2 mai 73 Chute héroïque de Massada, forteresse des juifs zélotes

vendredi 15 avril 2022.
 

Durant environ deux siècles, la Palestine antique a connu de puissants mouvements contestataires (sociaux, nationaux et religieux). Leur répression par l’empire romain est symbolisée par la défense héroïque de Massada durant trois ans puis par le suicide de ses défenseurs lorsque plus rien n’était possible.

A) La Palestine antique et ses Hébreux

Durant plusieurs siècles, les petites exploitations rurales constituent la cellule de base du monde hébraïque. Plusieurs facteurs fragilisent cette ossature économico-sociale durant la période qui nous intéresse (-150 à + 150) poussant à l’accaparement des terres par les riches, à l’exode rural et à la révolte des pauvres : Guerre civile entre les partisans de Hyrcan et ceux d’Aristobule avant et bien après l’arrivée des Romains, sécheresses successives, très lourds tributs payés à Hérode et à la classe sacerdotale correspondant à l’aristocratie terrienne, dépossession pour non-paiement de ses dettes...). Les familles paysannes ayant perdu leurs moyens de subsistance rejoignent fréquemment les grandes villes, particulièrement Jérusalem qui atteint 100000 habitants (Paris en comptera moins de 25000 durant la majeure partie du Moyen Age). Un nombre important de ces malheureux choisit le combat contre les grands propriétaires et leurs alliés romains. Ces révoltés vengeurs se donnent généralement un chef considéré comme le Messie (descendant de David, oint pour rétablir le royaume juif ancestral).

B) La révolte sociale des lestaï

« Moins de quelques années après la conquête de Jérusalem par les Romains, de nombreux paysans sans terre se retrouvèrent dépouillés de leurs biens et privés, eux et leurs familles des moyens de subsistance. Beaucoup émigrèrent dans les villes, en quête de travail. Mais en Galilée, quelques fermiers et petits propriétaires troquèrent leur charrue contre une épée et commencèrent à rendre coup pour coup à ceux qu’ils tenaient pour responsables de leurs maux.

Depuis les repaires et les grottes où ils se cachaient dans la campagne galiléenne, ces paysans guerriers lancèrent une vague de coups de main contre l’aristocratie juive et les agents de la République romaine. Ils écumaient les provinces, ralliant à leurs côtés les malheureux en détresse, dépossédés et endettés jusqu’au cou.

Robin des bois juifs, ils détroussaient les riches et, à l’occasion, ils donnaient leur butin aux pauvres. Pour les croyants, ces bandes représentaient rien moins que l’incarnation physique de la colère et des souffrances des pauvres. Ils étaient des héros, symboles d’un zèle vertueux contre l’agresseur romain, dispensateurs de la justice divine aux Juifs qui étaient passés à l’ennemi. Les Romains leur appliquait un autre vocable ; ils les appelaient des lestaï, des brigands...

L’un des plus redoutables de ces brigands,le chef charismatique Ezéchias, déclarait ouvertement être le messie, celui dont on avait promis la venue et qui devait rétablir la gloire des Juifs. » (Reza Aslan, Le zélote)

C) Les Zélotes

Parmi les courants juifs de l’époque, ils se développent au départ au sein des pharisiens et en restent proches. Ils représentent le groupe "militairement résistant" contre l’Empire romain et ses collaborateurs juifs.

D’après Reza Aslan cité ci-dessus, Jésus fut un dirigeant zélote. Cela correspond peu au fond idéologique des Evangiles, telles que nous les connaissons.

Notons seulement l’intérêt :

- de plusieurs noms d’apôtres, à présent que notre connaissance de l’araméen permet de les comprendre comme Judas Iscariote (le sicaire, le zélote) et Simon Barjona (« le révolutionnaire » en araméen) c’est à dire Saint Pierre.

- de textes des Evangiles canoniques ou celui de Saint Jacques pour le premier concile (Jérusalem) dont la teneur sociale est profondément révolutionnaire.

D) La Première guerre judéo-romaine

Elle s’étend de 66 à 73 de notre ère.

En 66, une grande insurrection juive se développe dans le peuple. Les "modérés", représentant essentiellement la classe riche (des familles des grands-prêtres et des notables), essaient d’écraser le mouvement. Ils ne font que le radicaliser. A la fin de l’année, de nombreux Romains présents en Palestine ont été tués, des "modérés" également ; les palais royaux sont incendiés.

Cestius Gallus, gouverneur romain de la province de Syrie, marche sur Jérusalem. Il est écrasé.

En 67, le général romain Flavius Vespasien se lance à nouveau à la conquête des territoires juifs avec des forces plus importantes. Pour prendre des mesures radicales face à ses légions, les zélotes s’emparent du pouvoir à Jérusalem.

Au printemps 69, presque toute la Judée a été reconquise par Vespasien, mais celui-ci part alors pour Rome où il est élu empereur.

Son fils Titus poursuit la conquête avec l’appui de quatre légions.

La résistance juive est affaiblie par une guerre civile aux aléas complexes.

En 73, la dernière forteresse non prise par l’armée romaine est celle de Massada, pourtant assiégée depuis trois ans.

E) La chute de Massada

La forteresse de Massada bénéficie d’un site naturel favorable, surplombant de 400 mètres les rives sauvages de la mer Morte.

Un millier de Zélotes avec femmes et enfants s’y réfugient pour tenter une ultime résistance face à 15000 légionnaires. Ceux-ci n’arrivent à accéder aux murailles qu’en aménageant une rampe artificielle depuis le pied du rocher.

Le seul récit que l’on ait de ce siège nous vient de l’historien juif Flavius Josèphe, qui assiste le général romain. Quand les assiégeants pénètrent dans la forteresse, ils doivent affronter l’incendie allumé par les Zélotes avant de découvrir les cadavres de ceux-ci. D’après l’historien, qui n’a pas lui-même vu l’intérieur de la forteresse, dix des assiégés auraient tué les autres avant de se suicider eux-mêmes. Tous seraient morts à l’exception de deux femmes et cinq enfants. Voici un extrait de son récit (traduction de René Harmand, Paris, 1911) :

« ... Ensemble, ils embrassèrent, étreignirent leurs femmes, serrèrent dans leurs bras leurs enfants, s’attachant avec des larmes à ces derniers baisers ; ensemble, comme si des bras étrangers les eussent assistés dans cette oeuvre, ils exécutèrent leurs résolution, et la pensée des maux que ces malheureux devaient souffrir, s’ils tombaient aux mains des ennemis, était pour les meurtriers, dans cette nécessité de donner la mort, une consolation. Enfin, nul ne se trouva inférieur à un si grand dessein ; tous percèrent les êtres les plus chéris. Malheureuses victimes du sort, pour qui le meurtre de leurs femmes et de leurs enfants, exécuté de leur main, paraissait le plus léger de leurs maux !

Aussi, ne pouvant plus supporter l’angoisse dont ces actes une fois accomplis les accablait, et croyant que ce serait faire injure aux victimes de leur survivre même un court instant, ils entassèrent promptement au même endroit tous leurs biens et y mirent le feu ; puis ils tirèrent au sort dix d’entre eux pour être les meurtriers de tous ; chacun s’étendit auprès de sa femme et de ses enfants qui gisaient à terre, les entourant de ses bras, et tous offrirent leur gorge toute prête à ceux qui accomplissaient ce sinistre office. Quand ceux-ci eurent tué sans faiblesse tous les autres, ils s’appliquèrent les uns aux autres la même loi du sort : l’un d’eux, ainsi désigné, devait tuer ses neuf compagnons et se tuer lui-même après tous ; de cette manière, ils étaient assurés qu’il y aurait égalité pour tous dans la façon de porter le coup et de le recevoir. Enfin, les neuf Juifs souffrirent la mort et le dernier survivant, après avoir contemplé autour de lui la multitude des cadavres étendus, craignant qu’au milieu de ce vaste carnage il ne restât quelqu’un pour réclamer le secours de sa main et ayant reconnu que tous avaient péri, mit le feu au palais, s’enfonça d’un bras vigoureux son épée tout entière dans le corps, et tomba près de ceux de sa famille... »


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