Le spectre de la « défaite historique » hante encore les gauches alternatives

dimanche 29 octobre 2023.
 

Près de 10 ans après les percées de Syriza en Grèce et Podemos en Espagne, que reste-t-il des ascensions électorales à la gauche de la social-démocratie ? Un ressac dramatique, qui épargne encore la France mais interroge les stratégies poursuivies et la crédibilité d’une voie électorale vers le changement social.

https://www.mediapart.fr/journal/in...[QUOTIDIENNE]-quotidienne-20231017-180911&M_BT=1489664863989

La gauche radicale européenne est-elle en train de vivre un retour à la case départ ? En l’espace d’une génération, la destinée de cette famille politique a semblé suivre une parabole, ce qui interroge la durabilité des succès obtenus entre-temps.

Il y a presque un quart de siècle, la morosité dominait. En 2000, l’intellectuel marxiste Perry Anderson faisait sensation, dans un éditorial de la New Left Review, en évoquant une situation de « défaite historique » face au néolibéralisme triomphant. « Aucun agent collectif rivalisant avec le pouvoir du capital n’apparaît à l’horizon », affirmait-il, en ajoutant carrément que, sur le terrain idéologique, la contestation de l’ordre existant n’avait jamais été aussi faible depuis des siècles.

À l’époque, d’autres penseurs critiques jugeaient excessif son pessimisme, à l’instar de Gilbert Achcar, rappelant l’agacement de l’économiste Ernest Mandel envers la mélancolie des jeunes générations : « Qu’auriez-vous fait alors si vous aviez été militants dans les années 1930, lorsque le nazisme se conjuguait avec les procès de Moscou ? »

Dans la science politique mainstream, néanmoins, des interrogations tout aussi lourdes s’exprimaient. Seymour M. Lipset, par exemple, formulait l’hypothèse d’une « américanisation » de la gauche européenne, c’est-à-dire une absence d’option socialisante, au profit d’un affrontement entre partis « capitalistes » de centre-droit et centre-gauche.

Le tournant du millénaire n’était en fait pas dépourvu de résistances, comme celle qu’incarnait un mouvement altermondialiste encore en dynamique. Quant aux partis de la gauche radicale, ils connaissaient un début de recomposition qui passait sous les radars, mais était riche de potentialités. Il a cependant fallu attendre les conséquences politiques de la crise de 2008, marquant l’amorce d’une longue dépression du capitalisme, pour que le sombre diagnostic de Perry Anderson soit démenti.

Les luttes contre l’austérité ont alors contribué à ranimer la contestation sociale, à travers des formes inédites comme les mouvements des places, observés sur plusieurs continents. Cette dynamique d’« autoprotection » de la société a parfois trouvé une traduction électorale spectaculaire, nourrissant des attentes extrêmement élevées envers une nouvelle gauche radicale en ascension, allant jusqu’à menacer la vieille social-démocratie convertie aux règles du jeu néolibérales de la globalisation.

Entre 2012 et 2017, plusieurs scènes politiques nationales ont ainsi été bouleversées. La Grèce a été pionnière, avec l’effondrement du Pasok (centre-gauche) au profit de la gauche radicale de Syriza, victorieuse dans les urnes. En Espagne, Podemos a effectué une percée éclair et a failli atteindre son ambition de « surpasser » le parti socialiste. Au Royaume-Uni, un outsider de l’aile gauche du parti travailliste, Jeremy Corbyn, a subverti des primaires internes pour s’imposer à sa tête. En France, enfin, l’effondrement du PS a eu pour pendant l’émergence de La France insoumise (LFI).

La gueule de bois des années vingt

Vus de 2023, les récits journalistiques sur « la bourrasque venue du sud de l’Europe » semblent cependant déjà appartenir à l’histoire ancienne. Syriza et Podemos ne font plus la une des médias depuis longtemps, et ont perdu les leaders qui avaient accompagné leur ascension – Alexis Tsipras a démissionné cet été, et Pablo Iglesias s’est retiré de la vie politique depuis deux ans.

Il faut suivre assidûment l’actualité européenne pour savoir que le parti grec, après une cuisante défaite électorale face à la droite, vient d’élire à sa tête un improbable nouveau leader, qui a fait fortune dans la haute finance aux États-Unis. Ou que le parti espagnol, définitivement partenaire minoritaire de socialistes à nouveau dominants, n’a eu d’autre choix que de se fondre dans une nouvelle coalition baptisée Sumar.

Au nord du Vieux Continent, Jeremy Corbyn a finalement perdu la direction du parti travailliste, et son legs est démantelé. En Allemagne, l’État membre le plus puissant de l’Union européenne (UE) avec la France, la gauche radicale de Die Linke, est à son plus bas niveau électoral depuis quinze ans, et au bord de l’implosion. Quant à LFI, rescapée d’une « gauche dos au mur dans toute l’Europe », selon les mots de son leader, Jean-Luc Mélenchon, elle a continué à progresser mais sa place dans le système partisan français est encore fragile.

« Notre optimisme de l’époque ne s’est pas traduit dans les faits, reconnaît l’historien Jean-Numa Ducange, professeur des universités à Rouen et coauteur d’un ouvrage sur cette nouvelle gauche émergente en 2013. Nous pensions assister à la phase ascendante d’un mouvement dans lequel confluaient des forces issues de la social-démocratie, d’un communisme renouvelé et de l’extrême gauche. Mais aujourd’hui, il n’y a plus d’alternative de gauche profonde et structurée, comme cela se dessinait il y a dix ans. »

Pourtant, on ne peut pas dire que la prospérité capitaliste ait été restaurée, au point d’avoir rendu anachronique l’offre de la gauche radicale. La crise des dettes souveraines a été suivie par celle du Covid, puis par le retour de l’inflation. En quinze ans, le taux de croissance des pays occidentaux, et particulièrement des pays européens, n’a cessé de s’affaiblir.

On assiste certes à des améliorations notables du marché du travail, mais elles s’accompagnent d’une pression croissante sur les salaires et les conditions de travail. Ce « miracle de l’emploi » ne suscite donc pas de satisfaction croissante. Par rapport à la vague austéritaire des années 2010, la situation matérielle des ménages n’est pas devenue subitement défavorable à une mobilisation contre un régime économique inégalitaire et précarisant.

Au-delà de la complexité de chaque cas national, d’autres hypothèses doivent être avancées.

Le ratage de l’épreuve du pouvoir

Il faut d’abord tenir compte du destin funeste connu par Syriza, le seul parti de gauche radicale parvenu au pouvoir par ses propres forces. À l’été 2015, le gouvernement dirigé par Alexis Tsipras a capitulé face à ses créditeurs, en dépit d’un référendum populaire l’encourageant à refuser l’austérité. « Il s’est produit “la fin de la possibilité d’un modèle”, pour ne pas dire l’apparition d’un contre-modèle », estime Gerassimos Moschonas, professeur de politique comparée à Athènes.

Le bilan de Syriza n’explique certes pas toutes les vicissitudes connues ailleurs. Néanmoins, il a jeté la suspicion sur la crédibilité des partis souhaitant résister au néolibéralisme et engager une transformation sociale. Comme le rappelle le philosophe d’origine grecque Stathis Kouvélakis, « Syriza a appliqué une politique plus dure que celle d’Emmanuel Macron, avec notamment une réforme des retraites qui a réduit le niveau nominal des pensions de 30 % et allongé de trois à sept ans la durée de cotisation ».

Signe qu’une volte-face de cette ampleur peut avoir des effets de « terre brûlée » sur un espace politique, aucun parti de l’opposition de gauche à Syriza n’a réellement émergé après 2015. « Compte tenu de la violence infligée aux couches populaires, si vous ne pouvez pas présenter une alternative de pouvoir, elles ne vous écoutent pas », explique le même chercheur engagé, qui fut membre de l’opposition interne à Syriza.

Dans le cas français, où les Insoumis ont pris leur distance avec Tsipras, le discours d’une désobéissance réussie à l’UE s’appuie en partie sur le fait que le poids de la France y est bien supérieur à celui de la Grèce. « L’argument est réversible, remarque néanmoins Jean-Numa Ducange. On peut supposer que les élites capitalistes ne prendront pas le risque que la France change de modèle. Nous sommes un pays avec des multinationales puissantes, une grande industrie de l’armement… Et il y a des opportunités de blocage politique nombreuses rien qu’avec les outils de la “constitutionnalité bourgeoise”. »

Cette remarque renvoie à la relative négligence de la question de l’État, qui fit pourtant couler beaucoup d’encre dans le mouvement ouvrier. Les exemples historiques abondent de la « flexibilité » très relative des États des pays capitalistes avancés, mais aucune leçon stratégique claire ou adaptée ne semble en avoir été tirée.

Le sociologue David Muhlmann s’en émouvait récemment dans un entretien pour Mediapart, soulignant que s’attaquer aux mauvais dirigeants d’un État pensé comme neutre n’était pas la même chose que de renverser un État de classe tout entier. Dans une intervention à un colloque universitaire, l’économiste Costas Lapavitsas avertissait très prosaïquement qu’un des défis centraux de la gauche actuelle serait de disposer de personnes compétentes afin de mettre en œuvre un programme de planification et de contrôle des capitaux.

Le transformisme néolibéral

La crédibilité entamée de la gauche radicale, qui n’a été restaurée par aucune expérience, a donc contribué à l’idée d’une absence d’alternative possible. Or, pendant ce temps, le discours néolibéral a évolué pour tenir compte de la fin des illusions autour de la « mondialisation heureuse », dont les promesses ont été mises en pièces depuis la crise de 2008.

Le camp conservateur a repris à son compte la critique de l’austérité, au point d’adopter un discours de plus en plus étatiste, parfois même souverainiste. Boris Johnson, au Royaume-Uni, a incarné cette orientation pendant un temps en faisant aboutir le Brexit. La crise sanitaire a accéléré ce processus au niveau européen, en permettant aux gouvernements néolibéraux, via le « quoi qu’il en coûte », de se présenter comme les protecteurs des travailleurs, alors qu’ils subventionnaient le capital et préservaient surtout l’ordre social existant.

Ce néolibéralisme paré d’étatisme, qualifié de « fordisme de droite » par le chercheur Ulysse Lojkine, est redoutable. Il permet en effet de neutraliser le discours keynésien de gauche qui était, dans les années 2010, l’alpha et l’oméga de la gauche radicale. Alors que même la social-démocratie n’osait plus s’en réclamer, la dépense publique et l’État fort sont aujourd’hui revendiqués par les néolibéraux.

Certes, ces outils ont été convertis en instruments de répression du monde du travail et des services publics, mais cette mutation contraint la gauche à modifier son discours, au risque de sembler « inutile » sur le plan économique.

La seule alternative rationnelle consisterait à insister sur la capacité transformationnelle de la gauche, dans le sens d’une rupture radicale avec un système devenu socialement et économiquement nuisible. Cette voie serait cohérente avec les idées neuves produites par la pensée critique contemporaine. Elle est cependant difficilement praticable à court terme.

D’abord à cause du « handicap » de crédibilité mentionné plus haut. Et ensuite parce que le camp conservateur s’échine à centrer la conversation publique sur les « guerres culturelles », à coups de polémiques visant les minorités et les milieux intellectuels qui prennent leur défense. Il dispose pour cela de relais médiatiques puissants, mais aussi d’une opinion publique pour qui la gauche n’incarne plus de « différence spécifique » (pour son versant social-démocrate) ou se voit soupçonnée d’incompétence et d’utopisme (pour son versant plus radical).

Les limites de la stratégie « populiste »

Pour contrer ces limites, il faudrait que les gauches alternatives puissent compter sur une base militante et sympathisante de masse, facile à atteindre, conscientisée et mobilisable sur la durée. Mais celle-ci fait largement défaut, à la suite de décennies de désagrégation du mouvement ouvrier, de marchandisation de la société et d’offensive idéologique néolibérale.

« Le problème se pose différemment pour les partis capitalistes, signale Jean-Numa Ducange. Ils se fichent d’avoir un ancrage, car ils n’ont pas de problème pour trouver du personnel afin de gérer l’existant. » C’est pourtant « le défaut d’ancrage des partis de gauche radicale, localement et dans le monde syndical et associatif, l’absence de ramifications », qui constitue « le principal problème de fond », selon le politiste Manuel Cervera-Marzal, en poste à Liège et auteur d’une monographie sur LFI.

Il faut comprendre sous cet angle les stratégies de mobilisation dites « populistes » de ces partis. D’un côté, la décennie 2010 était propice à la centralité de la question démocratique et d’un conflit binaire entre élites dirigeantes et citoyens se sentant dépossédés de leur souveraineté. D’un autre côté, les identités de gauche classiques avaient clairement perdu de leur capacité d’attraction, et dessinaient un avenir minoritaire, quand des réponses immédiates à la crise vécue étaient attendues.

« Les populistes de gauche ont eu à mobiliser des sociétés profondément démobilisées », résume le chercheur Anton Jäger dans Jacobin. Le raccourci d’une stratégie « très verticale et digitalisée » a volontiers été emprunté afin de bâtir des coalitions électorales vastes, dans un temps court. Avec un triple risque : entretenir l’atomisation sociale existante, être dépourvu de digues solides pour les temps de reflux des énergies contestataires, et ne pas disposer d’outils pour progresser électoralement au-delà des milieux sociologiques déjà acquis.

« Les explosions populistes des années 2010 ont symbolisé ce que l’on pourrait appeler la désintermédiation finale de la politique, a écrit le philosophe Daniel Zamora Vargas, [c’est-à-dire] une désertion des structures associatives qui l’avaient façonnée pendant un siècle : partis, syndicats, organisations de masse. Alors que la période d’apathie citoyenne caractéristique des années 1990 a pris fin, le renouveau du tumulte social et des batailles idéologiques n’a pas ranimé de tels véhicules. »

Or, « c’est d’abord en étant implantée auprès des milieux populaires qui “manquent” et dans les territoires “perdus” de la gauche qu’une force politique peut donner du sens aux phénomènes que vivent les gens, comme une fermeture d’usine ou les conséquences de la pollution sur leur santé », nous confiait le politiste Arthur Borriello l’an dernier. À cet égard, la progression électorale du Parti du travail de Belgique est intéressante, à la fois moins spectaculaire que ses homologues mais accompagnée d’un recrutement militant considérable et exigeant.

En France, il a longtemps été reproché à LFI d’être calibrée uniquement pour l’élection présidentielle, de la même façon que Podemos s’était configuré pour une « guerre éclair » électorale (sans avoir réussi, par la suite, son atterrissage comme partenaire de coalition des socialistes). « Avec l’achat de locaux et la relance de la formation, LFI a bougé », remarque néanmoins Manuel Cervera-Marzal. Une évolution à petits pas, tant le noyau dirigeant du mouvement tient à en garder le contrôle au profit de son fondateur.

Des bases idéologiques encore incertaines

À la confluence entre le défaut de crédibilité et le défaut d’ancrage profond dans la société, on trouve enfin le caractère inabouti du projet de la gauche radicale contemporaine, même si quelque chose se cherche autour du « rouge » de la contestation du capitalisme et du « vert » de la bifurcation écologique.

« Ce n’est pas la qualité de son programme qui a fait autrefois la force et le dynamisme du vote communiste, nous expliquait récemment l’historien Roger Martelli. C’est plutôt son utilité globale perçue, à la fois sociale, politique, symbolique, idéologique. » Selon lui, c’est là que le bât blesse actuellement, ce qui a pour effet de laisser du terrain au ressentiment, et à sa captation par l’extrême droite contre ses boucs émissaires classiques.

En conclusion d’un ouvrage collectif qui dresse un panorama exhaustif des partis de la gauche radicale européenne, les politistes Dan Keith et Luke March pointent qu’en matière de « transformation économique », « les buts sont souvent flous et enveloppés dans des concepts non définis ». « Parmi ceux qui se reconnaissent dans le socialisme ou le communisme, ajoutent-ils, la plupart évitent de définir ce que ces systèmes impliquent ou comment y parvenir. D’autres ont évité toute référence directe. »

Les réflexes de la gauche radicale sont encore très défensifs.

Par défaut, la contestation du capitalisme se concentre autour de la critique des inégalités et de l’injustice sociale, et parfois d’une ambition écologiste, dont on attend qu’elles suscitent l’adhésion des classes populaires et classes moyennes inférieures. Mais cette démarche se heurte à deux contradictions.

Économiquement, d’une part, les politiques de redistribution impliquent le maintien d’une production accrue de valeur. Or, celle-ci est incompatible, en l’état, avec la transformation non productiviste de l’économie. Il faudrait poser la question difficile de la définition des besoins, mais celle-ci est souvent contournée au-delà des biens de première nécessité, parce qu’électoralement risquée.

Culturellement, d’autre part, la quête d’une majorité politique dans le cadre de la démocratie libérale néglige le fait que le mode de production capitaliste a un effet sur la construction des opinions. Si l’État social génère encore beaucoup d’attentes, il y a peu de probabilité qu’une demande « spontanée » s’exprime en faveur d’un dépassement concret des rapports sociaux capitalistes, tant ceux-ci ont colonisé la texture du monde vécu.

Pourtant, c’est ce type de scénario qu’il faudrait examiner en cas d’un exercice du pouvoir auquel les classes dominantes ne voudraient laisser aucune chance. On retombe alors sur la nécessité d’un travail idéologique et culturel profond qui, s’il n’est pas incompatible avec des logiques électorales, s’inscrit dans une autre temporalité et exige d’autres modes d’action.

Une force politique de transformation doit nécessairement s’appuyer sur un appareil idéologique, certes souple et dialectique, mais cohérent. C’est ce qui semble manquer largement à la gauche radicale contemporaine. Ses réflexes sont encore très défensifs, et elle rechigne à affronter la tension entre sa volonté d’une conquête électorale du pouvoir d’État, et le risque de voir celui-ci étouffer ses velléités transformatrices.

Et la question internationale ?

Le drame en cours au Proche-Orient, à propos duquel LFI reçoit actuellement de lourdes critiques, conduit enfin à se demander si les enjeux internationaux ne sont pas aussi un terrain de faiblesse de la gauche radicale.

Certes, ce handicap ne sera jamais aussi préjudiciable que les affinités jadis entretenues par les partis communistes avec l’Union soviétique, dont l’image s’est de plus en plus ternie jusqu’aux années 1980. Il était alors aisé, pour leurs adversaires, de mobiliser le spectre de la dictature et des pénuries pour les délégitimer. Dépourvus d’un ressort aussi efficace, ils tentent néanmoins régulièrement de le reconstituer.

D’où, par exemple, le reproche de complaisance envers les dérives autoritaires de régimes latino-américains, auquel les dirigeants de Podemos ont notamment dû faire face. D’où, encore, le soupçon de tolérance envers la violence armée, Jeremy Corbyn ayant par exemple eu à s’expliquer sur ses positions durant le conflit nord-irlandais. D’où, enfin, les accusations d’ambiguïté vis-à-vis de l’antisémitisme et de l’islamisme, émises à la suite de propos polémiques ou de positions exprimées sur le conflit israélo-palestinien. Corbyn, là encore, ainsi que Jean-Luc Mélenchon, ont été pointés du doigt.

De telles attaques, argumentées de manières très diverses et par des acteurs très différents, relèvent parfois de la désinformation et de la mauvaise foi. Dans d’autres cas, cependant, elles touchent juste. Le « campisme » est encore présent dans cette famille politique, de même que la tentation de ne pas désavouer telle figure ou telle parole problématique, que ce soit par fidélité militante ou rigidité doctrinale.

Du strict point de vue de la sociologie électorale, il est délicat d’attribuer un poids significatif à ce facteur dans les difficultés de la gauche radicale. Aucun scrutin d’importance ne s’est joué sur de tels enjeux, et aucune étude solide ne permet de conclure à un écart disqualifiant entre l’état des opinions publiques et les positions internationales des partis concernés. D’autant que les compromissions internationales ne manquent pas non plus du centre à l’extrême droite.

On peut néanmoins risquer l’hypothèse que ces polémiques participent du halo de faits et de paroles qui grèvent l’image de la gauche radicale, et contribuent à sa perception comme une force « aiguillon » du jeu politique, plus que comme une force gouvernante. En cela, ces polémiques entrent dans la stratégie de « guerre culturelle » évoquée plus haut.

Fabien Escalona et Romaric Godin


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