Ken Loach : « L’impérialisme est d’abord une problématique de classe »

mercredi 3 novembre 2021.
 

À 85 ans, le cinéaste britannique demeure un infatigable passeur. Film après film, il façonne un contre-récit à l’imaginaire dominant en donnant des visages à la lutte, à la précarisation de l’emploi ou aux oubliés de l’histoire.

De passage au festival Cinémondes, à Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), Ken Loach a accordé l’une de ses rares interviews à l’Humanité. Toujours disponible, prompt à dialoguer avec le public, le cinéaste a savouré son séjour. Le Britannique a certes vu sept de ses films récompensés à Cannes, avec, à la clé, deux palmes d’or ( Le vent se lève et Moi, Daniel Blake) ; il continue de balader une humilité non feinte personnifiée par ce « nous » qu’il emploie en évoquant son travail de cinéaste.

Pourquoi avez-vous accepté d’être l’invité d’honneur du festival Cinémondes à Berck-sur-Mer ?

Ken Loach | Nous étions ravis de cette invitation. Nous ne sommes pas sortis d’Angleterre depuis trois ans. J’aime venir dans les petits festivals. Je ne le fais pas trop souvent, une ou deux fois par an au maximum. Mais je les apprécie parce qu’ils sont dirigés par des passionnés qui s’intéressent vraiment au cinéma et le défendent. Nous nous devons d’aller à leur rencontre. Ils sont en plus très accueillants et charmants. Ces deux jours ont été un vrai plaisir.

Vous sembliez heureux de pouvoir dialoguer avec le public et, en particulier, avec les jeunes à l’issue de la projection de « Sweet Sixteen »…

Ken Loach | J’étais surpris qu’ils restent après le film. Il est très difficile pour des jeunes de prendre la parole parmi un public de 200 personnes. À leur place, à 16 ou 17 ans, j’aurais été très intimidé. Ce film parle de gens de leur âge, mais les personnages qu’on y découvre n’auraient pas posé de questions. Ils auraient plutôt chahuté ou donné quelques coups à leurs voisins. En même temps, il est impossible d’avoir une vraie conversation avec 200 personnes.

Comment appréhendez-vous les hommages qui vous sont rendus ?

Ken Loach | Les gens sont très généreux. Je suis très chanceux d’avoir la possibilité de faire des films depuis si longtemps. Cet hommage me permet de rappeler que je fais partie d’une équipe. Je travaille avec un brillant scénariste (Paul Laverty – NDLR) depuis des années, une bonne productrice (Rebecca O’Brien – NDLR) et des acteurs. Il faut se souvenir que nous faisons un travail d’équipe.

Outre une rétrospective de vos films, le festival vous a offert une carte blanche. Pourquoi avez-vous choisi « la Bataille d’Alger » de Gillo Pontecorvo et « les Amours d’une blonde » de Milos Forman ?

Ken Loach | La Bataille d’Alger nous a beaucoup influencés. Ce film possède un sens du reportage. Il capture des moments de guérilla. C’est un grand film. Il raconte la lutte des Algériens pour en finir avec le colonialisme, sans juger. Il se contente de dire : voilà ce qu’il s’est passé. Les Amours d’une blonde m’a aussi influencé. J’ai beaucoup emprunté à ce film tchèque simple, pas cher, très observateur, qui a une vraie humanité.

“Les colonisateurs ne lâchent pas leur pouvoir si facilement. Les Britanniques ont été parmi les pires.”

Michaël Mélinard Ken Loach

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l’Humanité

https://www.humanite.fr/ken-loach-l...


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