"Nos capacités hospitalières ont été savamment démantelées ces quinze dernières années"

samedi 27 mars 2021.
 

La politique du confinement – des confinements – re confinement –… du gouvernement a été vivement critiquée par les représentants de La France Insoumise dont évidemment Jean-Luc Mélenchon.

Mais il faut rappeler qu’il existe au sein du monde médical et des sciences humaines un certain nombre de voix, et non des moindres sur le plan de la notoriété scientifique, pour remettre en cause cette politique dont l’efficacité ne semble pas avérée.

Rappelons l’existence d’une tribune parue dans Mediapart signée par 300 médecins et scientifiques dénonçant cette politique spéculant sur la peur. https://france3-regions.francetvinf...

Louis Fouché, médecin anesthésiste-réanimateur à l’Hôpital de la Conception à Marseille (AP-HM) coordinateur du collectif RéinfoCOVID regroupant plusieurs centaines de médecins critique, entre autres, cette politique du confinement.

Il nous a semblé suite à notre précédent article concernant la guerre des néolibéraux menée contre l’hôpital public, de reproduire ici une interview en continuité avec celui-ci, d’un médecin qu’il serait difficile de soupçonner de « gauchisme anti macronien » puisqu’il écrit sur le site bien connu d’informations médicales « Doctissimo » dont nous rappelons ici l’adresse : https://www.doctissimo.fr/

la source du texte n’est pas « L’Insoumission », le journal du NPA mais Le Figaro.

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Dr Kierzek : « la médecine ne remplit pas son rôle actuellement »

Source : FIGAROVOX/ENTRETIEN mis en ligne le 20/03/2021

https://www.lefigaro.fr/vox/societe...

Le gouvernement a annoncé jeudi un nouveau confinement dans 16 départements français. Selon le médecin urgentiste Gérald Kierzek, d’autres mesures auraient dû être prises en amont, alors que cette solution du confinement, n’aura que des effets délétères sur la population.

Par Victor Rouart intervieweur

L’interviewé : « Le confinement n’a jamais vidé les services de réanimation ». Gérald Kierzek est médecin urgentiste et chroniqueur santé, Directeur médical de Doctissimo, et auteur notamment de Coronavirus, comment se protéger ? (Éditions de l’Archipel, mars 2020).

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FIGAROVOX.-Le premier ministre a annoncé de nouvelles mesures de restriction hier. Qu’en pensez-vous ?

Gérald KIERZEK .-Comment appelle-t-on ces mesures ? Confinement ? Confinement light ? La vraie différence réside dans la énième fermeture des commerçants non essentiels, bien que le mot ne soit pas prononcé. Or, je suis loin d’être sûr que les commerces de proximité soient des clusters et des lieux de contamination ! Je suis donc perplexe sur l’efficacité sanitaire de ces mesures. Je pense que le diagnostic est bon, il y a une saturation des services de réanimation, mais le traitement ne l’est pas.

Quand il y a un problème de saturation des services de réanimation, il faut créer ou libérer des lits. Le confinement n’a jamais vidé les services de réanimation. Ce n’est pas comme si l’épidémie flambait. Les indicateurs sont stables, que ce soit en médecine générale par le réseau Sentinelles ou encore SOS médecins. La mortalité est même plutôt en baisse.

On n’a pas d’indicateurs épidémiologiques qui montrent une flambée de l’épidémie avec peut-être même une stabilisation des entrées en réanimation. Au moment des annonces, selon le bulletin de l’Agence Régionale de Santé, il y avait 217 lits de réanimation libres sur la région avec donc une marge de manœuvre. Et même si la situation venait à se dégrader avec une sursaturation, on pourrait monter en termes de lits.

À l’Hôtel-Dieu de Paris, il est possible de réarmer aussi 100 lits pour des patients nécessitant une oxygénothérapie, et ainsi leur éviter la réanimation.

Au moment des deux « vagues », les capacités avaient d’ailleurs été augmentées au-delà des 5000 lits actuels et pérennes sur le territoire. Où en est-on des 12.000 lits possibles annoncés ? La déprogrammation n’est par ailleurs pas effective dans les hôpitaux et les cliniques même si l’ordre ferme de l’agence régionale de santé de déprogrammer 40% des interventions a été donné, il n’est pas respecté et heureusement ! D’abord parce que ce n’est pas nécessaire en termes de besoins et ensuite parce que ces déprogrammations génèrent des conséquences dramatiques pour les patients qui doivent être opérés et sont reportés et annulés. La déprogrammation serait donc un palier supplémentaire restant mobilisable.

Autre palier : rouvrir des lits de réanimation ! À l’hôpital Jean Verdier de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, par exemple, en île-de-France, 50 lits supplémentaires sont prêts à être lancés quasi immédiatement car fermés récemment. À l’Hôtel-Dieu de Paris, il est possible de réarmer aussi 100 lits pour des patients nécessitant une oxygénothérapie, et ainsi leur éviter la réanimation ou en accueillir d’autres en post-réanimation. Le personnel est prêt et la réserve sanitaire voire l’armée pourraient si besoin venir en renfort.

Et en ultime recours, pourquoi ne pas imaginer deux hôpitaux de campagne si vraiment la situation débordait. Nous disposions donc d’options supplémentaires qui n’ont manifestement pas été retenues.

Les deux grandes réponses auraient été l’augmentation de la capacité hospitalière et de délivrer des autotests un peu partout. *

Les écoles restent ouvertes et des commerces ferment. Est-ce vraiment efficace contre la propagation du virus ?

Il y aura plus d’effets secondaires créés par le confinement. Les écoles restent ouvertes pour éviter que les parents ne puissent plus gérer leur vie professionnelle et personnelle. La souffrance psychologique est déjà terrible. Quatre jours sur cinq de télétravail, ça revient à « boulot, boulot, dodo ». Si en plus il faut s’occuper des enfants, la situation devient vite ingérable, y compris pour l’éducation des enfants.

Je ne peux que regretter que les solutions pragmatiques comme l’augmentation des capacités en lits et personnels n’aient pas été réglées ou encore la prévention des clusters. Pour éviter ce « stop and go » que nous vivons avec les confinements-déconfinements, il est urgent d’aller chercher le virus dans les lieux de contamination avec un objectif de zéro cluster. Les écoles, facultés etc sont des foyers de contamination tout comme les hôpitaux et les entreprises. Sans une politique massive de tests rapides, salivaires par exemple, la stratégie « tester isoler tracer » est vouée à l’échec en courant après le virus avec plusieurs trains de retard dans l’isolement et le contact-tracing.

Les deux grandes réponses proactives auraient donc été l’augmentation de la capacité hospitalière et le déploiement d’autotests partout : pharmacies, grandes surfaces, écoles…

Je préfère que des jeunes fassent la fête, à condition qu’ils soient testés en autotest salivaire. Il est préférable de les responsabiliser plutôt que de les culpabiliser. Ils paient actuellement un lourd tribut. Ils vivent de souffrances psychologiques terribles et une détresse économique très inquiétante.

L’exécutif a encore suivi le comité scientifique. Selon vous, celui-ci est-il encore crédible ?

Je pense que la médecine, d’une manière générale ne remplit pas son rôle actuellement. La médecine fait peur alors qu’elle se doit d’apaiser. Je rappelle deux chiffres. Le taux de mortalité est de moins de 0,2% et la moyenne d’âge des décès de 85ans. Nous cédons à une psychose face à des taux d’incidence qui ne reflète pas un nombre de malades et des modèles mathématiques qui nient le système immunitaire humain. Et la médecine a fait céder le politique avec cette psychose, au lieu d’apporter des réponses factuelles et pragmatiques. Au lieu de cela, une panique a gagné la société et des solutions « moyenâgeuses » et probablement peu efficaces comme le confinement sont adoptées.

Il y aura aussi des conséquences sociales et économiques pour lesquelles la médecine sera responsable.

Le premier ministre a dit que même avec 100000 lits de réanimation, il faudrait prendre des mesures de confinement…Sommes-nous encore dans le médical ?

Je ne comprends pas ce qu’a voulu dire le Premier Ministre. D’un côté, les mesures que le gouvernement propose le sont en raison d’un manque de lits de réanimation et de l’autre, le premier ministre nous dit que si on avait une augmentation drastique de ces lits, cela ne résoudrait pas la crise !

Évidemment 100.000 lits sont inenvisageables et même ridicules. Mais nos capacités hospitalières ont été savamment démantelées ces quinze dernières années, sacrifiées sur l’autel de la tarification à l’activité et du virage ambulatoire : hôpitaux de proximité, services d’urgences, lits conventionnels et services de réanimation ont fondu. Nous en payons aujourd’hui le prix avec la crise du coronavirus qui est avant tout une crise structurelle de manque de lits d’hospitalisation et de concentration sur les CHU.

À ce rythme, que peut-on espérer d’ici 4 semaines ?

Il est probable que nous soyons proches du pic avec une évolution quasi naturelle de l’épidémie hivernale. Des études commencent à montrer que le confinement n’est pas une solution ; l’Organisation Mondiale de la Santé ne la recommande qu’en ultime recours. S’il y avait une flambée de l’épidémie hors de contrôle, cette solution serait discutable bien que contestable.

En PACA et dans le Nord à Dunkerque, l’évolution du taux d’incidence du virus est décorrélé des mesures prises. En revanche les risques sont réels générés par l’état d’anxiété voire de peur. Les patients ne viennent plus à l’hôpital car ils ont peur et il y a donc des retards voire des absences de soins. Les déprogrammations ont aussi des conséquences dramatiques, avec des patients qui souffrent de lourdes pathologies.

Nous ne sommes pas ici sur des projections mathématiques fantaisistes ou probabilistes mais bien dans le réel. Il y a une usure forte constatée chez les patients avec effets psychologiques désastreux à force d’entendre tout et son contraire. Et c’est sans compter sur les conséquences sociales et économiques qui aggraveront la situation.

L’usure est aussi du côté des soignants dont beaucoup sont partis ou ne se mobilisent plus comme en mars 2020, lassés des ordres et contrordres et de ne pas être entendus. Le semi-confinement n’apporte aucune réponse au problème de fond de la crise structurelle. Une certaine médecine, actuellement, a une grande part de responsabilité dans le climat anxiogène qui règne et dans les mauvaises décisions qui sont prises.

Heureusement, les professionnels de terrain (médecins généralistes ou réanimateurs, aide-soignants, infirmiers,…) soignent les patients du coronavirus qui guérissent dans leur immense majorité ; les beaux jours reviennent et le front de l’épidémie devrait se calmer, aidé en cela par la vaccination pour les populations les plus à risque, priorité numéro une désormais.

Mais sans vision et réforme profonde sur le système de santé (maillage territorial, anticipation du vieillissement de la population, gouvernance…), notre vulnérabilité est désormais immense avec un système de santé qui n’est définitivement plus le meilleur du monde !


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