Le scandale des frais bancaires : quand les banques se gavent sur leurs clients

dimanche 7 février 2021.
 

Le 4 février 2021 à 21h05 sur France 2, l’émission Cash investigation a diffusé une enquête sur le scandale des frais bancaires. Le reportage d’investigation – intitulé « Nos très chères banques » – met à jour le caractère très souvent honteusement abusif de ces frais que les banques ponctionnent sur leurs clients. Un épisode qui a failli ne pas être diffusé suite à la pression des lobbys.

7 milliards d’euros ponctionnés chaque année par les banques sur leurs clients au titre des frais bancaires

Chaque année, plus de 7 milliards d’euros sont ponctionnés par les établissements bancaires sur le dos de leurs clients, au titre des frais bancaires. Tout est prétexte à facturation : frais pour dépassement du découvert autorisé, commission d’intervention, frais de rejet de prélèvement, frais de courrier et bien d’autres subterfuges permettant aux banques de transformer leurs clients en vaches à lait rendant l’addition salée : ces frais peuvent souvent dépasser les 300€ mensuels. Plus la situation financière du ménage se détériore, plus la sanction est lourde.

Cash Investigation, l’émission d’Élise Lucet, diffuse ce 4 février 2021 à 21h05 sur France 2 un épisode sur ce scandale des frais bancaires. Un épisode qui a failli ne pas être diffusée suite à la pression des lobbys. La justice française a finalement donné raison à Cash Investigation. Le ministre de l’économie reconnait lui même l’injustice

Bruno Le Maire, rappelle que ces frais sont « profondément injustes et que le rôle d’un ministre de l’Economie et des Finances, c’est de mettre de la justice dans le système économique et financier ». Le Ministre de l’Économie ajoute que ces injustices touchent les personnes qui sont dans une situation extrêmement difficile et que les banques ne les aident pas en leur mettant « la tête sous l’eau en leur appuyant dessus ».

Un tel paradoxe devient outrancier lorsque l’on sait alors que nous venons de dépasser la barre des 10 millions de pauvres en France, que les demandes d’aides alimentaires augmentent de manière exponentielle et que les crédits impayés par les ménages – faute de moyens – ont dépassé les 22 milliards d’euros (source : UFC – Que choisir).

Cette situation est d’autant plus ubuesque, que les aides versées par l’État aux ménages, pour tenter de faire face à cette crise, sont absorbées en grande partie par ces mêmes frais bancaires. À moins qu’il ne s’agisse d’une volonté politique délibérée de profiter d’une crise sanitaire pour renflouer les banques à coût de milliards, en détournant les aides et en appauvrissant les plus pauvres.

Quand la majorité parlementaire rejette une proposition de loi de plafonnement des frais bancaires

Depuis trois ans, la France Insoumise a mené un travail mêlant auditions et actions coups de poing pour sensibiliser le plus grand nombre de personnes et mettre en lumière la gravité de cette question.,Le 4 juin 2020, le député Alexis Corbière, a déposé une proposition de loi visant au plafonnement des frais bancaires, en s’appuyant sur les données du livret « banques » publié par La France Insoumise, animé par Véronique Danet.

Cette proposition a été rejetée, sous prétexte « d’avancées partielles ». Cette proposition de loi Insoumise avait néanmoins remporté le vote de 7 groupes parlementaires sur 11. Cette adhésion révèle une large reconnaissance par la représentation nationale du scandale que représentent ces frais bancaires abusifs. Pour autant, la majorité parlementaire n’a pas jugé utile d’en tirer les conséquences, trop attachée à la « bonne foi » des banques et aux accords passés entre le gouvernement et celles-ci.

Bruno Le Maire agite le risque de suppressions de postes… déjà effectives

Dans ce nouvel épisode de Cash investigation, Bruno Le Maire se targue d’un engagement pris avec les banques pour plafonner les frais à 25 € par mois (300€ par an). Il oublie au passage de préciser que la mise en place de cet engagement est à la discrétion des banques qui fixent elles-mêmes les critères d’éligibilité. Ces derniers une fois atteints, il faudra d’abord se voir facturer 5 frais pour incident dans le mois, ou moins, mais sur 3 mois consécutifs, avant de pouvoir prétendre à 3 mois de plafonnement à 25€. Une véritable usine à gaz qui ne permettra jamais de limiter réellement les frais à ce fameux plafond de 300 euros annuels.

Il ne s’agit pas là de quelconque élucubration. Au cours de son émission, Élise Lucet produit des preuves tangibles, grâce à des relevés de frais annuels, montrant que les clients n’ont bénéficié à aucun moment du plafonnement évoqué.

A l’Assemblée, comme dans cette émission, Bruno Le Maire agite le risque des suppressions de postes si l’on venait à plafonner les frais pour l’ensemble des usagers bancaires. C’est méconnaître l’histoire des banques depuis la crise de 2008. Sur cette même période, l’effectif des employé.e.s de banques est passé de 500 000 à 375 000. Encore aujourd’hui, de nombreuses suppressions de postes sont à l’ordre du jour dans les plus grandes banques françaises, ce qui représente l’un des plus grands plans sociaux déguisés en France. Sous prétexte d’« optimiser » l’implantation territoriale, des centaines d’agences bancaires sont fermées ou vont fermer, privant ainsi des millions de personnes, notamment en milieu rural, d’un accès à une agence. Le Ministre a même eu l’indécence de prétexter, à l’Assemblée, qu’un plafonnement généralisé de ces derniers favoriserait les plus fortunés.

Élise Lucet montre parfaitement bien, dans son émission du 4 février, les liens privilégiés entre le lobbying bancaire et le gouvernement. Ces liens laissent présager de réels conflits d’intérêts. Se satisfaire d’un simple dialogue avec les banques alors qu’elles ne respectent pas leurs engagements depuis des années, c’est être une fois de plus complice de leurs méthodes.

Les ménages payent l’irresponsabilité du système bancaire

Bruno Le Maire – et bien d’autres député-e-s de la majorité parlementaire se plaisent à rappeler systématiquement que plafonner les frais bancaires pourrait être une « incitation à un comportement financier irresponsable » de la part des ménages.

Mesurons donc la violence de tels propos : protéger les plus fragiles serait donc une manière d’inciter ces personnes à profiter du système. Nous connaissons parfaitement bien cette rhétorique outrancière du bouc émissaire : « Si les pauvres sont pauvres, c’est de leur seule responsabilité ».

Pourtant, si nous nous documentons et refusons les a priori méprisants à l’égard des plus fragiles, nous découvrons des dysfonctionnements particulièrement condamnables. La crise financière de 2008 a mis en relief l’irresponsabilité du système bancaire. Ces banques ont été renflouées par de l’argent public (y compris l’argent des plus fragiles) sans qu’il n’y ait la moindre sanction prise à l’égard de ces mêmes banques. Si les dirigeants politiques de l’époque avaient adopté un programme de socialisation (nationalisation avec tous les acteurs de la société aux commandes, salarié.e.s, usagers, syndicats État …), il aurait été bien plus simple de remettre de la raison dans un système devenu fou. Un autre choix a été fait : blanchir les banques et faire porter la responsabilité de la crise aux ménages. Aujourd’hui, pourquoi ne pas sanctionner également financièrement les banques qui ne respectent pas leurs engagements ? Deux poids, deux mesures.

7 milliards prélevés sur les usagers… 8 milliards de dividendes

Bruno Le Maire affirme qu’il ne connaît pas le montant que représentent ces frais bancaires, sous-entendant par là qu’il lui est donc difficile de réfléchir sur une donnée inconnue. Il est toujours étrange d’entendre un ministre affirmer qu’il ne connaît pas la situation d’un secteur qu’il administre. Il aurait pourtant été très facile de combler une telle lacune.

En juin 2020, la proposition de loi de plafonnement des frais bancaires, déposée par La France Insoumise, comportait un article obligeant les banques à fournir tous les ans les montants prélevés pour incidents et irrégularités de fonctionnement. Le gouvernement, à travers sa majorité, a également rejeté cet article. Pour quelles raisons ?

Les frais bancaires pour incidents prélevés par milliards sont un moyen pour les banques de garantir des dividendes à leurs actionnaires. Les dernières estimations non contestées représentent près de 7 milliards d’euros prélevés sur le compte des usagers quand 8 milliards de dividendes sont versés aux actionnaires des quatre plus grandes banques françaises en 2019. Cet argent ne sert donc pas à maintenir des agences bancaires ouvertes et encore moins à sauvegarder les emplois.

Dans l’émission Cash Investigation, Bruno Le Maire reconnaît que les banques ont besoin de ces frais pour rester rentables. En tant que Ministre des Finances il devrait rappeler l’indécence du fonctionnement bancaire actuelle et les obliger à jouer leur rôle premier : financer l’économie réelle, sociale et solidaire et non pas alimenter la sphère financière.

La crise du coronavirus n’a pas déclenché une paupérisation d’une partie de la population : elle l’accélère et la met en évidence. Pourtant, sur cette question des frais bancaires abusifs, la majorité parlementaire et le gouvernement refusent obstinément de légiférer et d’instaurer un plafond pour limiter les frais bancaires.

Tenons-le-nous pour dit, les banques n’accordent aucune trêve à leurs clients, que le pays soit confiné ou non. Le plafonnement des frais bancaires par la loi proposée par LFI est la seule solution pour remporter le rapport de force et faire que les clients ne soient plus au service des banques.

Par Véronique Danet.


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