Après les généraux, voici la lettre des colonels séditieux, et c’est pire !

mardi 4 mai 2021.
 

Les factieux sont de sortie ! Menaçant la République à grands coups de complotisme et d’antisémitisme. Mais ont-ils réellement les moyens de mettre en application les menaces qu’ils font peser sur la République ?

La grande muette continue de s’exprimer ! Après s’être inquiétés du « délitement de la France », cause de « l’antiracisme » et des « hordes de banlieue » et avoir appelé ceux (et pas celles, notez bien) qui dirigent notre pays à « impérativement trouver le courage nécessaire à l’éradication de ces dangers », voilà qu’un contre-amiral et une poignée de colonels (toujours deuxième section) remettent le couvert dans une réponse publiée sur le site www.profession-gendarme.com.

Non contents d’affirmer partager le constat de la lettre adressée à Emmanuel Macron, les signataires de cette nouvelle lettre vont plus loin, « à la racine du mal proprement dite », et ciblent la classe politique : « N’est-il pas illusoire de demander à ceux qui instillent le poison de façon probablement consciente et sans doute en toute sincérité de bien vouloir changer de seringue pour instiller le contre-poison ? », interrogent-ils. Plus précisément, ils accusent « la haute finance qui détient les cordons de la bourse et la maîtrise des grands médias et qui décide donc de qui sera ou non élu, servie en cela par toutes sortes de relais que sont parmi d’autre Bildeberg, Davos, le CRIF et les fratries. » Complotisme et antisémitisme sont souvent les deux faces du même obscurantisme guerrier.

Le seul qui trouve grâce à leurs yeux, c’est Jean-Pierre Chevènement. Car tout y passe : la Communauté européenne, « composée de plus de 25.000 fonctionnaires qui n’ont été élus par personne », le « mondialisme montant qu’il convient de faire disparaître », le « libéralisme effréné qui est inscrit dans le marbre des traités européens », « l’emploi du globish par les médias et la publicité envahissante » ou encore « notre servile alignement sur la doctrine militaire anglo-saxonne que concrétisent notre appartenance à l’OTAN et notre souveraineté perdue. » Et la solution, ils l’ont dans les mains : ce serait d’accompagner les gilets jaunes qui auraient trouvé « la voie » en appliquant un « traitement de confort ».

Premiers à s’insurger contre cette tribune séditieuse et sa récupération par Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et les parlementaires de la France insoumise ont annoncé hier avoir demandé au procureur de Paris de poursuivre les auteurs de la première tribune parue dans Valeurs actuelles. Dans la foulée, la ministre des Armées Florence Parly a annoncé quant à elle vouloir des sanctions. Il va donc maintenant falloir intégrer les nouveaux signataires dans la liste de ceux qui sont sortis de leur réserve. Peut-être de la part du chef des armées, c’est-à-dire le président de la République Emmanuel Macron ?

Ces différentes prises de position posent la question de l’armée : qui sait réellement ce qui s’y joue ? Ont-ils réellement les moyens de mettre en application les menaces qu’ils font peser sur la République ? Ce sont théoriquement les principes de neutralité et de loyauté vis-à-vis du pouvoir qui doivent guider l’action des militaires. Mais on sait les ravages dramatiques des actions séditieuses d’un « quarteron de généraux en retraite » en avril 1961…

Quels outils reste-t-il à nos institutions pour se prémunir contre ses militaires séditieux ? Car ce n’est pas une nouveauté ! Déjà la Troisième République, au moment de la liquidation de l’affaire Dreyfus, savait y être confrontée et son ministre de la Guerre, Louis André, avait mis au point, entre 1900 et 1904, un système de fichage politique et religieux des membres de l’armée pour tenter de se prémunir contre toute montée en puissance de sentiments antirépublicains. Aujourd’hui, comme l’a parfaitement démontré Mediapart dans son article sur les filières néonazies dans l’armée, on sait la difficulté que rencontrent les renseignements de l’armée pour surveiller ses propres troupes…

On sait aussi, grâce à une étude des bureaux de vote dont les casernes dépendent que l’Ifop a publiée en juillet 2019, qu’aujourd’hui les militaires sont massivement favorables au Rassemblement national. Pour eux, ce n’est pas le parti présidentiel qui représente le parti de l’ordre. Il est donc assez naturel que Marine Le Pen, candidate à la présidentielle de 2022, se place dans leur sillon et réponde positivement à leur appel. Mais jusqu’où cette ligne peut-elle tenir ? La ligne de crête sur laquelle elle s’est engagée est périlleuse : vouloir incarner l’ordre tout en appelant à la guerre civile et à la sédition pourrait rapidement apparaître comme un paradoxe.

Pablo Pillaud-Vivien


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