Aleida Guevara, fille du Che, invitée d’honneur à la fête de l’Humanité

mardi 2 octobre 2007.
 

La fille du Che a évoqué la pensée de son père qui irrigue encore l’esprit de tous ceux qui combattent les injustices. Elle était là, à la tribune de l’espace débats du village du monde. Qui, pour le coup, grouillait d’encore plus de monde. Et puis, soudain, elle n’est plus là. Perdue de vue. Où est-elle donc ? Elle, Aleida Guevara, la fille du Che... Où a bien pu passer l’invitée d’honneur de la fête de l’Huma édition 2007 qui célèbre en grand le quarantième anniversaire de la mort du Che ? Au stand de Cuba, m’indique-t-on le plus sérieusement. Mais au stand de Cuba, personne... Peut-être a-t-elle été accaparée par l’ambassadeur de Cuba ? Peut-être s’est-elle faufilée en douce quelque part dans la Fête, histoire de se mettre au vert ?

Retour à l’espace débats. Sa place à la tribune reste désespérément vide. Puis, soudain, elle est là, au milieu de l’assistance, assise aux côtés de deux dames du premier rang. Elles se tiennent la main affectueusement : trois vieilles copines qui se retrouvent à la Fête de l’Huma. Sauf que l’une d’entre elles, c’est la fille d’un demi-dieu, d’une icône dont la belle gueule trône sur des posters, des cartes postales, des tee-shirts, reproduite à l’infini. Les flashes des appareils crépitent, les portables se tendent, Aleida Guevara ne refusera pas une seule fois une photo, un autographe, des fleurs, un tableau... Elle a débarqué à la fête avec trois heures de retard sur l’horaire prévu, les traits tirés mais avec un sourire qui dit à l’évidence son plaisir d’être là, parmi une foule amicale qui ne cesse de lui témoigner son affection.

« C’est très difficile de parler du Che. J’ai eu le privilège de vivre, trop peu, avec mon père. Mais ma mère l’aimait passionnément et nous a appris à l’aimer, de sorte qu’il a été très présent dans nos vies. À seize ans, je me suis demandée pourquoi il fallait que j’aime mon père. L’amour n’est pas inné, et celui que l’on éprouve à l’égard de ses parents n’a rien d’évident. Alors j’ai pensé qu’il fallait que j’apprenne à l’aimer par moi-même, et j’ai lu ses écrits, tous ses écrits. J’y ai découvert un homme d’une grande sensibilité humaine, capable de réagir à toutes les injustices. »

Ce père, cette figure du père, elle a dû la partager avec tout un peuple, et ça fait pas mal de monde. Du plus loin qu’elle se souvienne, elle a toujours dû partager son père avec les autres. À l’école, ses camarades de classe la mettaient au défi de prouver son identité. Aujourd’hui, elle évoque ces anecdotes en souriant. Elle a fait médecine - comme son père, serait-on tenté d’écrire. Pédiatre dans un hôpital de la Havane, elle exerce son métier avec la même passion que son père, qui la conduit à aimer et soigner son prochain. À la tribune, elle parle doucement mais fermement. Elle n’hésite pas à évoquer, sans filet, la situation politique du monde depuis cette île symbole qui tient tête au voisin américain.

Mais elle se garde d’avoir une opinion sur tout : « Mon père a vécu huit mois au Congo pour comprendre et analyser cette région du monde. » Aleida émaille ses propos de vers extraits de milongas, ces mélopées argentines truffées de bon sens populaire : « Las penas son nuestras / las vaquitas son ajenas » (« à nous la misère, à eux la richesse »). Elle semble connaître sur le bout des doigts les aventures de Mafalda, cette héroïne enragée célèbre dans le monde entier grâce au trait et à l’humour féroce de son auteur, Quino. L’Argentine, forcément, c’est un peu sa deuxième patrie. Les camarades argentins parviendront même à l’inviter à leur stand. Elle en repartira, un casse-croûte à la viande entre les mains, après moult accolades au milieu d’une épaisse fumée provoquée par « el asado ».

Le refrain d’une autre milonga lui revient en mémoire : « Si je meurs / ne pleure pas pour moi / poursuis ce que je faisais / et je continuerais à vivre en toi... » Elle parle de son père, le cite rarement dans le texte mais avoue lire et relire ses écrits. Elle estime que « l’important n’est pas de qui on est l’enfant, l’important est d’être utile à son peuple ». Elle a terminé ce petit happening improvisé au stand de Cuba avec cette certitude qui lui colle au coeur et au corps : « Quarante ans après, le Che est toujours vivant ! » Ou bien serait-ce les raisons qui l’ont fait un jour se lever qui n’ont pas fini de tourmenter l’humanité ?

Marie-José Sirach


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