Olivia Ruiz à la Fête de l’Humanité : « Laissez-vous faire, je m’occupe de tout ! »

jeudi 13 septembre 2007.
 

Grande scène . Craquante et croquante, l’espiègle Olivia Ruiz débarque à la Fête portée par le succès de son second album la Femme Chocolat. Elle nous promet un concert exceptionnel.

Olivia Ruiz se dit volontiers épicurienne, croquant la vie et gourmande de chansons. Après des débuts du côté de la Star Academy, la chanteuse originaire de Marseillette, près de Carcasonne, s’est très vite intéressée au rock alternatif et à la chanson populaire. C’est ainsi qu’elle rencontra Juliette qui lui écrivit la chanson J’aime pas l’amour, titre éponyme de son premier enregistrement, qui lui valut une reconnaissance du public et de croiser la route de nombreux amis musiciens (Chet, Nery, Weepers Circus). Un album suivi d’autres collaborations toutes aussi enrichissantes, telle celle de Christian Olivier des Têtes Raides avec lequel elle chante en duo Non-dits ou encore Mathias Malzieu, leader du groupe Dyonisos, réalisateur (avec Alain Cluzeau) du très apprécié la Femme Chocolat, qui, outre le titre de ce second opus, signe plusieurs chansons dont I need a child et Goûtez-moi. Un album espiègle qui raconte son histoire, à l’image de J’traine les pieds, qui a fait d’elle une vraie star de la chanson, séduisant par sa gouaille et sa voix acidulée. Une chanteuse populaire, qui, à la Fête de l’Humanité, a trouvé l’écrin idéal et promet un concert exceptionnel sur la grande scène. Rencontre.

Chanter en plein air, est-ce un exercice que vous appréciez ?

Olivia Ruiz. J’adore, comme j’adore, chanter en plein jour. Cela amène des choses différentes. J’aime ces moments où on fait un concert dans un contexte différent. En plein air, je me sens libre, détendue. Mais si j’aime les festivals, c’est aussi parce qu’avant ou après mon concert, je peux aller voir des groupes. C’est pratique quand on est tout le temps sur la route et qu’on ne voit pas beaucoup de spectacles. Dans ces moments-là on peut en faire trois dans la soirée. Ça me permet aussi de croiser des potes, comme les Têtes Raides ou Abd Al Malik. C’est génial.

Le contexte à la fois festif et politique de la Fête de l’Humanité ?

Olivia Ruiz. Cela ajoute au folklore, de la soirée. L’extrême gauche, les fêtes du PCF dans ma région, c’est vrai que c’est des trucs qui sont ancrés dans ma culture. La Fête de l’Huma, je n’y vais pas en temps que chanteuse engagée, mais je trouve que ce soit là rajoute du charme, dans le sens de ce que je vivais chez moi, quand on allait aux fêtes régionales du PC. On n’a rien, mais on partage tout. Il y avait cette idée d’un moment de partage. J’ai chanté à la Fête du PC à Coursan dans l’Aude plusieurs fois où des artistes comme Jacques Higelin, FFF ou Bernard Lavilliers se sont produits. Là, je vais reprendre un titre de Léo Ferré pour l’occasion sur un texte d’Aragon. Ce sera mon petit clin d’oeil. Forcément, on a toujours envie d’aller vers les chansons qu’on a en tête, qui sont dans l’inconscient collectif, tel Est-ce ainsi que les hommes vivent ?, mais je suis en train de fouiller l’oeuvre d’Aragon, dans tout le matériel que les éditions Textuel, qui sortent un livre sur lui, ont mis à ma disposition, pour que je puisse mieux connaître le personnage. Cela me permettra de voir si il n’y a pas autre chose, repris par Ferré, Lavilliers ou d’autres, qui pourrait plus m’intéresser qu’un titre qui a été repris mille fois. Pour le moment, je cherche.

C’est une facette de votre personnalité qu’on ne connaissait pas...

Olivia Ruiz. C’est précisément pour l’occasion. Je connais Ferré plus par les textes que pour l’avoir écouté. Ce n’est pas un univers qui faisait partie spécialement de la culture à la maison. Par contre, j’ai pas mal de recueils de poésie. Il y a chez lui et chez les gens qu’il a adaptés et mis en musique des univers qui m’attirent. Le cadre se prête à ce que je défende quelque chose comme ça, alors que si cela avait été dans le contexte d’un concert « classique », j’aurais repris des choses qui font vraiment partie de ma culture, soit du rock new-yorkais très énervé ou du Nougaro...

Comment vous situez-vous musicalement ?

Olivia Ruiz. J’aime justement que les gens me situent comme quelqu’un de libre. On change tous au cours de nos vies. Je ne sais pas si dans dix ans, je serai trop vieille pour bouger, trop fatiguée par les tournées ou si j’aurai envie de faire un album de folkeuse. Je me laisse toutes les possibilités de façon à garder ma liberté intacte. Personnellement, je ne me pose aucune question de style et je ferai en sorte aussi que les gens ne se sentent pas obligés de m’assimiler à telle ou telle vague.

Chanson, rock, musiques Klezmers... Vous semblez sensible à toutes sortes de styles.

Olivia Ruiz. Aux musiques latines aussi. Cela m’amuse de brouiller les pistes. Quand je choisis ou fais tel type d’arrangements sur les morceaux, c’est une manière de dire : « Attention c’est à prendre ou à laisser. Si vous venez, vous recevrez c’est sûr, mais ne vous prenez pas la tête. » Parce qu’il peut arriver n’importe quoi, n’importe quand, comme effectivement un morceau klezmer au milieu du set. L’idée, c’est laissez-vous faire, je m’occupe de tout !

Vous avez un côté gouailleuse. Auriez-vous aimé vivre à une autre époque ?

Olivia Ruiz. Faire partie de la clique des Frehel, Damia et autre Berthe Sylva, cela aurait été quelque chose de génial. Je me sens hyper proche d’elles, de leur façon d’appréhender l’existence, avec du vécu. Des choses qui font mal mais qui sont assumées, ou des choses qui font du bien et qui le sont tout autant. J’ai une admiration pour elles parce qu’il y avait le côté sans concession, une forte interprétation. Aujourd’hui, en tant que spectatrice, j’ai du mal à trouver dans un concert une vraie interprétation des chansons, et en même temps de l’énergie, quelque chose de fort visuellement et scéniquement. C’est ce qui me fascine chez ces personnes-là, des choses qu’on peut retrouver aujourd’hui chez un chanteur comme Néry et une poignée de gens finalement.

Vous dites volontiers que vous êtes « sans complexe, gourmande, épicurienne, avec l’envie d’aller au bout de vos passions »...

Olivia Ruiz. Je suis extrême et tranchée, ce qui doit venir de mes origines. Quand je commence quelque chose, je vais au bout. En même temps, je suis quelqu’un de complètement désorganisé mais aussi de très passionné qui fait les choses en profondeur.

Le fait d’être extrême vous a-t-il aidée ?

Olivia Ruiz. Toutes les qualités peuvent être des défauts et inversement. Dans l’ensemble, je crois que ça m’a plus aidée car, du coup, personne ne peut me faire dévier de ma route et de mes convictions. En cela, c’est une force. C’est aussi une faiblesse qui traduit de l’hypersensibilité. Je suis très émotive, liée affectivement avec les gens avec qui je travaille. J’ai l’impression à la fois de savoir me protéger et en même temps, quand je fais confiance et que je suis bien avec quelqu’un dans mon métier, de tout donner et de me reprendre tout dans la figure parfois quand ça revient un peu comme un boomerang. Cet aspect-là peut-être fragilisant, encore que je me sente assez solide quand même.

Un succès comme la Femme Chocolat, qu’est-ce que ça a changé dans votre vie ?

Olivia Ruiz. J’ai plus de sous et je paie des impôts depuis que j’ai sorti la Femme Chocolat, ce qui est très rare dans ma vie ! (rires). J’ai été tellement conditionnée par mon papa sur le fait que, dans le métier, c’était un jour oui, un jour non, un jour tout génial, un autre tout foireux, que les périodes creuses, je ne les ai pas vécues comme telles. Même quand il m’arrivait de chanter dans des petites salles avec peu de public, je m’éclatais. Je ne le vivais pas mal du tout et je me sentais super bien. Là, c’est encore mieux, mais ça n’a pas changé grand-chose en fait. Au quotidien ma vie est toujours la même. Mais, peut-être que je ne réalise pas bien tout ce qui se passe autour de moi. Le succès d’un album, c’est un accident merveilleux. Si le marché du disque continue de mal marcher comme en ce moment, ce sera certainement le plus gros succès de toute ma carrière...

Entretien réalisé par Victor Hache


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