Les insoumis dénoncent le gommage du vote populaire auprès de la Commission des sondages

vendredi 17 septembre 2021.
 

Deux représentants de La France insoumise (LFI), Manuel Bompard et Rafik Qnouch, sont auditionnés ce mardi 14 septembre 2021 devant la Commission des sondages à Paris. L’objectif des insoumis ? Dénoncer le gommage du vote populaire par deux instituts de sondage, l’IPSOS et l’IFOP. Une bataille très politique.

« On ne voit pas l’intérêt de faire état de l’opinion de quelqu’un qui n’est pas sûr d’aller voter » : J-F Doridot, directeur général d’IPSOS

Gommage. Alors que l’élection présidentielle approche à grand pas, l’institut de sondage IPSOS utilise une technique de calcul qui fait polémique. Cette technique consiste à calculer les intentions de vote pour l’élection présidentielle en ne tenant compte que des sondés se disant « certains » d’aller voter. Problématique.

L’institut constitue un échantillon représentatif de la population (en utilisant la méthode dite « des quotas ») et interroge les personnes de cet échantillon en leur demandant d’indiquer, sur une échelle de 1 à 10, leur intention d’aller voter. Et ne retient que la sous-partie de l’échantillon correspondant aux personnes ayant indiquée une note de… 10/10.

Cette méthodologie est assumée par l’institut de sondage. Interrogé par l’AFP, Jean- François Doridot, directeur général d’Ipsos Public Affairs indique : « On travaille sur des gens qui disent être certains d’aller voter parce qu’on ne voit pas l’intérêt de faire état de l’opinion de quelqu’un qui n’est pas sûr d’aller voter ». Rien que ça.

Une méthode formulant l’hypothèse d’un taux de participation de… 53% à la présidentielle ! Du jamais vu

Problème : cela revient à formuler l’hypothèse d’un taux de participation lors de la prochaine élection présidentielle de… 53% (pourcentage des sondés se disant «  certains d’aller voter »). Or, cette estimation du taux de participation ne figure dans aucun document publié par l’institut de sondage, ni dans aucune publication dans la presse reprenant les chiffres du sondage. Cette information, si elle devait être publiée, constituerait l’information principale de ce sondage et nuancerait très fortement les intentions de vote estimées.

Il y a la une omission très grave : en effet, un tel taux d’abstention (47%) représenterait un taux d’abstention de 25 points supérieur au premier tour de l’élection présidentielle de 2017 (22,2%). Ce serait en outre de 19 points supérieur au premier tour de l’élection présidentielle de 2002 (28,4%) qui constitue à cette heure le plus fort taux d’abstention au premier tour d’une élection présidentielle dans la 5ème République.

Comme élément de comparaison, on peut se référer à un sondage publié par l’institut ELABE au mois de juin dernier à propos de l’élection présidentielle. Contrairement à l’institut IPSOS, l’institut ELABE déclare ne tenir compte que des sondés qui estiment comprise entre 8 et 10 leur certitude d’aller voter sur une même échelle de 1 à 10. Et si 56% des sondés indiquent une certitude d’aller voter de 10/10, ce pourcentage monte à 81% si l’on retient les personnes qui indiquent une certitude d’au moins 8/10.

Entre un taux de participation estimé à 53%, et un taux de participation à 81%, ce n’est plus du tout la même élection présidentielle dont on parle.

Une méthode de calcul invisibilisant le vote jeune et populaire, pénalisant Jean-Luc Mélenchon

Cet écart dépend en effet de l’âge des votants : la note est de 10/10 pour 67% des plus de 65 ans et pour 40% des 25/34 ans ; mais elle est d’au moins 8/10 pour 88% des plus de 65 ans (21 points de plus) et pour 75% des 25/34 ans (35 points de plus). Par conséquent, en ne retenant que la note de 10/10, on avantage les candidats dont l’électorat est le plus âgé.

Il est intéressant de noter que cette différence n’est pas également répartie entre les électorats des candidats de la dernière élection présidentielle : ainsi, la note est de 10/10 pour 57% des votants pour Jean-Luc Mélenchon en 2017, contre 66% des votants pour Benoit Hamon en 2017, ou encore 74% des votants pour Marine Le Pen en 2017. Mais la note est de 8/10 pour 85% des votants de Mélenchon (28 points de plus), 83% des votants de Hamon (17 points de plus), 93% des votants de Le Pen (19 points de plus). Par conséquent, en ne retenant que la note de 10/10, on désavantage, par exemple, le candidat Jean-Luc Mélenchon au profit de Marine Le Pen et des candidats recevant une partie importante des anciens électeurs de Benoit Hamon. Les insoumis formulent deux propositions à la Commission des sondages

Pour justifier l’utilisation d’une telle méthode, les instituts de sondage rappellent la difficulté à estimer de manière précise l’abstention lors des échéances électorales. Il est vrai que l’on a pu constater cette difficulté lors des dernières élections régionales. Elle s’est traduite par un écart très important entre les intentions de vote et les résultats le jour du scrutin, de plus de 10 points pour certains sondages et certains candidats (10,4 points d’écart par exemple entre l’estimation IPSOS du score du Rassemblement National en Occitanie et le résultat réel).

Les insoumis, représentés par l’eurodéputé Manuel Bompard et l’élu régional Rafik Qnouch, ont été auditionné ce mardi 14 septembre 2021 par la Commission des sondages. Ils ont formulé deux propositions :

D’abord, la Commission des Sondages pourrait demander aux instituts de sondage de publier l’hypothèse de participation estimée dans chaque enquête, afin que les intentions de vote affichées soient analysées avec prudence et en tenant compte de cette indication. Ce calcul étant nécessairement effectué, exiger sa publication permettrait davantage de transparence sans pour autant compliquer la tâche des instituts.

Par ailleurs, afin d’éviter qu’une mauvaise hypothèse de participation ne déforme les rapports de force réels, la Commission des Sondages pourrait demander aux instituts de sondage de publier des résultats pour différentes hypothèses de participation. Ici aussi, cela n’impacterait pas les conditions de réalisation des enquêtes puisqu’il apparaît que les instituts demandent déjà aux sondés d’indiquer sur une échelle de 1 à 10 leur certitude de vote. Il suffirait de calculer par exemple une hypothèse de participation correspondant à la note 10, une hypothèse correspondant aux notes 8, 9 et 10, etc.

En reprenant ces propositions, la Commission des Sondages serait pleinement dans son rôle et contribuerait à éviter qu’une interrogation méthodologique (la bonne manière de prédire le taux de participation des élections à venir) n’ait une influence politique qui affecte les conditions démocratiques du déroulement de la campagne présidentielle qui approche à grand pas et ne gomme le vote populaire.


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