L’évidence de la démocratie est fondée comme était fondée l’existence de Dieu au Moyen Age (par Patrick Mignard)

mercredi 31 octobre 2007.
 

Nous sommes au Moyen Age de la politique. Nous sommes encore dans une époque où règne en maître la croyance officielle, de fait sinon de droit, en une vérité révélée qui nie toute critique, autrement dit, de toute remise en question du système dans lequel on vit.

Certes, il règne une forme de liberté d’expression et l’on a le droit de dire ce que l’on veut... On ne brûle plus les hérétiques. Les sélections médiatiques ont remplacé l’élimination par les bûchers. Les médias diffusent la pensée « politiquement correcte », ils « purifient » le discours comme les bûchers purifiaient les « déviants » et isolent la « pensée hérétique », après avoir essayé de la détourner, c’est moins brutal, mais tout aussi efficace ... et ça permet de se prévaloir d’une « ouverture démocratique ».

Tous les systèmes ont eu recours à ce stratagème sous une forme ou sous une autre.

SUR LE BIEN FONDE DE L’EVIDENCE

Ce qui « est » n’a pas besoin de prouver « ce qu’il est ». L’existence suffit à fonder le sens.

La « démocratie » existe enfin. L’ère des guerres entre les pays riches et le temps des dictatures, dans ces mêmes pays, est fini. La démocratie est garantie par le respect de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, renforcée par tout un tas d’autres déclarations, conventions,... signés des deux mains et abondamment cités.

La démocratie est solennellement décrétée... Militairement défendue comme en Irak, « maffieusement » assuré comme en Russie, « paternalistement » comme en France,... ,... le débat est clos et, hormis quelques dérapages regrettables, l’essentiel est garanti.

L’évidence de la démocratie est fondée comme était fondée l’existence de Dieu au Moyen Age... Ca ne se discute pas, ça ne se discute plus.

Ce que l’on avait pu faire apparaître comme des contradictions du système marchand ont été baptisées « dysfonctionnements »... et comme tout dysfonctionnement, ils ont bien entendu leurs solutions dans le cadre du système, c’est-à-dire en respectant ses principes et ses fondements, ... Ainsi soit-il, hier,...CQFD.aujourd’hui.

Exemple : le chômage qui « semble » s’opposer au droit au travail, explicitement reconnu dans l’article 23 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, est implicitement reconnu dans l’article 25 de la même déclaration. Ainsi, d’une contradiction fondamentale dans les principes mêmes de fonctionnement du système marchand, on fait un simple épisode regrettable qui mérite, et peut, d’être corrigé.

De même que le droit à l’information est un principe reconnu, absolu et imprescriptible, sauf que ce droit, pour pouvoir s’exercer dans le cadre du système passe par les conditions financières de la possession de moyens de communication soumis à des règles économiques qui excluent la plus grande partie des citoyens et les rendent dépendant de structures médiatiques entre les mains de financiers qui filtrent, comme bon leur semble, cette information.

Faut-il prendre encore l’exemple de l’éducation ou de la santé en passe de marchandisation massive ?

Pourtant tout cela, toutes ces dérives se sont, avec la meilleure volonté du monde et dans le strict respect des lois sur la liberté et l’égalité, fondées sur le raisonnement simple et de « bon sens » : « Vous n’avez pas les moyens ? Mais vous n’avez qu’à vous les donner ! »... Ben voyons ! ... « Ils n’ont pas de pain ? Qu’ils mangent de la brioche ! »

LE FAUX ALIBI DU « BON SENS POPULAIRE »

Le « bon sens populaire » dont se gargarisent les politiciens, ça n’existe pas.

Le « bon sens populaire » n’est qu’un sous produit des frustrations sociales quotidiennes, qui sont réelles, mais servies à la sauce médiatico-politique des instruments de propagande et de pensée du système dominant.

Le « bon sens populaire » est une invention des classes dominantes afin de faire en sorte que l’on n’en reste qu’à l’aspect superficiel des problèmes de la société tout en donnant l’impression que l’on traite l’essentiel.

Quand un politicien loue le « bon sens » de ses électeurs, il sait pertinemment, ou bien c’est un imbécile, ce qui est d’ailleurs fréquent, qu’il va dans le sens de ce que ses ouailles, pardon, ses électeurs, souhaitent entendre. Il interprète leurs demandes, en promesses déconnectée de toute réalité économique et sociale... ce qui fait qu’elles ne sont, dans l’ensemble, évidemment jamais réalisées.

Ces demandent, si elles correspondent à des besoins réels sont aussi souvent l’expression de fantasmes fondé sur l’incrédulité, l’ignorance et le produit de la manipulation.

Ce que l’on appelle le « bon sens populaire » n’est que la concrétisation d’une crédulité produite par un matraquage idéologique. Des exemples ? Ils sont légions !

N’était-il pas « normal » au Moyen Age que les « sorcières » soient considérées comme des créatures démoniaques ?... le « bon peuple » avec « bon sens » étant bien entendu tout à fait d’accord pour les éliminer.

N’est-il pas normal aujourd’hui que le chômeur soit traité de fainéant ? Car comme chacun sait le « bon sens » nous dit que « si l’on veut travailler, on trouve toujours du travail » ! Ou que l’ « étranger » quand il se nourrit « mange notre pain »,...

Ainsi, paradoxalement, sous l’influence des relations sociales vécues, subies et leur interprétation par l’idéologie du système dominant, le soit disant « bon sens » produit exactement sa négation : l’obscurantisme.

Aujourd’hui, il n’est pas besoin de grands discours pour voir fonctionner ce système pervers. Les grands médias de l’information ont remplacé l’Eglise, de même que la foi a été avantageusement remplacée par une pseudo rationalité fondée sur la marchandise. Tous les ingrédients sont présents pour faire de la masse des citoyens un troupeau de demeurés qui croient ce qu’on leur raconte et qui vont voter comme autrefois les gueux allaient à confesse.

Les candidats promettent tout ou à peu près, comme les prêtres promettaient le Paradis et celles et ceux qui refusent de jouer le jeu sont culpabilisés, traités de mauvais citoyens comme étaient traités autrefois les « mauvais chrétiens » ou les « infidèles ».

La conscience est ainsi verrouillée, limité au strict cadre de ce qui ne gène pas le système.

Le discours politique est toujours aujourd’hui un discours de mystification. La pseudo modernité de notre vie sociale est toujours fondée sur un rapport de domination, d’asservissement du plus grand nombre à des principes de fonctionnement économiques et sociaux sur lesquels, malgré les apparences, nous n’avons quasiment aucune influence.... Un exemple ? le sort du NON au Traité Economique Européen.

L’obscurantisme religieux des siècles passé a été simplement remplacé par un autre obscurantisme, plus sophistiqué, plus mystificateur, peint aux couleurs de la science et de la rationalité.

Les Lumières n’ont éclairé qu’une partie de la réalité sociale. Il nous faut dès à présent nous saisir des projecteurs.

Patrick MIGNARD


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