Catalogne : les indépendantistes renforcent leur majorité en sièges

vendredi 19 février 2021.
 

Par Ludovic Lamant

Malgré la majorité absolue en sièges pour le bloc indépendantiste, le chef du gouvernement espagnol, le socialiste Pedro Sánchez, a au moins une raison de se réjouir, à l’issue des élections catalanes du 14 février : la victoire à l’arraché de son candidat et ancien ministre de la santé Salvador Illa, envoyé dans la bataille catalane in extremis, fin janvier. Le Parti socialiste catalan décroche 33 sièges sur 135 (contre 17 en 2017), et environ 47 000 voix de plus que la Gauche républicaine (ERC, indépendantiste, 33 sièges également).

« Le changement s’est installé en Catalogne, et pour longtemps », s’est félicité Illa, persuadé que « le sens de cette victoire est très clair : tourner la page », après des années de gestion sous tension des indépendantistes. L’ancien ministre a déjà annoncé qu’il se présenterait à l’investiture. Mais l’entreprise s’annonce délicate, tant les contours de sa future majorité (il faut atteindre au moins 68 sièges) sont encore bien flous. La déclinaison catalane d’Unidas Podemos, elle, n’a récolté que 8 sièges.

Deux autres partis sont au coude à coude avec les socialistes : la gauche indépendantiste d’ERC, donc (33 sièges), mais aussi Junts (32 sièges), la formation de Carles Puigdemont, emmenée par Laura Borràs. En 2017, le bloc indépendantiste dépassait légèrement les deux millions de voix, contre un peu plus de 1,4 million cette année. Mais ce repli s’explique surtout par un effondrement global de la participation, en ces temps de crise sanitaire : celle-ci a chuté de 25 points, à 53,5 % (contre 79 % en 2017). En intégrant les neuf sièges des anticapitalistes de la CUP, le bloc « indepe » réunit 74 sièges, et renforce donc son influence dans l’hémicycle (il comptait 70 députés en 2017).

« ERC va retrouver la présidence de la Generalitat, 80 ans après [celle de Lluís Companys, de 1933 à 1940 – ndlr] », a réagi Oriol Junqueras. Le leader d’ERC, en prison depuis 2017, était parvenu à participer à des meetings de campagne, grâce à son régime de liberté conditionnelle. L’ERC a adopté ces dernières années des positions plus pragmatiques que Junts, Junqueras se disant convaincu que l’indépendantisme doit encore élargir sa base électorale, avant d’aller plus loin vers l’indépendance, quand Puigdemont prône plus ouvertement la désobéissance face à Madrid. De ce point de vue, la victoire d’ERC devant Junts constitue sans doute un autre motif de satisfaction pour Sánchez.

Trois options sont désormais sur la table, pour la formation de l’exécutif, où l’ERC se trouve à chaque fois dans une position de pivot. Première option, qui reste la plus probable : un exécutif indépendantiste, comme en 2015 puis en 2017, sous la forme d’une coalition ERC-Junts, avec le soutien des anticapitalistes de la CUP. La présidence reviendrait à Pere Aragonès, de l’ERC.

Autre piste : un exécutif transversal, qui mêle indépendantistes (ERC) et non indépendantistes (PSC et En Comú Podem), sur le modèle des exécutifs de gauche « transversaux » qui ont dirigé la région de 2003 à 2010. L’option aurait le mérite de faire travailler ensemble les deux partis les plus « votés » de la région, et plairait sans doute à Madrid. Mais elle s’avérerait très risquée pour ERC. Durant la campagne, le parti a exclu fermement toute coalition avec les socialistes, et Junqueras vient encore de le répéter dimanche soir. Après les municipales à Barcelone en 2019, l’ERC et le mouvement d’Ada Colau, allié de Unidas Podemos, n’étaient d’ailleurs pas parvenus à conclure un accord de gouvernement.

Le dernier scénario possible, plus inattendu, pourrait être un gouvernement ERC en solitaire, mais avec le soutien au coup par coup des socialistes et d’En Comú Podem au parlement régional. Ce qui reviendrait à construire une figure symétrique à ce qui existe aujourd’hui au Congrès des députés à Madrid, avec le PSOE et Unidas Podemos en coalition minoritaire, avec le soutien de quelques formations, circonstancié, dont ERC. Cette piste serait sans doute coûteuse, politiquement, pour le gouvernement Sánchez, mais elle présenterait l’avantage, du point de vue du pouvoir central, d’écarter de la présidence catalane Junts et Carles Puigdemont, au positionnement indépendantiste plus radical.

L’extrême droite de VOX mange la droite

À droite de l’échiquier politique, c’est un petit séisme qui s’est déroulé dimanche, dont les conséquences iront bien au-delà de la seule arène catalane : le Parti populaire (PP) et Ciudadanos s’effondrent, dépassés par l’extrême droite de Vox. La formation d’Inés Arrimadas avait remporté l’élection de 2017 avec 25 % des voix (36 sièges), elle n’en a obtenu que 5,5 % (6 sièges) cette année. Le Parti populaire, lui, ne décroche que trois sièges, alors que Vox, la formation d’extrême droite née en 2013 à l’initiative d’anciens membres de l’aile la plus droitière du PP, devient le quatrième parti le plus désigné par les électeurs de Catalogne (7,6 %, 11 sièges). Elle n’avait aucune représentation jusqu’alors. Le candidat Ignacio Garriga, né en 1987 d’une mère d’origine guinéo-équatorienne, s’est imposé dans la campagne grâce à un style « à la Trump », très efficace sur les réseaux sociaux.

Le résultat catalan confirme la difficulté de Pablo Casado, le chef du PP, à réunir les droites du pays pour fortifier une offre alternative à Sánchez. Il s’est longtemps montré hésitant dans la stratégie à adopter face à Vox. L’ouverture du procès de l’ancien trésorier du parti, Luis Bárcenas, qui rappelle l’ampleur de la corruption au sein du PP des années 2000, n’a rien arrangé.


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