Vaccination anti-covid... Selon que vous serez puissant ou misérable...

mardi 27 avril 2021.
 

L’accès à la vaccination n’est pas un droit universel. Pas si l’on observe de près les inégalités de traitement criantes qui sont à l’oeuvre. Selon que vous serez puissant ou misérable...

« Le risque de surmortalité à cause du Covid est 60% plus élevé dans les communes à faibles revenus que dans les plus riches », lit-on sur franceinfo. On ne le répètera jamais assez : la crise du Covid, dans son caractère total n’est pas simplement une crise sanitaire, le Covid agit comme un accélérateur à inégalités. Nos failles, nos errements sociaux y sont exacerbés.

Pas étonnant alors de constater que, pour ce qui a trait à la vaccination, il en soit de même. Il suffit de regarder une carte de France pour en observer l’amère réalité : les départements les plus pauvres sont les moins vaccinés.

Comparons. D’un côté, les données du rapport sur la pauvreté publié le 26 novembre 2020 par l’Observatoire des inégalités, de l’autre, les chiffres de Santé Publique France en date du 7 de ce mois d’avril.

Le grand écart est le même :

la Vendée compte 5% de personnes vivant sous le seuil de pauvreté (soit moins de 885 euros par mois pour une personne seule – la moitié du niveau de vie médian) ; la Seine-Saint-Denis pointe à 17,5%. dans le même temps, 12,3% de la population vendéenne a déjà reçu au moins une dose de vaccin alors qu’ils sont 9,6% en Seine-Saint-Denis.

Dans les DOM-TOM, la situation est pire : Guadeloupe 2,9% ; Mayotte 3,7%, Guyane 3,8% ; La Réunion 4,8% ; Martinique 5,5%.

Pourquoi ? Officiellement, c’est l’argument de l’âge qui est avancé : les départements les plus pauvres du territoire français sont aussi les plus jeunes et, il ne vous aura pas échappé, la stratégie vaccinale consiste à vacciner en priorité les plus vieux d’entre nous. Quid alors de la Guadeloupe et de la Martinique qui ont des populations légèrement plus âgées que la moyenne nationale ? Silence radio des autorités compétentes.

Dans un article de Libération, d’autres pistes de justifications sont suggérées : « Les retards de livraisons au début de la campagne, les problèmes logistiques liés à ces territoires, l’accès difficile aux centres ou encore la défiance locale vis-à-vis la vaccination. » Tout est bon pour justifier des décennies d’abandon de l’État.

De la même façon, le site maire-info.com déplore un « maillage toujours plus inégal » des centres de vaccination : « Ces inégalités restent difficiles à expliquer, car elles ne semblent directement corrélées ni à la population du département (la Lozère et ses 75.700 habitants ont plus de centres de vaccination que le Loiret qui en compte presque 680.000) ; ni, directement, au taux d’incidence. Certes, des départements dont le taux d’incidence est très élevé, comme les Alpes-Maritimes (441) ont un grand nombre de centres (31). Mais le Finistère, qui a un taux d’incidence parmi les plus bas du pays (70) compte 17 centres quand la Meuse (TI de 268) n’en bénéficie que de 3. » Il en va de même concernant la répartition des doses de vaccins qui, « là encore, n’est pas alignée sur la prévalence du virus dans les régions : la Nouvelle-Aquitaine, avec presque 360.000 doses reçues, est beaucoup mieux fournie que le Grand Est (environ 280.000 doses). Mais les calculs, rappelle le gouvernement, tiennent aussi compte de la proportion de personnes âgées de plus de 75 ans sur le territoire. En valeur absolue, la région la mieux fournie est l’Île-de-France (416.000 doses reçues environ). Les collectivités ultra-marines semblent, en valeur absolue toujours, les parents pauvres de la répartition : La Réunion a reçu quelque 18.000 doses, la Martinique 12.000, la Guadeloupe 16.000. Et la Guyane, 4095. Ramenés à la population de ces régions, de fortes disparités apparaissent : la Guyane a touché une dose pour 71 habitants, quand la Normandie en a une pour 18 habitants, le Grand Est une pour 20 et l’Île-de-France une pour 29. »

« Ces inégalités face au vaccin sont très liées aux inégalités d’accès à la santé préexistantes à la crise du Covid », avance Sandra Lhote-Fernandes, responsable du plaidoyer Santé à Oxfam France. Elle redoute surtout le « monde d’après » : « Une fois qu’on va sortir de ces mesures tampons qu’ont été le chômage partiel, etc., il va y avoir une hécatombe sociale. Avec la crise du Covid, c’est la première fois que les inégalités se sont aggravées partout, dans tous les pays, de façon simultanée. »

Mais la problématique va bien au-delà d’une simple question d’inégalités territoriales. Les riches, les puissants, les sachants... plus enclins à se faire vacciner

Fin novembre dernier, le JDD publiait un sondage Ifop dans lequel 59% des sondés déclaraient ne pas avoir l’intention de se « faire vacciner lorsque cela deviendra possible ». Les plus réticents étant les moins de 35 ans (seulement 29% sont disposés à se faire vacciner) et les classes populaires (28%).

Une tendance que l’on retrouve dans le milieu hospitalier, littéralement coupé en deux entre les médecins et les infirmiers. Ainsi, à l’AP-HP, les médecins sont plus enclins à se faire vacciner que les infirmières : « 36% du personnel médical a reçu au moins une dose de vaccin contre seulement 17 à 18% des autres catégories, essentiellement les infirmières et les aides-soignants. [...] Début décembre, [...] quand huit médecins généralistes et pharmaciens sur dix disaient avoir l’intention de se faire vacciner, cette proportion tombait à 55% chez les infirmiers interrogés », lit-on sur le site de LCI.

C’est qu’il existe aussi une réelle hiérarchie dans l’administration du vaccin. Ainsi apprend-on sur France Inter : « Dans certains centres de vaccination et dans des établissements de soins, des médecins reçoivent des injections de vaccin Pfizer alors que des infirmières ou des kinésithérapeutes se retrouvent d’office avec des doses d’AstraZeneca. » Une lutte des classes mondiale

Les inégalités sont d’autant plus criantes que l’on agrandit l’échelle d’analyse. Ainsi Sandra Lhote-Fernandes parle d’« apartheid vaccinal où une dizaine de pays riches représentent 80% des doses administrés ». A contrario, l’Afrique ne pèse même pas 2% des doses administrées...

Une situation organisée, orchestrée par les pays les plus riches. Quand Joe Biden ou Emmanuel Macron s’engagent à vacciner quasiment l’entièreté de leur population d’ici la fin 2021, cela ne peut se faire qu’au détriment des autres pays. « La Covax a l’objectif de vacciner 20 à 30% de la population mondiale d’ici la fin de l’année », précise Sandra Lhote-Fernandes. Or, cet objectif est bien trop limité car si toute la planète n’est pas vaccinée cette année, les variants vont continuer à se multiplier et la vaccination « occidentale » n’aura servi à rien. « Au-delà de la faute morale, c’est un non-sens sanitaire et économique. »

Heureusement, Emmanuel Macron a appelé à faire du vaccin un « bien public mondial »… sans rien faire pour que les brevets de propriété intellectuelle des laboratoires soient levés. Et la France se fait championne du double discours : « Emmanuel Macron a été à l’initiative de la création du mécanisme de solidarité international permettant l’accès au vaccin dans les pays les plus pauvres – la Covax –, et fait aujourd’hui partie des plus mauvais payeurs : la France donne 15% de ce qu’on attend d’elle, quand l’Allemagne en donne 130% [1] et que les États-Unis mettent quatre milliards sur la table ! Emmanuel Macron n’est qu’un beau parleur. »

Selon les études d’Oxfam, le Covid va faire basculer 500 millions de personnes dans la pauvreté. Et, en même temps, les PDG de Moderna ou de Pfizer se sont extrêmement enrichis, c’est d’ailleurs toute l’industrie pharmaceutique qui se porte extrêmement bien – à la grande joie des actionnaires. Comme le disait si bien le député LREM Bruno Bonnell : « Le Covid, c’est ce qui est arrivé de mieux au Président. » Au prix de trois millions de morts, dont 100.000 en France.

Loïc Le Clerc

Notes

[1] Le déficit de financement d’ACT-A (mécanisme international de réponse à la Covid, dont Covax est le pilier vaccin) s’élève depuis le 9 avril 2021 à 22,1 milliards de dollars, en dépit des 11,1 milliards déjà levés. Sans cette somme, le dispositif n’atteindra pas ses objectifs pour 2021. À ce jour, la France ne s’est engagée qu’à hauteur de 186 millions de dollars, contre 1,22 milliard attendu compte tenu de sa richesse nationale (PIB), soit 15%. À titre de comparaison, l’Allemagne mobilise 2,6 milliards de dollars en faveur de ce dispositif, soit 131% de l’engagement attendu.


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