Vaccins : l’ARN est-il vraiment un produit aussi "inconnu" et "dangereux" que le prétendent les "antivax" ?

lundi 26 juillet 2021.
 

Fustigé par les "antivax", l’ARN-messager est accusé de "modifier notre ADN", ou encore de "s’intégrer dans notre génome". Des affirmations démenties par Lionel Case, microbiologiste moléculaire, qui assure que ce composé était déjà présent dans notre organisme bien avant le Covid-19.

Le vaccin à ARN-messager modifie-t-il notre ADN ? C’est ce qu’affirmait la généticienne et ancienne directrice de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale Alexandra Henrion-Caude, le 22 mai dernier, lors d’une manifestation contre le vaccin anti-Covid à Paris. Ces "antivax" affirment que les injections "portent atteinte à la fertilité", ou encore que "l’ARN du vaccin s’intègre dans notre génome". Des informations démenties par Lionel Case*, docteur en microbiologie moléculaire, interrogé par La Dépêche du Midi. "L’ARN n’est pas né avec les vaccins Covid-19" écrit le scientifique sur Twitter, dans un thread qu’il justifie de "combat contre les charlatans". "Et votre corps côtoie de l’ARN étranger tout le temps, depuis votre naissance, et sans encombre" affirme le scientifique.

En effet, ce composé chimique du nom scientifique d’acide ribonucléique est naturellement présent dans notre organisme. "Les ARN messagers (ou ARNm) sont comme des copies, des molécules chargées de transmettre l’information codée dans notre génome, pour permettre la synthèse des protéines nécessaires au fonctionnement de nos cellules" informe l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Une explication confirmée par le microbiologiste moléculaire Lionel Case : "On trouve environ 100 ng (nanogrammes) d’ARN par ml de salive humaine en moyenne. L’être humain produit 1 litre de salive par jour. Ça fait 100 ug (microgrammes) d’ARN : la dose d’ARN du vaccin Moderna."

Ce système naturel a en réalité été "adapté" par les scientifiques afin d’élaborer ce qu’on appelle aujourd’hui des vaccins."Classiquement, la vaccination repose sur l’administration d’un agent infectieux atténué ou inactivé, ou bien sur celle de certaines de ses protéines" explique l’Inserm. "Avec les vaccins à ARN-messager, l’idée est de laisser nos cellules fabriquer elles-mêmes le composant contre lequel notre organisme va apprendre à se défendre."

Un ARN synthétique ?

Outre sa large présence dans le génome humain, l’ARN-messager est également une molécule présente dans nombre d’aliments et d’être vivants. "On en trouve dans les moustiques aussi, explique Lionel Case. Notamment des micro-ARNs. Et pas uniquement lors de l’infection de leurs glandes salivaires. Jusqu’à 14 millions de petits ARNs détectés dans la salive d’Aedes aegyptii, ou son cousin Aedes albopictus (le moustique tigre endémique dans nos contrées)".

"30 ug (microgrammes), c’est la quantité d’ARN contenue dans une seule dose de vaccin Pfizer/NbioNTech", continue le scientifique. Or, c’est l’équivalent de la quantité d’ARN-messager présente dans 100 mg de blé. "Vous n’allez pas vous transformer en laitue en mangeant de la salade. Ni en moustique en vous faisant piquer" ironise Lionel Case.

"Le problème, c’est la rencontre entre un certain militantisme anti-vaccin et la vraie science, déplore le scientifique. L’ARN est un constituant de nos cellules, il a déjà été testé en clinique pour des formes de vaccin, notamment contre le cancer. Nous avons 15 ans de recul sur ces innovations, la nouveauté réside uniquement dans le fait d’utiliser l’ARN pour un vaccin antiviral dans le cadre d’une crise sanitaire."

Pour Lionel Case, il n’y a donc aucune raison objective de douter des vaccins à ARN-messenger, dont les essais cliniques ont été réalisés de manière "très consciencieuse". "La seule différence avec la recherche pour d’autres vaccins, c’est que les essais n’ont pas été faits en séquentiel. Nous sommes dans une catastrophe sanitaire planétaire, la question de la rapidité était primordiale. Les laboratoires qui ont conçu les vaccins (Pfizer, Moderna ou AstraZeneca) ont simplement réalisé toutes les phases cliniques en parallèle, justifie le docteur. Il faut que les personnes se rendent compte du côté révolutionnaire de la technologie de l’ARN-messager. Il n’y a pas eu de modification proprement artificielle, les scientifiques ont simplement introduit des modifications naturelles à l’ARN pour le rendre plus stable. Il a été optimisé mais pas créé de manière synthétique."

* Ce nom est un pseudonyme emprunté par ce scientifique sur les réseaux sociaux

Salomé Dubart


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