MACRON : Le déni élevé au rang de politique

mardi 13 avril 2021.
 

De la contre-réforme des retraites à la gestion de la pandémie en passant par les violences policières, il n’est pas un dossier dans lequel Macron et ses affidés se voient contraints, non pas de malmener les faits comme un vulgaire gouvernement de droite, mais de nier purement et simplement la réalité.

Dans les années 1980-1990, au plus fort de la vague néolibérale, dans la plupart des médias – alors en voie accélérée d’acquisition par quelques milliardaires –, les « charges » remplaçaient les cotisations sociales, la résistance des salariés contre les attaques devenaient du « conservatisme », voire de l’archaïsme et les fonctionnaires se muaient en « privilégiés »... Les tenants du néolibéralisme menaient sans faiblir la bataille des mots.

Ceci n’est pas une politique de droite

Il semble que Macron et ses ministres aient franchi un nouveau palier dans la distorsion de la réalité par les mots. En effet, il ne s’agit plus tant pour eux de camoufler la réalité crue derrière un épais brouillard idéologique, que la nier purement et simplement. On a pu rappeler en ces jours « anniversaires » du premier confinement que le président, tout en l’annonçant à une nation médusée, s’est ingénié à ne pas prononcer ce terme tout au long de sa célèbre allocution qui a tout de même duré plus de vingt minutes. Quelques temps plus tard, les masques, inutiles quand ils étaient rares, sont devenus, à l’instant même où ils inondèrent le pays, l’outil de protection indispensable de tout citoyen responsable.

Il en va de même dans le dossier des violences policières. Tout au long de la séquence Gilets jaunes, Castaner leur déniait toute espèce de réalité, alors que ces dernières étaient rigoureusement documentées par des militants et des journalistes tels que David Dufresne. En octobre 2019, il déclarait sur France 2 : « Les violences ne sont pas le fait des policiers ou des gendarmes ». Et le ministre de l’Intérieur d’ajouter : « Il y a ceux qui sont légitimes à défendre la République, à utiliser la force, et ceux qui ne le sont pas ». Bref, s’il faut bien admettre une violence des policiers, il n’y a pas de « violences policières » ! Misère de la philosophie macronienne… Que l’affaire Michel Zecler ait forcé Macron et Darmanin de mettre de l’eau dans leur vin ne change pas grand-chose sur le fond.

On pourrait multiplier les exemples de ministres pris en flagrant délit de déni de réalité. Mais il suffit de se souvenir de l’aplomb avec lequel Jean-Michel Blanquer a pu affirmer, au lendemain de la Toussaint, que, si la courbe des contaminations diminuait, c’était bien la preuve que l’école protégeait du virus ! Comme si l’attitude responsable des familles pendant les vacances scolaires et la mise en place du couvre-feu en octobre n’étaient pour rien dans cette accalmie aussi brève que momentanée... Frédéric Lordon a raison : le macronisme est bel et bien un « gorafisme ».

Les raisons du déni

L’explication essentielle de cette fuite en avant, c’est la base sociale pour le moins étriquée sur laquelle reposent Macron, son équipe et son fameux « projet ». L’unanimisme apparent derrière le pseudo-Jupiter n’a pas fait long feu : la gauche tentée par les sirènes du centrisme est revenue dans l’opposition et la droite « traditionnelle » a compris que LaREM, aspirant ni plus ni moins à son remplacement, était son pire ennemi. Le moment Gilets jaunes a manifesté aux yeux de toutes celles et tous ceux qui voulaient voir que le roi était nu. C’est à partir de là que le déni de réalité a véritablement battu son plein. Il n’y avait pas de violences policières. Pas d’autre politique possible. Pas d’urgence sociale. Pas d’autre voie vers la transition écologique.

La droite traditionnelle, en cas de difficultés, peut toujours s’appuyer sur ses clientèles électorales et sur les fondamentaux qui les rassemblent : ordre, famille, sécurité, peur de l’immigration, angoisse du déclin… Tout est bon pour faire diversion par rapport aux questions socio-économiques et pour rassembler son camp. De même, la gauche libérale, même – et peut-être surtout – quand elle va dans le mur, s’ingénie à mobiliser son électorat dans l’espoir de limiter la casse. Hollande n’avait-il pas joué, avec la maladresse qu’on lui connaît, la carte du « social » quand il avait annoncé fièrement, en 2014, la modulation des allocations familiales en fonction des revenus ?

Rien de tel n’est possible pour Macron qui incarne en quelque sorte la politique chimiquement pure du capital, contrairement à la droite classique qui est bien forcée de la diluer dans les confuses aspirations de sa base sociale et électorale. Macron a beau chasser sur les terres saumâtres de LR et du RN avec ses lois sur le « séparatisme » et la « sécurité globale », il n’est pas assuré qu’il parviendra en 2022 a rééditer son OPA de mai 2019 sur l’électorat conservateur. Quant au « macronisme de gauche », cela fait longtemps que plus personne ne croit à cette chimère ! Les municipales de l’an dernier et les intentions de vote pour les régionales de juin ne prouvent-elles pas, à droite comme à gauche, une forme de retour au bercail ? Macron est structurellement minoritaire. L’échec de sa politique ne peut dès lors que le pousser dans une double fuite en avant : celle dans la répression violente de la contestation et celle, non moins violente, dans le déni de réalité, élevé au rang de politique.

Jean-François Claudon


Signatures: 0
Répondre à cet article

Forum

Date Nom Message