Histoire. De quoi Napoléon est-il le nom  ?

mardi 25 mai 2021.
 

Mercredi 5 Mai 2021 Pierre Chaillan

Homme politique et chef militaire républicain natif de Corse, le consul Bonaparte, puis l’empereur Napoléon suscite des avis contradictoires. À la veille des commémorations du bicentenaire de sa mort, Jacques-Olivier Boudon, président de l’institut Napoléon, l’autrice Pascale Fautrier et l’historien Marcel Dorigny reviennent sur cette figure qui divise l’opinion. Deux hommes et un slogan politique

Jacques-Olivier Boudon. © Hannah Assouline

Par Jacques-Olivier Boudon Professeur à Sorbonne Université, président de l’institut Napoléon et auteur

Depuis trente ans que j’enseigne l’histoire de l’époque napoléonienne, j’ai dû à plusieurs reprises répondre à la question  : «  Pourquoi dit-on parfois Bonaparte et d’autres fois Napoléon  ?  » Avant de répondre, je repense souvent au diptyque de Pierre Larousse, consacrant deux notices à Napoléon Bonaparte dans le Grand Larousse  ; la première, parue en 1868, est la plus connue, surtout par son accroche  : «  Général de la République française, né à Ajaccio le 15 août 1769, mort au château de Saint-Cloud, le 18 Brumaire an VIII de la République  ». Le républicain Pierre Larousse distingue ainsi deux hommes  : Bonaparte et Napoléon, auquel il consacre une notice beaucoup plus critique en 1873.

Larousse avait bien compris que Napoléon Bonaparte voulait se faire un nom, quitte à en changer. Il est d’abord Napoleone Buonaparte, ce jeune Corse admis au collège de Brienne, que tout ramène vers son île natale. Puis, après le départ forcé d’Ajaccio, en juin 1793, alors que son destin semble se jouer sur le continent, il francise son nom en un Bonaparte qu’il impose au monde dès la campagne d’Italie, plus encore lors de celle d’Égypte et surtout après sa prise de pouvoir, au lendemain du coup d’État du 18 Brumaire. «  C’était la première fois depuis la Révolution que j’entendais un nom propre dans toutes les bouches  », écrira Germaine de Staël.

De fait, la Constitution de l’an VIII désigne nommément Bonaparte et c’est sur son nom qu’est organisé le plébiscite qui la sanctionne. Peintres et sculpteurs donnent un visage à ce nom, tandis que les graveurs de la monnaie de Paris profitent de la création du franc germinal en 1803 pour imposer son portrait sur les pièces nouvellement frappées. Des médailles valorisent ses actions et on peut suivre, à travers elles, aussi bien les victoires remportées que les lois réformatrices votées.

L’opposition est muselée par une série de lois liberticides et ne peut guère espérer le renverser qu’en ayant recours au coup d’État ou à l’assassinat, mais elle a intégré le nom du Premier Consul. L’un des fameux libelles diffusés dans l’armée en 1802 s’en prend avec virulence à «  Bonaparte  », «  embryon bâtardé de la Corse  ». Napoléon a réussi à imposer son nom même à ses adversaires.

Mais le jeune consul à vie veut davantage de pouvoir. Il veut pérenniser son œuvre et pouvoir la transmettre à un membre de sa famille. Mais à la royauté, Bonaparte préfère l’empire, soucieux de s’inscrire à travers lui dans les pas des empereurs romains ou de ceux de Charlemagne. Son prénom apparaît, dans la Constitution de l’an XII, accolé à son nom. Le nom finit par disparaître. C’est désormais Napoléon qu’on acclame et qu’on fête le 15 août, à partir de 1806, dans le cadre d’un culte impérial qui s’amplifie au fur et à mesure que grandit la soif de conquêtes de l’empereur.

Son nom s’affiche partout. Il baptise des villes, noms de rues ou de places, des loges maçonniques, des chapelles, voire quelques nouveau-nés. Surtout, il s’impose à l’Europe, quand l’Empereur tente de diffuser le Code Napoléon à travers le continent.

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