Les leaders historiques socialistes contre l’Union de la gauche pour 2022

lundi 10 mai 2021.
 

Bernard Cazeneuve : "Jean-Luc Mélenchon doit être combattu"

L’EXPRESS : L’histoire de la Ve République semble nous apprendre une chose : la gauche confrontée à l’exercice des responsabilités se rétrécit. Ce fut le cas sous Mitterrand, sous Jospin, sous Hollande. Pourquoi ?

Bernard Cazeneuve : Ce ne sont pas les institutions de la Ve qui ont rétréci la gauche. Bien au contraire, elles lui ont permis de gouverner longtemps et d’engager de grandes réformes. Lorsque j’entends des responsables politiques expliquer que nos institutions sont à bout de souffle, je comprends surtout qu’ils se défaussent sur ces dernières, vieux réflexe français, des faiblesses imputables à la médiocrité de certains apparatchiks. Ceux qui rêvent de l’avènement de la VIe nous promettent le plus souvent le retour à la IVe sans les talents. Il y a toujours plus d’exigences à l’égard de la gauche qu’il n’y en a à l’égard de la droite. On attend sans doute de la droite qu’elle gère bien les choses. On attend de la gauche qu’elle les change. Or, lorsque la gauche arrive au pouvoir, c’est parce que la crise s’est enkystée et que la droite a échoué à la résoudre. Tel fut le cas en 1981, en 1997 et en 2012. Et chacun conviendra qu’il est plus difficile de ne pas décevoir lorsque la crise s’est installée et qu’il devient urgent d’en sortir, en prenant des mesures courageuses et parfois impopulaires.

N’est-ce pas là l’un des problèmes majeurs de la gauche : la différence entre ce qu’elle dit ou laisse entendre quand elle est dans l’opposition et ce qu’elle fait quand elle gouverne ?

Le problème majeur de la gauche, c’est d’assumer pleinement la rudesse et les contraintes de l’exercice du pouvoir. Car on ne transforme jamais une réalité qu’on ne regarde pas en face. La gauche de gouvernement considère que c’est son honneur et sa grandeur d’accepter, quand tout est difficile, de prendre ses responsabilités. Une autre gauche, plus contestataire, pense qu’il vaut mieux s’indigner, dénoncer, tout contester plutôt que de prendre le risque d’affronter les événements : pour elle, mieux vaut cultiver la pureté des utopies, revendiquer toujours l’authenticité plutôt que de se compromettre en gouvernant. Elle parvient le plus souvent à ses fins, en permettant aux conservateurs de se maintenir longtemps au pouvoir. C’est dangereux lorsque les conservateurs deviennent réactionnaires. La gauche d’action est souvent victime du jugement de la gauche de contestation, toujours plus habile à préparer le prochain congrès qu’à construire un projet pour notre pays. A ce jeu dangereux, la gauche tout entière peut finir par se perdre.

Parlons de l’identité de la gauche en se penchant d’abord sur ses actions passées. 1983 : le tournant de la rigueur, un virage positif ou fatal ?

Ce moment, pour la gauche et pour la France, c’est celui où les socialistes feront deux choix fondamentaux qui conditionneront leur avenir politique et leur imposeront un aggiornamento qu’ils n’avaient pas été capables d’accomplir dans l’opposition par le passé : le choix européen d’abord et celui de l’économie sociale de marché ensuite, c’est-à-dire l’acceptation du fait qu’il n’y a pas de partage possible des fruits de la croissance s’il n’y a pas, d’abord, les conditions de la croissance.

1989 : l’affaire du voile de Creil, en 1989, une erreur historique ?

Oui. Ce fut pour moi un moment douloureux. Je connaissais bien ce collège de Creil : j’y avais été scolarisé. J’entendais parfois certains responsables de gauche, la plupart du temps germanopratins, me parler de choses qu’ils n’avaient que peu rencontrées. Je me souvenais alors de mon père, instituteur de la "laïque", qui accueillait le samedi, à la maison, certains élèves en difficulté, avec au coeur la passion de transmettre et de donner à chacun sa chance. Certes, il avait de l’autorité et les parents soutenaient ses efforts, ses réprimandes aussi, lorsqu’il s’agissait de rappeler des principes qui, pour certains d’entre eux, étaient la clef du vivre ensemble. Je me souvenais surtout des enseignants expliquant, avec l’approbation des parents, que, aux portes du collège, on déposait toutes ses croyances et tous ses signes religieux, car l’école était le lieu des apprentissages. Elle était la fabrique de citoyens libres. Certains à gauche, à ce moment-

Médiocrité et hypocrisie de la samba de l’Union pratiquée par cette gauche traditionnelle (Jean-Luc Mélenchon)

2) Cazeneuve juge que Mélenchon "doit être combattu", LFI dénonce "la vieille gauche poussiéreuse"

Paris Match | Publié le 06/05/2021 à 13h51

Le numéro deux de LFI, Adrien Quatennens, a critiqué jeudi "la vieille gauche poussiéreuse qui ressort de son placard pour taper sur Jean-Luc Mélenchon" après des propos de Bernard Cazeneuve pour lequel le leader de LFI "doit être combattu".

L’ex-Premier ministre socialiste Bernard Cazeneuve considère que le leader de LFI "doit être combattu". "Jean-Luc Mélenchon doit être combattu. Je ne suis pas de ceux qui considèrent que l’union de la gauche doit se faire dans l’ambiguïté", déclare Bernard Cazeneuve dans un entretien à "L’Express" en ligne mercredi.

Alors que la gauche tente difficilement de se rassembler dans la perspective de 2022, Bernard Cazeneuve estime que "la gauche humaniste, républicaine, universaliste ne peut pas gouverner avec la gauche de la radicalité et de la complaisance à l’égard de certaines formes de violence".

Une gauche qui "pense qu’il vaut mieux s’indigner, dénoncer, tout contester plutôt que de prendre le risque d’affronter les événements"

Il oppose ainsi "la gauche de gouvernement", qui "considère que c’est son honneur et sa grandeur d’accepter, quand tout est difficile, de prendre ses responsabilités", à "une autre gauche, plus contestataire", "toujours plus habile à préparer le prochain congrès qu’à construire un projet pour notre pays", qui "pense qu’il vaut mieux s’indigner, dénoncer, tout contester plutôt que de prendre le risque d’affronter les événements (...), cultiver la pureté des utopies, revendiquer toujours l’authenticité plutôt que de se compromettre en gouvernant". Cazeneuve n’envisage pas une candidature à la présidentielle

Pour l’ancien Premier ministre, qui précise qu’il n’entend pas se présenter à l’élection présidentielle, "la gauche d’action est souvent victime du jugement de la gauche de contestation" et "la gauche toute entière peut finir par se perdre" à "ce jeu dangereux".

Invité à réagir sur Sud Radio, Adrien Quatennens a assuré que LFI n’avait "aucune autre prétention que celle de gouverner ce pays, avec une politique à la fois de gouvernement et de rupture". Il a critiqué "la vieille gauche poussiéreuse qui ressort de son placard pour taper sur Jean-Luc Mélenchon", taxant la gauche "de Bernard Cazeneuve, François Hollande", de "gauche d’accompagnement, qui s’accommode de l’économie de marché, du capitalisme, essaie à la marge de changer de place la vaisselle et le rangement dans les placards". Face à elle, il y a "la gauche de rupture", dans laquelle "il ne reste quasiment plus que nous" et qui est "incarnée essentiellement aujourd’hui par Jean-Luc Mélenchon", candidat déjà déclaré pour la présidentielle de 2022, a-t-il fait valoir.


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