DIPLOMATIE FRANCAISE Le grand tournant

mardi 11 septembre 2007.
 

L’ultraprésidentialisme de Sarkozy a désormais son prolongement diplomatique : l’alignement sur les théories de la droite néoconservatrice américaine.

Vacances ultramédiatisées outre-Atlantique, comme pour mieux autoriser une visite à grand spectacle à la famille Bush ; expédition du ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, en Irak, comme pour fermer symboliquement la parenthèse du veto français à l’invasion américaine de 2003 ; discours devant la conférence annuelle des ambassadeurs, comme pour mieux marquer la rentrée politique d’une nouvelle vision des affaires du monde : c’est peu dire que Nicolas Sarkozy aura pris grand soin, cet été, d’affirmer la réorientation de la diplomatie française.

À elle seule, l’allocution du 27 août est des plus significatives. Le nouveau président aura tenu à marquer avec force son engagement sur l’ensemble des théâtres d’opération à partir desquels la Maison Blanche déploie sa stratégie de « guerre sans limites ». Il veut renforcer « la présence de nos formateurs au sein de l’armée afghane » et le traduit concrètement en accroissant la présence militaire française sur ce front. Sans oser encore contrarier l’opinion française, très majoritairement hostile à l’occupation de l’Irak, il souligne sa volonté de relayer les États-Unis « dans la marginalisation des groupes extrémistes » dans ce pays. Il accentue l’implication tricolore dans les affaires libanaises, apportant son soutien aux formations au pouvoir contre une opposition sournoisement accusée d’être manipulée par la Syrie. Il assume sans complexe sa solidarité avec la politique israélienne, épousant les thèses de Condoleeza Rice et ignorant la légitimité de la revendication palestinienne, mais faisant de l’appui à Mahmoud Abbas le simple prix à payer pour éviter « la prise de contrôle de tous les territoires palestiniens par les islamistes radicaux ».

Surtout, il reprend à son compte la rhétorique de l’administration Bush à propos de l’Iran, validant le bombardement de ce pays comme l’un des choix possibles si le régime de Téhéran ne renonçait pas « au nucléaire militaire ». La levée annoncée du « tabou » de l’indépendance française vis-à-vis de la puissance américaine, héritée du temps où le général de Gaulle présidait aux destinées de la Ve République, n’en prend que plus de relief : Paris entend prendre des « initiatives très fortes » en faveur « de la rénovation de l’Otan et donc de sa relation avec la France ».

Dans ce changement de cap, le plus lourd de conséquences est sans conteste l’alignement sur une lecture des enjeux planétaires venue de la droite néoconservatrice américaine. En présentant « la confrontation entre islam et Occident » comme le « premier défi mondial », le locataire de l’Élysée reprend purement et simplement à son compte la thèse de la guerre des civilisations, celle qui a servi à légitimer l’accélération du redéploiement militaire des États-Unis après le 11 Septembre. À le suivre, les contradictions internationales ne relèveraient ainsi plus des disparités de développement ou des effets politiques et sociaux de la mondialisation libérale sur les pays du Sud, comme acceptaient encore de le reconnaître un Chirac ou un Villepin, mais des problèmes que sont censés poser au monde les « pays musulmans », le seul risque évoqué étant désormais celui « d’un affrontement sans merci entre les idéologies ». C’est donc une approche belliciste et communautariste, fondée sur l’opposition du « Bien » et du « Mal », qui servira désormais de boussole à la politique étrangère de l’Hexagone.

Sans doute ne s’agit-il pas seulement, pour Sarkozy, d’enregistrer la réalité de rapports de force mondiaux surdéterminés par l’hégémonie américaine. En indiquant que « le volontarisme dont le gouvernement fait preuve à l’intérieur sera de même nature sur la scène extérieure », il exprime l’intention de négocier une place particulière pour l’impérialisme français, à un moment où la politique de George W. Bush connaît une série de revers cinglants. Pour mégalomaniaque qu’il soit, l’hyperprésidentialisme sarkozyen n’en apparaît pas moins porteur d’un grand tournant de la diplomatie française.


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