Le corps et l’esprit du travailleur à l’épreuve du management

mardi 26 octobre 2021.
 

La crise politique et sociale de 1968 a provoqué une rupture dans la manière de gérer les entreprises. Un nouveau type de management est apparu. Le collectif de travail se disloque au profit d’une individualisation engageants les qualités de la personnalité du travailleur. La qualification professionnelle passe alors au second plan pouvant conduire à une perte de sens du travail.

** La journaliste Géraldine Mosna-Savoye dans son émission de France Culture : les chemins de la philosophie a organisé une excellente série de trois épisodes sur la thématique du management. (Entre le 19 et 21 octobre 2021)

** Description des émissions sur le site de France Culture.

Le management mise sur l’humanisation des méthodes de travail, pourtant, il en vient à déshumaniser les individus, les déprofessionnaliser. Comment est-ce possible ? Comment le management est-il donc devenu, pour chacun d’entre nous, le contraire de lui-même, ingérable ?

Tous les épisodes. En utilisant le lien suivant :

https://www.franceculture.fr/emissi...

ÉPISODE 1ter Sommes-nous tous en burn-out ? 58 MIN 19/10/2021

Épisode 1 : Sommes-nous tous en burn-out ?

Le management mise sur l’humanisation des méthodes de travail, pourtant, il en vient à déshumaniser les individus, les déprofessionnaliser. Comment est-ce...

Épisode 2 : "Je te réponds ASAP après ma conf-call" : parlez-vous entreprise ? 20/10/2021

De quelle façon le management n’est-il pas seulement un ensemble de pratiques, mais aussi un ensemble de discours ? Comment ce discours utilisé en entreprise...

Épisode 3 : Simone Weil, penser en travaillant. 21/10/2021

Dans les années 30, à l’usine, la philosophe Simone Weil interroge le travail dans son organisation et cherche à trouver une méthode de travail, ce que...

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Description de chaque épisode sur le site avec les liens d’accès

Épisode 1 – management et souffrance au travail

On peut écouter l’émission de 58 minutes en cliquant sur le lien suivant :

https://www.franceculture.fr/emissi...

Le management mise sur l’humanisation des méthodes de travail, pourtant, il en vient à déshumaniser les individus, les déprofessionnaliser. Comment est-ce possible ? Dans le monde du travail aujourd’hui individualisé, comment la souffrance au travail a-t-elle évolué ? Comment se manifeste-t-elle ?

Sommes-nous tous en burn-out ?

Difficile de parler du travail sans évoquer tous ses effets, ou plutôt tous ses méfaits.Difficile, et même impossible pour le management.

Car celui-ci se définit peu pour lui-même mais plus par ce qu’il provoque. Chacun d’entre nous a ainsi déjà rencontré, discuté ou vécu ses pathologies : stress, isolement, perte de sens...

Pourtant, et c’est tout le paradoxe, aucune de ces souffrances ne semble l’annuler mais le renforcer. Et voici qu’à force de burn out et de douleurs aux bras, on en vient moins à vouloir s’en passer qu’à créer de nouvelles chartes et de nouveaux comités.

Comment le management est-il donc devenu, pour chacun d’entre nous, le contraire de lui-même, ingérable ?

L’invitée du jour : Danièle Linhart, directrice de recherche émérite au CNRS, sociologue du travail

* Le management ou la rentabilité du salarié

Une partie du management est basée sur des stratégies visant essentiellement à asseoir la domination, la contrainte et le contrôle dans l’organisation du travail sur les salariés, à faire en sorte qu’ils travaillent selon les critères d’efficacité et de rentabilité voulus par leur direction. C’est quelque chose de très difficile, mais stratégiquement, ils le construisent d’une manière qui vise à ne pas tenir compte des des aspirations les plus profondes des salariés, mais à la convergence de leurs pratiques de travail avec les résultats voulus par la direction : être rentable et dégager le plus de profit, s’inscrire dans la rationalité économique ultralibérale.

* Danièle Linhart De l’individualisation du travail... Le management moderne s’est construit en réaction à mai 68, qui a représenté trois semaines de grève générale avec occupation d’usines, un véritable traumatisme pour le patronat qui a tenté de créer un nouveau modèle prétendant rompre avec les logiques extérieures, et ce modèle s’est appuyé sur un socle qui était : salariés, nous avons compris vos aspirations légitimes, vous voulez vous réaliser dans le travail, être reconnu pour ce que vous faites. Et c’est passé par une logique d’individualisation systématique de l’organisation du travail des salariés et de leur gestion. Cette individualisation, selon les managers, c’est prendre en compte tous les aspects les plus profondément humains de cette ressource particulière que sont les salariés. S’est mis en place un modèle qui s’est d’abord élaboré autour de l’individualisation, puis la personnalisation de la relation de chacun à son travail, puis la psychologisation : on est allé chercher au plus profond de chacun ses ressorts les plus intimes, les plus émotionnels, les plus affectifs.

* Danièle Linhart

La déprofessionnalisation du travail, et ses conséquences On voulait oublier tout ce qui s’est passé avant 68, l’ordre taylorien, on voulait la promotion des aspects les plus profondément humains au détriment du professionnel : on valorise l’humain au détriment du professionnel parce que l’humain ne peut pas chercher à s’imposer en tant que tel dans l’organisation du travail, le professionnel oui, il peut dire : je connais mon métier, j’ai mon expérience, mon travail doit se définir de telle manière, selon quels critères et avec quels moyens. C’est précisément ce que ne veulent pas les manageurs, ils ne veulent pas que les salariés puissent décider.

Danièle Linhart Textes lus par Bernard Gabay :

** Document

Nicolas Gogol, Le manteau, Œuvres complètes, Les nouvelles pétersbourgeoises, éditions La Pléiade, page 637 (avec une musique de Devonté Hynes, For all its fury 6, Hush pour quatre percussionnistes) Joseph Pontus, À la ligne, 2019, éditions Folio Gallimard, pages 145-149 (avec une musique de Thomas Poli, Single, celled organism) Sons diffusés : * Chanson d’Henri Salvador, Le travail c’est la santé Extrait du film documentaire Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés, de Marc-Antoine Roudil et de Sophie Bruneau, 2006

Archive d’Alain Le Gouguec, France Info, 28 septembre 2009, (affaire France Télécom)

Archive de Jack Bigré, France Télécom, dans l’émission Les pieds sur terre, France Culture, 30 mars 2010

Chanson de fin : François Béranger, Tango de l’ennui

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Épisode 2 : le discours managérial

On peut écouter l’émission en utilisant le lien suivant :

https://www.franceculture.fr/emissi...

e quelle façon le management n’est-il pas seulement un ensemble de pratiques, mais aussi un ensemble de discours ? Comment ce discours utilisé en entreprise reflète-t-il et influence-t-il la manière dont le travail est organisé et conceptualisé ? Comment résister au langage managérial ?

“Je te réponds ASAP après ma conf-call” : parlez-vous entreprise ?

Avec le langage, il peut se produire ce phénomène : tout à coup, un mot nous saute aux oreilles, il nous choque, il nous interpelle, nous séduit ou nous agace. Ce n’est pas seulement qu’on apprend l’existence d’un terme comme on apprend une définition, c’est qu’on se projette d’emblée dans son usage sans savoir précisément comment on l’utilisera. La langue managériale ne déroge pas à ce phénomène : à ceci près qu’entendre ses éléments de langage nous projette d’emblée dans un rejet. Je ne serai jamais cette personne qui dira "feed-back", "conf-call", "N 1", ou encore "propal"... jusqu’au jour où, sans crier gare, je suis soudain devenue cette personne qui dit "feed-back", "conf-call", "N 1", ou encore "propal"... Peut-on échapper à cette culture d’entreprise ou sommes-nous voués à devenir des auto-entrepreneurs ?

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L’invité du jour : Luca Paltrinieri, philosophe et maître de conférence en philosophie politique et philosophie des sciences humaines et sociales à l’université de Rennes 1

** Documents Textes lus par Bernard Gabay :

*Sandra Lucbert, Personne ne sort les fusils, chapitre 11, éditions Seuil, 2020 (avec une musique de Haiku Salut, Le mécano de la General Finish)

*André Gorz, L’immatériel : connaissance, valeur et capital, Partie I “Le travail immatériel", chapitre “Travailler, c’est se produire”, éditions Galilée, 2003 (avec une musique de Haiku Salut, Le mécano de la General Finish)

Sons diffusés :

Extraits du film Les 2 Alfred, de Bruno Podalydès, 2021

Extrait de la série Emily in Paris, de Darren Star, saison 1, épisode 1, 2020 Musique de Gilb’R, L’inconscient rebel

Archive de Michel Foucault, 2 mai 1969, dans Sciences et techniques

Extrait de l’émission de télévision Message à caractère informatif

Discours de Macron aux préfets, archive du 5 septembre 2017

Chanson de fin : Les Charlots, Merci patron

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Épisode 3 : le management et la possibilité de penser

on peut écouter l’émission en utilisant le lien suivant :

https://www.franceculture.fr/emissi...

Dans les années 30, à l’usine, la philosophe Simone Weil interroge le travail dans son organisation et cherche à trouver une méthode de travail, ce que serait un bon management, celui qui restaurerait l’humanité des ouvriers. Comment réconcilier besoins de production et épanouissement au travail ?

Penser en travaillant

L’invitée du jour : Nadia Taïbi, agrégée et docteure en philosophie, rédactrice en chef de la revue Sens-Dessous, enseignante au lycée Jean de Lattre de Tassigny à la Roche sur Yon

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Documents

Textes lus par Bernard Gabay :

Simone Weil, Lettre à Albertine Thévenon, février 1935 dans Oeuvres, éditions Quarto Gallimard, page 141 (avec une musique de Silvano Michelino, Assembly Line)

Simone Weil, “Expérience de la vie d’usine”, lettre ouverte à Jules Romains, 1941 dans Oeuvres, éditions Quarto Gallimard, pages 200-201

Simone Weil, Lettre à Robert Guihéneuf, 1935, dans Cahiers Simone Weil, tome XXI, n°1-2, pages 12-13 (avec une musique de Moses Baxter, A simple kompulsion)

Simone Weil, “La vie et la grève des ouvrières métallos”, 1936 dans Oeuvres, Quarto Gallimard, page 166

Sons diffusés :

Extrait du documentaire La Reprise du travail aux usines Wonder, de Jacques Willemont, 1968 Archive d’Albertine Thévenon, du 18 avril 1968, dans le documentaire “Le parcours de Simone Weil”, ORTF Extrait du film Ressources humaines, de Laurent Cantet, 2000 Géraldine Mosna-Savoye lit un extrait de ... (avec une musique de Devonte Hynes, For all its fury 10, pour 4 percussionnistes) Extrait de Lip 73-74 : Le goût du collectif, documentaire de Dominique Dubosc, 1977 Chanson de fin d’émission : Albert King, Cadillac Assembly line

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HD


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