Soutenons les salariés de Lapeyre !

samedi 19 juin 2021.
 

Les 3 500 salariés du groupe Lapeyre (4 200 personnes si l’on compte les sociétés mandataires) sont confrontés à un plan de cession qui risque de les mener à la perte de leur emploi. Ils se battent avec une rare détermination contre la cession de leur groupe à un professionnel du « retournement d’entreprise ». Le projet de cession au groupe Mutares va engendrer une « casse sociale » immense et un impact négatif durable pour tous les territoires où les usines et les magasins fermeront.

Le groupe Lapeyre, c’est dix usines et 126 points de vente en France. Si ce projet se concrétise, la casse sociale sera immense et l’impact durable pour tous les territoires où les usines et les magasins fermeront. Un collectif de salariés et de syndicalistes se mobilisent depuis des mois pour que l’issue ne soit pas aussi noire.

C’est maintenant qu’il faut les soutenir.

Saint-Gobain

Le groupe Lapeyre appartient au groupe Saint-Gobain, qui figure parmi les plus grands groupes mondiaux avec ces 167 000 « collaborateurs » répartis dans 70 pays et avec ses 42,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires en 2019 (« seulement » 38,1 en 2020, Covid oblige !). Longtemps Saint-Gobain, spécialiste du verre et des matériaux de construction, a fait figure de modèle social en France. Dans l’histoire industrielle française, Saint-Gobain, c’est la galerie des glaces de Versailles et la création d’un fleuron industriel qui traverse les siècles.

Derrière cette saga prestigieuse et quelque peu romancée, Saint-Gobain, c’est aussi toute une série de métiers fortement exposés à des risques chimiques et quelques condamnations en matière de santé au travail. En matière sociale, ce groupe – dont Martine Aubry fut DRH avant de devenir ministre du Travail – était considéré comme la vitrine du « dialogue social ». Mais tout cela, c’était avant que la financiarisation gagne l’entreprise et les esprits des top managers, et que Saint-Gobain finisse par se comporter comme n’importe quel employeur soucieux d’optimiser le plus vite possible ses ratios financiers.

Aujourd’hui, dans le cadre d’un plan dit « Transform & Grow », Pierre-André de Chalendar, PDG de Saint-Gobain a décidé de se débarrasser de son activité Lapeyre sans assumer le moindre plan social.

Vente à prix négatif...

La technique est bien rodée et elle occupe une large partie du patronat français. Faire un « plan social », c’est assumer la responsabilité de supprimer des emplois, devoir faire face aux syndicats et aux salariés et devoir prendre le risque d’une bagarre judiciaire au calendrier et à l’issue incertains. Depuis longtemps, les grands groupes ont mis au point une autre technique qui coûte moins cher et sécurise leur calendrier : la vente à prix négatif à un repreneur spécialiste du « retournement d’entreprises ».

C’est cette option que le PDG Pierre-André de Chalendar a décidé de favoriser en vendant à prix négatif les dix usines et les 126 magasins qui constituent Lapeyre. Saint-Gobain laissera dans les caisses de Lapeyre 245 millions d’euros pour que le repreneur puisse faire face aux besoins de trésorerie. C’est toujours un choc pour les salariés d’apprendre que leur usine, leur magasin ne vaut pas plus que l’euro symbolique.

… à un repreneur inquiétant

Choisir Mutares comme repreneur est assez surprenant. D’habitude, dans les grands groupes, on trouve un cadre dirigeant que l’on paie cher pour reprendre l’activité dont on veut se défaire (Rhône-Poullenc avec Rhodia, le groupe Agnelli avec Sequana). On ne recourt pas aux défaiseurs d’entreprises de métier qui écument les tribunaux de commerce. Mais le retournement d’entreprise est devenu une activité presque normalisée qui a perdu, en apparence au moins, ses relents douteux.

Le site de l’Association pour « le retournement d’entreprise » (ARE) est là pour assurer une vitrine rassurante à ce champ d’activité emblématique du capitalisme néolibéral. Avec la financiarisation, il est en effet devenu une occupation habituelle d’une partie du patronat français qui d’entrepreneur est devenu repreneur, c’est à dire défaiseur. On gagne beaucoup d’argent en « défaisant » des entreprises et on le gagne vite. Cette spécificité française explique en partie la désindustrialisation que subit le pays et que l’on ne retrouve pas dans les pays voisins comme l’Allemagne et l’Italie.

Mutares est un fonds d’investissement allemand qui figure comme ce qu’il y a de pire en la matière si l’on en croit les salariés de Vivarte (Halle aux chaussures, André, Halle aux vêtements). Ce fonds a déjà repris treize entreprises en France, dont cinq ont été placées en redressement ou liquidation judiciaires et sept ont des résultats déficitaires. Mutares pompe les trésoreries des entreprises qu’il reprend et fait son miel de la revente des biens immobiliers de ses proies. Il est suffisamment gros pour avoir quelques cas de reprise exemplaires qu’il n’hésite pas à mettre en avant, un peu comme l’arbre cache la forêt.

Opacité du plan de reprise

Bien que le mot transparence soit largement employé dans le verbiage managérial chez Saint-Gobain, il a fallu que les CSE du groupe Lapeyre saisissent à plusieurs reprises les tribunaux pour obtenir le « business plan » de Mutares et des documents lisibles, Saint-Gobain ayant fourni certains documents après avoir pris soin de noircir tous les éléments révélateurs ! L’analyse de ces documents, réalisée par le cabinet d’expertise Altinéa, qui accompagne les CSE de Lapeyre, a révélé que le projet de Mutares pour Lapeyre prévoit 714 départs pour commencer sans mettre en œuvre un plan de redressement crédible pour l’entreprise. Se voulant rassurant, le repreneur affirme qu’il ne fermera aucun site… d’ici 2022 !

Que Saint-Gobain ait choisi le repreneur le moins-disant socialement s’explique tout simplement parce que les deux autres offres de reprises (Cetival et Verdoso) exigeaient que le groupe abonde plus largement le plan de reprise. Bref, Saint-Gobain a décidé de brader l’avenir de 4 200 familles et de laisser la collectivité prendre en charge les conséquences. On estime la note à 200 millions d’euros. Humainement, personne n’ose évaluer ces dégâts.

Risque d’homologation

Devant le Tribunal de Commerce de Paris s’est joué une partie importante pour tous les salariés : l’homologation du plan de reprise. Malheureusement le Tribunal de commerce de Paris a homologué la cession et a ainsi permis de dégager la responsabilité du groupe Saint-Gobain.

Le collectif Lapeyre a écrit au Président de la République et à toutes les institutions concernées par ce énième scandale de la cession de Lapeyre (voir www.collectiflapeyre.fr) sans recevoir aucune réponse. Les 4200 familles concernées méritent tout notre soutien.


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