Entretien avec Amal Bentounsi, fondatrice du collectif « Urgence contre les violences policières »

jeudi 6 juillet 2023.
 

Mort de Nahel : pour Amal Bentounsi, « éteindre le feu, c’est commencer par abroger la loi de 2017 »

Amal Bentounsi est fondatrice du collectif « Urgence contre les violences policières ». Elle s’est engagée à la mort de son frère, tué en 2012 par un tir policier comme Nahel, mardi 27 juin à Nanterre. A ses yeux, il n’y a pas des tonnes de solutions vu l’embrasement que la France connaît depuis mardi. L’une des seules manières d’« éteindre le feu » serait l’abrogation de la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique.

Quelle analyse portez-vous sur ces violences ?

La colère a éclaté. Chacun, chaque jeune, se reconnaît dans l’histoire de Nahel. Certes, aujourd’hui il y a des dégradations, mais c’est du bien mobilier, matériel. Quand vous tuez un homme, les assurances ne vous remboursent pas. Je ne légitime pas les violences, mais le constat est là : il y a un lourd passif dans les banlieues. Quand on voit que tout brûle, que la révolte s’étend même dans des petits villages, que des revendications sont scandées, on ne peut pas dire que ce soit la faute des émeutiers. La responsabilité des violences vient de l’Etat, de la stigmatisation, de la réponse judiciaire insuffisante, des nombreux non-lieux prononcés, des non-condamnations. C’est aussi la conséquence d’une misère sociale quotidienne. Il ne s’agit que d’un retour de flammes de tous les choix politiques menés.

Comment cette colère a-t-elle évolué ces dernières années ?

Depuis des années, beaucoup de choses ne vont pas dans les quartiers. Combien de quartiers n’ont pas perdu un jeune tué par la police ? Or, à chaque fois qu’une personne meurt, on doit sanctionner les coupables. Pourtant aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Pour Nahel, la vidéo a fait la différence, mais on ne parle pas de toutes les affaires où il n’y a pas de vidéo, où les policiers n’ont jamais été condamnés. Les jeunes ne sont pas dupes, ils connaissent les noms de ceux qui sont morts et pour qui il y a eu des non-lieux. Ces noms-là sont gravés dans la roche. On peut faire tous les appels au calme qu’on veut, il y a un trop lourd passif. Cette jeunesse n’a plus d’espoir.

Quelles actions pourraient permettre d’apaiser la situation ?

Il faut des réponses crédibles et concrètes, remettre des moyens dans le social, la santé, et arrêter les promesses non tenues. Ce trop-plein de colère est dû à la réponse pénale qui ne suit pas lorsqu’il y a des violences policières. Eteindre le feu, c’est prendre des mesures fortes et commencer par abroger la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique. Avec ce texte, on laisse la possibilité à un policier d’arrêter un véhicule qui serait susceptible de mettre sa vie en danger et de faire usage d’une arme à feu pour l’arrêter. Sauf que le policier doit jauger de la situation en une fraction de seconde et on ne dit pas où il peut tirer. Ça, c’est problématique, certains se sentent protégés pour faire usage de leur arme. Mais est-ce qu’une personne peut mourir pour un refus d’obtempérer ? Si le gouvernement veut être crédible, il faut qu’il réponde à ça. Et alors Nahel ne sera pas mort pour rien.

Article de Apolline Le Romanser


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