Sondages : une prolifération et une influence qui témoignent d’une dégénérescence de la vie politique institutionnelle ?

vendredi 12 novembre 2021.
 

N’oublions pas que les instituts de sondage font parti intégrante de l’appareil idéologique médiatique qui constitue l’un des piliers de la classe dominante.

** Le Média .tv a diffusé une émission le 07/11/2021 intitulée : A qui servent vraiment les sondages ?

https://www.youtube.com/watch?v=1l4...

Dans notre contexte de pré-campagne, les sondages semblent jouer un rôle déterminant : certaines candidatures sont crédibilisées, d’autres sont déjà qualifiées de “petites candidatures”. Être bien placé dans les intentions de vote, c’est déterminant pour prendre le leadership d’une alliance, capter le “vote utile”, et même pour réclamer des désistements.

Les sondages sont non seulement un enjeu dans la compétition entre organisations politiques, mais aussi dans la compétition interne aux organisations politiques. Avant, pour être désigné candidat, il fallait être bien placé dans l’appareil du parti. Désormais c’est surtout avoir la côte dans les sondages qui permet de faire la différence.

Par un genre de “vote utile interne”, les adhérents ou les sympathisants font leur choix non seulement en cherchant celui qui représente le mieux leur sensibilité, mais aussi en pensant à celui qui est déjà le plus populaire auprès du grand public, afin de l’emporter par la suite.

Aujourd’hui on a donc une situation politique où les partis ne jouent plus de la même manière leur rôle dans la détermination des élites gouvernantes. Situation que le philosophe Bernard Manin appelle la “démocratie du public”.

Dans son livre Principes du gouvernement représentatif, paru en 1995, Manin retrace les origines historiques et théoriques de notre régime politique. Il analyse la manière dont s’organise le rapport entre gouvernants et gouvernés.

À la fin du 18e siècle on pensait que si l’on voulait instaurer une démocratie, un gouvernement du peuple par lui-même, il fallait mettre en place des dispositifs comme la participation directe des citoyens, le tirage au sort des gouvernants, le mandat impératif, la révocabilité des dirigeants. Or le régime dont on a hérité - que Manin appelle "gouvernement représentatif" - a précisément été pensé (par Madison et Sieyès notamment) et construit en opposition à de tels dispositifs démocratiques.

Le gouvernement représentatif est un mélange d’éléments démocratiques, et d’éléments aristocratiques, un mélange entre participation populaire et élitisme. Ce sont bien les citoyens ordinaires qui désignent les dirigeants (élément démocratique), mais une fois élus, les dirigeants prennent leurs décisions de manière autonome (élément aristocratique).

Manin distingue trois grandes époques du gouvernement représentatif : le parlementarisme au XIXe, la démocratie de partis au XXe avec l’installation du suffrage universel, et la démocratie du public vers les années 1970 avec le développement des médias de masse.

Ce qui nous intéresse c’est de savoir si le passage de la “démocratie de partis” à la “démocratie du public” donne plus ou moins d’autonomie de décision aux dirigeants, et aux candidats aux élections. Manin penche pour la première option : dans la démocratie du public, les dirigeants (président, ministres, députés, etc.) gagnent en autonomie sur les citoyens qui les ont désignés, par rapport au temps de la démocratie de partis.

Dans la “démocratie de partis” les partis politiques reflétaient les intérêts de classe, les différents blocs sociaux, et le personnel politique s’y conformait. Les clivages sociaux s’imposaient aux candidats via le parti.

Mais il s’est produit un certain nombre de bouleversements entre l’après-guerre et les années 90 : transformations du monde du travail, le perte d’influence de la religion dans la société, la chute du bloc de l’Est, l’essor d’un média de masse comme la télévision, la moindre affiliation des journaux aux organisations politiques, etc.

On a alors assisté à un effritement des fidélités partisanes : l’électorat se détermine moins à partir de sa condition socio-culturelle qu’au cas par cas, selon le type d’élection, de la personnalité, des thèmes proposés. En d’autres termes, on a un électorat plus volatil.

En “démocratie du public”, l’opinion publique s’éparpille en une multitude d’enjeux, qui ne recoupent pas parfaitement les blocs idéologiques plus homogènes et cohérents que proposent les partis. L’état de l’opinion publique peut ne plus coïncider avec ce que votent les gens.

Article en intégralité à lire sur http://www.lemediatv.fr ** ** Bonne émission qui montre une relative importance des sondages dans la détermination des choix politiques des électeurs de plus en plus volatiles et surtout perméables à l’influence croissante des grands médias. Mais faites en encore plus marquant, c’est l’influence de ces sondages sur le comportement des responsables politiques qui deviennent alors de plus en plus erratiques et opportunistes. Le comportement de Montebourg en ce début de mois de novembre 2021 en est un dernier exemple.

Un bémol néanmoins : lorsque l’animateur de l’émission aborde le mouvement de La France Insoumise, il ignore visiblement le détail de son organisation et de son fonctionnement. Jean-Luc Mélenchon ne décide pas tout seul des orientations stratégiques du mouvement et de ses actions. L’animateur de l’émission, comme beaucoup d’autres intelctuels progressistes auraient tout intérêt à cliquer sur le lien suivant pour découvrir la réalité fonctionnelle de du mouvement France Insoumise.

https://lafranceinsoumise.fr/commen... ** Hervé Debonrivage


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