Arnaud Montebourg vient d’acter la fin de sa candidature à la présidentielle. De quoi était-elle le nom ? Qu’est-ce qui a capoté ? On en cause avec François Cocq, son porte-parole

lundi 24 janvier 2022.
 

Regards. Quel bilan tirez-vous de cette campagne d’Arnaud Montebourg ? De l’ambition de départ à la fin, qu’est-ce qui n’a pas fonctionné ?

François Cocq. Je suis venu dans cette campagne car je considérais qu’il s’agissait d’une candidature qui répondait à une analyse politique cohérente, confirmée par la situation de blocage de la gauche : une candidature qui visait à répondre au blocage démocratique et à l’incapacité de la gauche de créer une dynamique. Il existe des dynamiques dans le pays – les gilets jaunes, contre la politique fiscale, contre la politique sanitaire – qui n’est pas captée par la gauche. Elle ne peut plus prétendre ouvrir une perspective majoritaire. Arnaud Montebourg voulait élargir, mais sa campagne ne l’a pas permis. Il faut distinguer la candidature et la campagne. Arnaud Montebourg a été capable de se révolutionner lui-même, de se rendre compte que les grilles d’analyse qui étaient les siennes au PS étaient dépassées, à voir que la gauche se replie sur elle-même. Sauf que son entourage, notamment issus des rangs socialistes, continuaient à penser que la solution passait par la prise du leadership au sein de la gauche – et, de fait, par le Parti socialiste. Cette dichotomie est devenue intenable. La campagne a été paralysée en permanence par le fait que ça n’a pas été tranché. Quand il bascule sur la stratégie d’union de la gauche, sous pression de ses amis socialistes, je me mets en retrait de la campagne. Il n’était plus qu’un candidat de gauche parmi d’autres. Cette candidature n’avait plus de sens, elle devait être enterrée.

Sa sortie sur les transferts d’argent, n’est-ce pas ça qui a tué la campagne ?

Non, ce qui a tué la campagne d’Arnaud Montebourg, c’est la réaction de son entourage. Il fait une sortie mal calibrée – on est en plein « moment Zemmour » –, qui n’a pas visé le bon cœur de cible – il fallait cibler les puissants et il donnait l’impression de s’en prendre aux plus humbles. C’était une erreur de s’exprimer ainsi à ce moment-là. Des erreurs de campagne, il y en a beaucoup, chez beaucoup de candidats, de nature bien plus profonde. Son entourage n’avait aucun sang froid, aucune maîtrise. Arnaud Montebourg le redit aujourd’hui, il refusait d’abandonner le régalien à la droite et à l’extrême droite : notamment la sécurité et l’immigration, des sujets tabous à gauche. Il faut lui reconnaître de s’en être saisi. Quand il fait sa sortie « Western Union », nous avons eu beaucoup de bons retours de l’électorat de gauche – à ne pas confondre avec les militants de gauche.

« Il n’y a plus de perspective majoritaire pour le camp social et républicain dans cette élection. Ce qui m’inquiète, c’est que la reconstruction va être extrêmement compliquée. Même au lendemain des législatives. Ça va être la nuit des longs couteaux dans chaque organisation, alors, avant de créer une dynamique majoritaire… On entre dans un temps long. »

Est-ce que le fait d’avoir été le ministre de François Hollande, ça a joué contre Arnaud Montebourg ?

Je ne pense pas que ça ait pesé. Contrairement à Christiane Taubira, Arnaud Montebourg a quitté le gouvernement sur la base de désaccords politiques, actés sur le moment même. Il n’est pas rattaché au quinquennat dans l’électorat. Ce qui a été sous-estimé, c’est le déficit de notoriété d’Arnaud Montebourg. Beaucoup ont considéré que son passé de ministre, sa participation à deux primaires, lui donnaient un acquis de notoriété qui allait lui permettre de revenir sur la scène publique. L’atout de la candidature d’Arnaud Montebourg, c’est qu’il est quelqu’un qui a la reconnaissance institutionnelle tout en s’en étant retiré, qui avait pris de la distance avec. Il était le bon candidat pour traduire dans le champ politique les dynamiques qui existent dans le pays.

Et maintenant, que va faire Arnaud Montebourg ?

Sa vie d’entrepreneur lui plait énormément. Il était touché par ce qui arrivait au pays, il espérait faire quelque chose. Politiquement, il essayera de continuer à faire vivre ses idées. Sous quelles formes ? Je ne sais pas. Contrairement à ce qu’on a beaucoup dit, il ne rallie pas Christiane Taubira. Il n’y a pas seulement un désaccord politique, mais le constat que sa candidature ne crée pas de dynamique, qu’elle ne peut pas bousculer le rapport de force. J’ai acté le fait qu’il n’y a plus de perspective majoritaire pour le camp social et républicain dans cette élection. Ça en dit beaucoup pour la suite. À quoi est-ce utile quand on est militant dans ce cas-là ? Ce qui m’inquiète, c’est que la reconstruction va être extrêmement compliquée. Même au lendemain des législatives. Ça va être la nuit des longs couteaux dans chaque organisation, alors, avant de créer une dynamique majoritaire… On entre dans un temps long.

Propos recueillis par Loïc Le Clerc


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