

1980 37,9 % 1990 42,4 % 2000 46,2 % 2010 50,6 % 2020 52,6 % 2022 53,1 % En 2020 – 22, le taux d’emploi des femmes est de 69 – 70 %

Selon les données de l’Insee, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes en France a diminué de manière constante depuis les années 1980, mais il reste encore important.

En 1980, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes était de 37,9 %. Il a ensuite diminué progressivement pour atteindre 28,5 % en 2000. Depuis, la diminution s’est accélérée et l’écart est tombé à 22 % en 2020.

Des progrès donc mais des discriminations subsistent.

Examinons maintenant le nombre d’emplois à temps partiels.

En 2000, selon les données de l’Insee, le nombre de femmes travaillant à temps partiel était de 3,2 millions. Cela représentait 27,4 % des femmes en emploi. Le pourcentage d’hommes travaillant à temps partiel était de 6,2 %, soit 0,5 million d’hommes.

En 2023, selon les données de l’Insee, le nombre de femmes travaillant à temps partiel est de 4,3 millions. Cela représente 28,1 % des femmes en emploi. Le pourcentage d’hommes travaillant à temps partiel est de 7,6 %, soit 1,1 million d’hommes.

Il en résulte de constat : en 20 ans le nombre d’emplois à temps partiel a augmenté en pourcentage de l’emploi total à la fois pour les femmes et pour les hommes ; d’autre part, le nombre de femmes travaillant à temps partiel est largement supérieure en pourcentage au nombre d’hommes travaillant à temps partiel. (environ 4 fois plus).

4.3 Populations et salariés immigrés en France.

a) La population immigrée.

Selon les données de l’Insee, le taux d’immigration en France entre 1980 et 2020 a évolué de la manière suivante moyennes décennales

1980-1990 6,2 %

1990-2000 7,4 %

2000-2010 6,9 %

2010-2020 8,4 %

La moyenne du taux d’immigration sur l’ensemble de la période est de 7,3 %.

Ce taux a connu une augmentation progressive au cours des quatre décennies considérées, avec une légère baisse entre 2000 et 2010, puis une forte augmentation entre 2010 et 2020.

En 2022 le taux d’immigration est évalué à 10,3 % par l’INSEE. Il s’élève pour l’union européenne à 12, 6 %.

Si l’on considère le taux du flux net du migratoire par année, c’est-à-dire le nombre d’immigrés sur une année rapporté à la population totale on obtient des pourcentages évidemment différents.

Par exemple en 2022, la France a accueilli 161 000 immigrés. Rapportée à la population totale de 67 millions d’habitants cela représente un taux de 2,4 % un calcul semblable appliqué à l’Union européenne donne un taux du flux migratoire net de 2,2 % en 2022.

Les pays de l’UE qui ont enregistré les taux de flux migratoire les plus élevés en 2022 sont l’Allemagne (3,2 %), l’Italie (2,8 %) et l’Espagne (2,7 %). Les pays qui ont enregistré les taux les plus faibles sont la Roumanie (0,8 %), la Bulgarie (0,9 %) et la Pologne (1,0 %).

si l’on calcule la moyenne des taux nets des flux migratoires entre 2000 et 2020, on obtient pour la France un fluent moyen net d’immigration 228 000 en moyenne, soit un taux de 1,9 %.

Le solde migratoire net annuel moyen entre 2000 et 2020 pour l’union européenne s’élève à 1,2 millions de personnes ce qui fait un taux de flux migratoire net de 2,7 %, donc supérieure à celui de la France.

Conclusion : si le taux d’immigration a sensiblement augmenté entre 1980 et 2022 celui-ci reste modéré et le taux d’immigration en France de 10,3 % reste inférieur à celui de l’union européenne de 12,6 %.

De même, sur les 20 dernières années le taux de flux migratoire net moyen annuel reste nettement inférieur à celui de l’union européenne.

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b) la part des travailleurs immigrés dans la population active. Évolution en France.

D’après les données de l’Insee, le pourcentage de travailleurs immigrés dans la population active en France a augmenté de manière constante entre 2000 et 2020, passant de 5,3 % à 7,2 %. En 2020, on comptait 3,7 millions de travailleurs immigrés en France, soit 7,2 % de la population active totale.

Cette augmentation est due à plusieurs facteurs, notamment :

L’augmentation du nombre d’immigrés en France, qui est passé de 4,4 millions en 2000 à 7,0 millions en 2020.

L’augmentation du taux d’activité des immigrés, qui est passé de 63,5 % en 2000 à 68,1 % en 2020.

Les travailleurs immigrés sont surreprésentés dans certains secteurs d’activité, notamment :

L’hôtellerie-restauration (18,3 %)

La construction (17,7 %)

Les services aux particuliers (16,6 %)

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4.4 l’évolution du pouvoir d’achat entre 1980 et 2023 : une dévalorisation de la force de travail du monde salarié mais pas seulement.

Examinons l’évolution du pouvoir d’achat en France entre 1980 et 2023

Le pouvoir d’achat est défini comme la quantité de biens et services qu’un individu peut acheter avec son revenu. Il est calculé en divisant le revenu par le niveau général des prix.

En France, le pouvoir d’achat a connu une évolution contrastée entre 1980 et 2023.

Sur la période 1980-2000, le pouvoir d’achat a progressé de manière significative. Le salaire moyen net a augmenté de 3,5 % par an en moyenne, tandis que l’inflation a progressé de 2,5 % par an en moyenne. Le pouvoir d’achat a donc progressé de 1 % par an en moyenne.

Sur la période 2000-2023, le pouvoir d’achat a stagné, voire reculé. Le salaire moyen net a augmenté de 2,5 % par an en moyenne, tandis que l’inflation a progressé de 2,8 % par an en moyenne. Le pouvoir d’achat a donc reculé de 0,3 % par an en moyenne.

En 2023, le pouvoir d’achat a reculé de 0,2 % par rapport à l’année précédente. Le salaire moyen net a augmenté de 2,5 %, tandis que l’inflation a atteint 4,9 %.

Cette faible croissance et cette stagnation du pouvoir d’achat est à mettre en relation avec l’évolution du partage de la valeur ajoutée et de l’accumulation croissante du capital par les grandes fortunes.

Ainsi, les 500 premières fortunes françaises ont accumulé un patrimoine global en croissance rapide. Il représentait 6,5 % du PIB en 1999 ; 10 % en 2009 et 45,6 % du PIB en 2022 ce qui représente un patrimoine de 1170 milliards d’euros.

5 - l’évolution du PIB et de la productivité du travail en France de la croissance à la stagnation.

a) l’évolution du PIB en France.

Le développement des forces productives peut se mesurer par la croissance du PIB. Or, depuis 1970 jusqu’à 2023, le taux de croissance du PIB calculé en moyennes décennales (de manière à lisser les fluctuations annuelles) montre une baisse tendancielle de ce taux de croissance. Voir le tableau en annexe. Pour 2023 et 2024, les prévisions de la Banque mondiale donnent un taux de croissance pour la France de 0,8 % et 0,9 %. Cette aggravation de la baisse du taux du PIB est essentiellement due aux conséquences – boomerang des sanctions économiques massives contre la Russie. Pour ne prendre qu’un exemple, 6000 chauffeurs routiers ont été licenciés en 2023 en raison des faillites d’entreprises de transport.

La banque mondiale prévoit pour 2024 une croissance de 3,6 % pour la Russie qui a intensifié sa production industrielle et ses exportations vers l’Extrême-Orient en raison des sanctions.

b) évolution de la productivité du travail.

Pour le développement des forces productives, un autre paramètre intéressant à prendre en compte est la variation de la productivité du travail. Ici, le PIB produit par heure travaillée. On assiste à une baisse tendancielle de cette productivité qui s’élevait entre cinq et 6 % dans les années 1970 mais qui tombe aux environs de 2 % en cette dernière décennie. Une des raisons est la désindustrialisation car c’est dans l’industrie que l’on acquiert le plus facilement des gains de productivité. Le vieillissement de la population active et la délocalisation d’entreprise dans des pays où la productivité du travail est plus élevée pour un moindre coût sont aussi d’autres explications. La raison profonde est évidemment toujours la même : augmenter le taux de plus-value et donc le taux de profit qui peut arriver à des limites techniques ou de court – termisme : il peut être plus rentable pour un capitaliste d’investir dans des produits financiers que dans l’innovation technique qui améliore la productivité.

Nous n’avons pas la prétention ici de dresser un panorama exhaustif : on pourrait ainsi parler de la rationalisation de la division internationale du travail et de l’augmentation de la vitesse de rotation du capital au niveau international, la rationalisation de la technique de gestion des personnels avec des nouveaux outils de management, etc. Sur ce dernier demi-siècle, en observant les tableaux statistiques en annexe, on constate que ces évolutions se sont déroulées aussi bien sous un régime de droite que sous un régime dit de gauche de type social-démocrate en France et en Europe.

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6 – l’affaiblissement des acteurs de la lutte de classes.

6.1 L’affaiblissement des syndicats en France.

Selon les données de la Dares, le taux de syndicalisation des travailleurs salariés en France a connu une baisse progressive entre 1980 et 2022. Il était de 25,1 % en 1980, et il est tombé à 10,3 % en 2022.

Cette baisse est particulièrement marquée dans le secteur privé, où le taux de syndicalisation est passé de 18,9 % en 1980 à 7,8 % en 2022. Dans le secteur public, le taux de syndicalisation est plus élevé, mais il a également baissé, passant de 35,9 % en 1980 à 14,7 % en 2022.

Cette baisse du taux de syndicalisation est due à plusieurs facteurs, notamment :

La transformation de l’économie française, avec le développement du secteur tertiaire et de la sous-traitance, qui a favorisé la multiplication des petites entreprises, moins favorables à la syndicalisation. La désindustrialisation a joué un rôle important dans la des syndicalisations.

L’individualisation des relations de travail, avec la montée de la flexibilité et de la précarité, qui a affaibli le rôle des syndicats comme représentants des salariés.

La perte de légitimité des syndicats, perçus comme étant moins efficaces et moins proches des préoccupations des salariés dans certains secteurs.

Un autre facteur de l’affaiblissement et la lutte acharnée et continue des médias dominants contre le syndicalisme en France et notamment contre les syndicats plus contestataires. L’association Acrimed a réalisé plusieurs études sur ce sujet.

En 2022, le taux de syndicalisation des travailleurs salariés en France est le plus faible des pays de l’OCDE, après les États-Unis. Voir en annexe l’évolution de la baisse du taux de syndicalisation entre 1980 et 2022. (Tableau 8) mais on assiste aussi à un affaiblissement du syndicalisme le plus radical : celui de la CGT.

Alors que la CGT était le premier syndicat en 1970 avec 44 % de voix aux élections professionnelles, il se retrouve en 3ème place après la CFDT et fo en 2020 avec 22,3 % des voix. Son influence a donc été divisée par 2 ans 50 ans au profit de syndicats réformistes. (Pour plus de détails, voir tableau 8 bis)

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6.2 L’affaiblissement de la gauche radicale notamment du PCF.

Sur le plan politique, la gauche dite radicale comme le PCF s’est affaiblie depuis les années 1970 et notamment à partir de l’effondrement de l’URSS en 1989 – 90. Le Front de gauche entre 2000 et 2015 a pu remonter quelque peu la pente mais c’est surtout à partir de 2016 – 2017 que la gauche radicale a pu sortir de l’ornière grâce à la création et au développement de La France Insoumise.

Une lueur d’espoir apparaît en 2022. En additionnant le score de Mélenchon, du PCF, et de l’extrême gauche, on atteint un pourcentage compris entre 25 et 26 pour cent, un résultat qui ne s’était pas produit depuis la libération en 1945. Il est étonnant que ce calcul n’ait jamais été mis en évidence par la gauche. En revanche, cette dissimulation se comprend de la part de la grande bourgeoisie qui, elle, a bien enregistré le message et va utiliser tous les moyens pour détruire politiquement cette poussée de radicalité à gauche. Ainsi, après une période de déclin, le mouvement syndical, à partir des grèves contre la loi travail, le démantèlement de la SNCF et dernièrement les grèves contre la retraite à 64 ans, couplés à la croissance de LFI, a redonné de la vigueur à la lutte de classe qui a pour fonction de s’opposer à la dégradation des conditions de travail et de vie des travailleurs dans tous les domaines et tous les secteurs.

La situation devient critique pour la classe capitaliste dominante. En effet, les rapports de production du capitalisme financiarisé entre en contradiction avec le développement des forces productives.

Cela se traduit par une stagnation pour la croissance du PIB et de la productivité et par une stagnation du pouvoir d’achat moyen qui se traduise par le fait qu’un nombre croissant de travailleurs salariés ou indépendants non plus la capacité de vivre par leur travail. Cela s’appelle une situation tré – révolutionnaire qui annonce une explosion sociale ou (et) politique.

Il existe des indices visibles de cette crise comme la croissance du nombre de personnes ayant recours à une aide alimentaire pour éviter la famine, les quelque 300 000 personnes sans-abri mais il existe aussi des symptômes plus diffus et moins visibles : la hausse de la mortalité infantile et l’arrêt de la hausse de l’espérance de vie.

Cela nous conduit à examiner des paramètres démographiques liés aux conditions de vie matérielles et sociales de la population.

7 - Action de la structure économique néolibérale sur les paramètres démographiques.

a) La mortalité infantile.

La hausse de la mortalité infantile en France est constatée depuis 2014. En effet, le taux de mortalité infantile, qui avait atteint un niveau historiquement bas de 3,32 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2012, a augmenté de 7 % en 7 ans pour atteindre 3,56 décès pour 1 000 naissances vivantes en 2019. Cette hausse est particulièrement marquée lors de la première semaine de vie, qui concentre 47,8 % des décès.

b) L’espérance de vie.

L’arrêt de la hausse de l’espérance de vie en France est constaté depuis 2018. En effet, l’espérance de vie à la naissance, qui avait atteint un niveau historiquement haut de 82,2 ans pour les femmes et de 78,4 ans pour les hommes en 2017, est restée stable en 2018 et 2019.

c) Le taux de fécondité et le taux de natalité en baisse.

Taux de fécondité Le taux de fécondité est le nombre moyen d’enfants qu’une femme a au cours de sa vie. Il est calculé en divisant le nombre de naissances vivantes par le nombre de femmes en âge de procréer (de 15 à 49 ans).

En France, le taux de fécondité a connu une baisse constante depuis les années 1970. Il est passé de 2,77 enfants par femme en 1970 à 1,80 enfant par femme en 2022.

Taux de natalité

Le taux de natalité est le nombre de naissances vivantes pour 1 000 habitants. Il est calculé en divisant le nombre de naissances vivantes par la population totale.

En France, le taux de natalité a également connu une baisse constante depuis les années 1970. Il est passé de 18,3 naissances pour 1 000 habitants en 1970 à 9,9 naissances pour 1 000 habitants en 2022. Ainsi, le taux de natalité a été divisé par deux en 50 ans.

Ces différentes baisses peuvent avoir différentes causes mais elles relèvent des politiques économiques néolibérales : une dégradation des services publics de santé, des difficultés croissantes à pouvoir élever correctement les enfants en raison d’un pouvoir d’achat insuffisant, des conditions de travail et de transport et de logement difficiles.

Nous allons aborder maintenant l’étude de la superstructure politique et idéologique

voir la suite de notre article dans l’article prochain qui commencera par :

II – La superstructure idéologique et politique de la France entre 1970 et 2023.

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Annexe

Tableau 1 : Part de la production industrielle de la France dans son PIB

La banque mondiale prend en compte l’industrie de la construction et de l’extraction, la banque mondiale prend aussi en compte … alors que l’INSEE ne prend en compte que les produits manufacturés.

Année Part Source : banque mondiale, INSEE.

1970 31,3 % Banque mondiale 28,1 % INSEE 1980 23,0 % Banque mondiale 24,4 % INSEE 1990 22,1 % Banque mondiale 22,1 % INSEE 2000 20,7 % Banque mondiale 20,5 % INSEE 2010 18,9 % Banque mondiale 17,5 % INSEE 2020 17,0 % Banque mondiale 15,2 % INSEE 2023 16,3 % Banque mondiale 13,0 % INSEE

Les données pour les années 1970 à 2020 sont issues de la Banque mondiale. Les données pour l’année 2023 sont issues de l’Insee.

On constate donc une tendance à la baisse de la part de l’industrie dans l’économie française depuis les années 1970. Cette baisse s’explique par plusieurs facteurs, notamment la montée en puissance du secteur tertiaire, la mondialisation et la concurrence des pays émergents.

En 2023, la part de l’industrie dans le PIB français est de 13,0 %. Cela signifie que l’industrie représente un peu plus de 13 % de la richesse produite en France.

Selon les données de la Banque mondiale, la part de la production industrielle dans le PIB de l’Allemagne, des États-Unis et de la Russie en 2022 et 2023 est la suivante :

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Tableau deux : par de l’emploi industriel dans la population active en France de 1970 à 2002. Source : Insee, Emploi par activité : https://www.insee.fr/fr/statistique...

Année Part de l’emploi industriel (en %) Source

1970 32,1 1980 30,2 1990 28,2 2000 24,7 2010 22,4 2020 12,0 2022 13,3

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Tableau 3 : Croissance du PIB depuis 1970

Croissance décennale du PIB en France depuis 1970

Source : : Banque mondiale, données des comptes nationaux

Décennie Taux de croissance moyen du PIB par décennie (en %)

1970-1979 5,9 1980-1989 2,7 1990-1999 2,5 2000-2009 2,2 2010-2019 1,4 2020-2023 2,1

** Tableau 3 : évolution de la productivité du travail en France de 1970 et 2022

La productivité du travail en France a connu une évolution contrastée entre 1970 et 2022. Elle a prog quatre ressé de manière régulière jusqu’au début des années 1990, à un rythme moyen de 3,5 % par an. Cette période a été marquée par une forte croissance économique, une intensification de l’utilisation du capital et des progrès technologiques.

À partir des années 1990, la productivité du travail a commencé à ralentir, pour atteindre un rythme de croissance moyen de 2,5 % par an entre 1990 et 2007. Cette évolution s’explique par plusieurs facteurs, notamment la fin de la croissance des gains de productivité liés à l’introduction de nouvelles technologies, la concurrence accrue de la Chine et l’augmentation du coût du travail.

La crise économique de 2008 a marqué un tournant dans l’évolution de la productivité du travail en France. La crise a entraîné une baisse de la production et une augmentation du chômage, ce qui a pesé sur la productivité. En 2009, la productivité du travail a chuté de 2,6 %, son plus fort recul depuis la Seconde Guerre mondiale.

La reprise économique qui a suivi la crise a permis à la productivité du travail de se redresser, mais à un rythme plus lent qu’avant la crise. Entre 2010 et 2022, la productivité du travail a progressé de 1,3 % par an en moyenne.

En 2022, la productivité du travail en France était de 1,3 fois supérieure à ce qu’elle était en 1970. Cependant, ce niveau de productivité reste inférieur à celui de la plupart des pays de l’OCDE.

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Tableau 5 : Évolution du salaire net moyen mensuel en équivalent temps plein en France

Année Salaire net moyen 1980 1 288 € 1990 1 806 € 2000 2 069 € 2010 2 277 € 2020 2 429 € 2022 2 520 €

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Tableau 6 : évolution du Salaire net médian mensuel en équivalent temps plein en France de 1980 à 2022.

Année Salaire net médian 1980 1 048 € 1990 1 432 € 2000 1 580 € 2010 1 726 € 2020 1 878 € 2022 2 091 €

Commentaires

Ces valeurs ne tiennent pas compte de l’inflation :

Cependant, cette moyenne est fortement influencée par la période 1980-1986, au cours de laquelle l’inflation a été particulièrement élevée, atteignant en moyenne 9,6 % par an. Si l’on exclut cette période, le taux d’inflation moyenne en France entre 1980 et 2022 est de 1,8 %.

On observe une progression constante du salaire net moyen mensuel en équivalent temps plein en France, sur les quarante dernières années. Cette progression est particulièrement marquée entre 1980 et 2000, puis plus modérée depuis lors.

Le salaire net médian mensuel progresse également, mais à un rythme plus lent que le salaire moyen. Cela s’explique par le fait que la distribution des salaires est de plus en plus inégale. Les salariés les plus qualifiés et les mieux rémunérés voient leurs salaires augmenter plus rapidement que les salariés moins qualifiés et moins rémunérés.

En 2022, le salaire net moyen mensuel en équivalent temps plein est de 2 520 €. Le salaire net médian mensuel est de 2 091 €.

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Tableau sept : Accroissement des inégalités de revenus de patrimoine sous le règne de François Mitterrand entre 1981 et 2002.

Il est possible d’évaluer la croissance des inégalités en France entre 1981 et 2002 à partir de plusieurs indicateurs.

L’indice de Gini est un indicateur couramment utilisé pour mesurer les inégalités de revenu. Il varie entre 0 et 1, où 0 correspond à une situation d’égalité parfaite et 1 à une situation d’inégalité maximale.

Selon l’Insee, l’indice de Gini des revenus d’activité avant redistribution est passé de 0,28 en 1981 à 0,32 en 2002, soit une augmentation de 14 %. Cela signifie que les revenus des ménages les plus riches ont augmenté plus rapidement que ceux des ménages les plus pauvres.

Le coefficient de Theil est un autre indicateur de mesure des inégalités. Il est également compris entre 0 et 1, où 0 correspond à une situation d’égalité parfaite et 1 à une situation d’inégalité maximale.

Le coefficient de Theil des revenus d’activité avant redistribution est passé de 0,33 en 1981 à 0,39 en 2002, soit une augmentation de 18 %. Cela signifie que les inégalités de revenu ont augmenté plus rapidement entre 1981 et 2002 que sur la période précédente (1970-1981).

La part des 10 % de ménages les plus riches dans le revenu total est également un indicateur de mesure des inégalités. Elle est exprimée en pourcentage.

La part des 10 % de ménages les plus riches dans le revenu total est passée de 27,5 % en 1981 à 32,5 % en 2002, soit une augmentation de 17 %. Cela signifie que les 10 % de ménages les plus riches ont capté une part croissante du revenu total entre 1981 et 2002.

En conclusion, les inégalités de revenu en France ont augmenté de manière significative entre 1981 et 2002. Cette augmentation s’est traduite par une hausse de l’indice de Gini, du coefficient de Theil et de la part des 10 % de ménages les plus riches dans le revenu total.

Il est important de noter que ces indicateurs ne mesurent que les inégalités de revenu. Les inégalités de patrimoine, qui sont également importantes, ne sont pas prises en compte dans ces calculs.

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Tableau 8 : évolution du taux de syndicalisation en France de 1980 à 2022.

Voici un tableau récapitulatif de l’évolution du taux de syndicalisation des travailleurs salariés en France entre 1980 et 2022 :

Année Taux de syndicalisation (ensemble des salariés) Taux de syndicalisation (secteur privé) Taux de syndicalisation (secteur public)

1980 25,1 % 18,9 % 35,9 % 1990 19,6 % 15,6 % 26,7 % 2000 14,2 % 10,9 % 20,7 % 2010 12,2 % 9,2 % 17,4 % 2020 11,0 % 8,7 % 14,7 % 2022 10,3 % 7,8 % 14,7 %

Sources :

Dares, "La syndicalisation en France", 2022 OCDE, "Database on Trade Union Density", 2022

* Tableau 8 bis : Évolution du nombre de voix en pourcentage obtenu par la CGT aux élections professionnelles entre 1970 et 2022.

les données de la Direction générale du travail (DGT), la part en pourcentage des voix obtenues par le syndicat CGT aux élections professionnelles en France a connu une évolution globalement décroissante entre 1970 et 2022.

En 1970, la CGT a obtenu 44,3 % des voix, soit la première place des syndicats français. Cette part a ensuite progressivement diminué pour atteindre 22,3 % en 2022, soit la troisième place derrière la CFDT (24,3 %) et FO (18,7 %).

Voici un tableau récapitulatif de l’évolution de la part des voix de la CGT aux élections professionnelles en France entre 1970 et 2022 :

Année Part des voix de la CGT (%) 1970 44,3 1974 42,1 1978 39,7 1982 37,3 1986 35,1 1990 33,3 1995 31,6 2000 29,9 2004 28,3 2008 27,0 2012 25,7 2016 24,6 2022 22, ** Tableau 9 :

Évolution des scores électoraux du PCF aux élections présidentielles de 1969 à 2022.

Voici les scores électoraux du Parti communiste français aux élections présidentielles entre 1969 et 2022 :

Année Candidat Voix %

1969 Jacques Duclos 5 749 037 21,3 % 1974 Georges Marchais 5 806 754 23,0 % 1981 Georges Marchais 6 710 206 16,1 % 1988 André Lajoinie 3 638 438 14,1 % 1995 Robert Hue 2 521 852 10,4 % 2002 Robert Hue 1 088 000 4,9 % 2007 Marie-George Buffet 1 065 000 4,0 % 2012 Jean-Luc Mélenchon 11 110 649 11,1 % 2017 Jean-Luc Mélenchon 7 059 19,58 % 2022 Fabien Roussel 610 611 2,3 %

** Tableau 10

Évolution du nombre de voix du FN – RN aux élections présidentielles depuis sa création jusqu’en 2022.

Année Candidat Parti 1er tour 2nd tour 1974 Jean-Marie Le Pen FN 0,74 % - 1981 Jean-Marie Le Pen FN 0,91 % - 1988 Jean-Marie Le Pen FN 10,44 % - 1995 Jean-Marie Le Pen FN 14,94 % - 2002 Jean-Marie Le Pen FN 16,86 % 5,52 % 2007 Marine Le Pen FN 10,44 % - 2012 Marine Le Pen FN 17,90 % - 2017 Marine Le Pen FN 21,30 % 33,90 % 2022 Marine Le Pen RN 23,15 % 41,45 %

Hervé Debonrivage


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