Mélenchon à Aubin : Jaurès is back

jeudi 20 mai 2021.
 

Dans l’Aveyron ce dimanche 16 mai, le candidat insoumis donnait son premier meeting de campagne présidentielle. Analyse.

« J’ai toujours commencé nos campagnes dans les bassins ouvriers, comme c’est le cas ici à Aubin [dans l’Aveyron], car c’est eux qui nous ouvert le chemin les premiers en dépit de ce qu’était la misère de leur vie quotidienne. » Ce dimanche, Jean-Luc Mélenchon donnait le top départ de sa campagne présidentielle. Il y avait des airs et des tons jaurésiens dans ce premier meeting en plein air. Un lieu qui n’était pas choisi par hasard. Le 6 octobre 1869, une cinquantaine de mineurs d’Aubin s’étaient mis en grève pour demander le renvoi d’un chef de poste accusé de baisser les salaires. La mobilisation s’était achevée dans un bain de sang où 14 mineurs périrent après que l’armée, qui gardait l’usine, a ouvert le feu. C’est en leurs noms, c’est-à-dire au nom de ceux et celles qui se sont battus pour les droits des travailleurs, que Mélenchon a souhaité déposer une gerbe devant la stèle qui leur est dédiée, quelques minutes avant de prononcer son discours. En leur nom aussi et pour tous les ouvriers d’aujourd’hui que le député de Marseille a lancé sa campagne sur le thème de l’emploi et la défense des ouvriers. « Un actif sur deux », précise-t-il. Et de poursuivre : « Le chômage tue plus de 10.000 personnes par an de chagrin, de maladie, d’isolement et de dépression. »

Son objectif est clair : « le plein emploi », martèle-t-il. Les propositions du candidat insoumis sont déjà publiées dans le troisième cahier du programme de l’Avenir en commun, Le progrès social et humain, disponible en librairie – les deux précédents, l’un sur la démocratie et l’autre sur la planification, s’étant vendus respectivement à 15.000 et 10.000 exemplaires. Parmi les propositions phares, on y retrouve la réduction du temps de travail : « Pour travailler tous, il faut travailler moins. » Dans le discours, s’il n’est pas question des 32 heures, il s’engage a minima à rétablir les 35 heures. Il promet aussi la « garantie emploi » qui consiste à proposer à toute personne volontaire qui le demanderait d’être prise en charge financièrement afin que son travail soit sollicité par des entreprises d’intérêt général. « Un dispositif qui a déjà fait ses preuves », affirme-t-il. Enfin, il veut mettre en place un « tapis roulant du progrès social » : 65 milliards d’euros seraient ainsi dépensés pour l’investissement et les salaires, portant le SMIC à 1.400€ et assumant des embauches massives dans l’Éducation nationale et la Santé. Et pour ne pas opposer social et écologie, Mélenchon assure que la réduction du temps de travail, adossée à des investissements publics, est compatible avec l’engagement de planification écologique.

Un discours très offensif sur la question sociale qui n’a pas laissé beaucoup de place à la politique politicienne. Tout juste lâchera-t-il une petite pique à ses amis de la gauche et des écologistes : « Il y a des gens qui m’agacent et me proposent des martingales électorales ». L’heure n’est plus à l’union. Lâché par les communistes, mis à l’écart par les écologistes et jugé infréquentable pour de nombreux socialistes – « Il faut combattre Mélenchon », a lancé Bernard Cazeneuve dans la presse –, c’est au peuple qu’il entend s’adresser. Il veut fédérer autour de lui. Et construire une union populaire : « Le principal atout de la France c’est l’unité de son peuple, l’unité populaire. Pour que cette unité se réalise il faut d’abord chasser le venin de la division : celui du racisme et de l’intolérance religieuse », lâche-t-il. Mélenchon, qui fêtera ses 70 ans en août prochain, assure qu’il restera engagé « jusqu’à son dernier souffle. » Il y croit. Il s’y voit. Et il est prêt : « Nous sommes équipés d’un programme. Nous avons un candidat à l’élection présidentielle pour porter ce programme. Et surtout, nous avons une équipe qui peut faire un gouvernement, » a-t-il lancé en citant les noms des députés et eurodéputés de La France Insoumise. Le Mélenchon de 2017 est de retour

Il s’en est pris aussi à ses deux principaux rivaux, Emmanuel Macron et Marine Le Pen, qu’il accuse de vouloir entrainer la France droit dans le mur. Le premier se serait lepénisé quand la seconde se serait macronisé, assure-t-il. Il dénonce l’imposture de la candidate du Rassemblement national qui prétend vouloir revenir à la retraite à 60 ans : « si elle le peut, comme elle le dit elle-même », ironise Mélenchon qui affirme que si elle devait être élue à l’Élysée, elle ne tiendrait pas ses promesses. Macron n’est pas épargné : « Ce type qui a ruiné le code du travail (…). Il a déjà son programme : vos retraites devront être acquises plus tard et vous cotiserez plus longtemps. Il a prévu la pire cure d’austérité que ce pays n’ait jamais connu ». Sur la dette, Mélenchon renvoie dos à dos Le Pen et Macron : « Ils sont d’accord tous les deux pour venir vous dire la bouche en chœur que nous rembourserons la dette ». Et c’est bien sur cette question, qui sera sans doute au cœur de la campagne de 2022, que Mélenchon veut faire la différence : « Il faut annuler cette dette pour que le peuple français puisse respirer », répète-t-il. Comment ? Il renvoie à une émission à laquelle il participera et dans laquelle il s’attachera à démontrer que c’est « la seule solution possible et rationnelle parce que ça n’a pas de sens de rembourser une dette en étranglant un peuple ». Le public applaudit.

Des airs et des tons jaurésiens dans ce premier meeting. Pas étonnant alors que les dernières paroles du leader insoumis soient extraites de la voix de Jaurès : « L’histoire enseigne aux hommes la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements, mais elle justifie l’invincible espoir ». Et de reprendre à son compte, avant que ne résonne la Marseillaise : « L’histoire justifie l’invincible espoir de la victoire qui nous porte et à laquelle je vous promets de travailler avec les miens de toute mon énergie, de tout mon courage, de toute la force et de toute l’intelligence que je pourrais y donner, comme je vous appelle vous-même à le faire ». La page populiste semble belle et bien tournée. Le Mélenchon de 2017 est de retour : la puissance symbolique du verbe et de la politique était à l’honneur ce dimanche. Et s’il ne peut désormais plus compter – cette fois-ci et pour le moment – sur l’appareil communiste, c’est bien sur un discours de gauche, classiquement de gauche, que Jean-Luc Mélenchon compte mobiliser l’électorat populaire et faire campagne dans la perspective de l’élection présidentielle, et des législatives qui suivront. Une distinction avec l’arrivée de Fabien Roussel dans la course à l’Elysée – qui a fait de la question sécuritaire un marqueur important de sa candidature – que ne manqueront pas de relever les militants et les sympathisants communistes.


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