Après les émeutes de Washington D.C., le trumpisme reste une force

jeudi 14 janvier 2021.
 

Vingt mille partisans du président Donald Trump ont, à son instigation, marché le 6 janvier vers le Capitole (le siège des deux assemblées du Congrés américain : Sénat et Chambre des représentants). Des centaines d’entre eux, dont quelques uns brandissaient des armes, ont fait irruption dans le bâtiment, interrompant la confirmation de Joseph Biden en tant que président et obligeant les législateurs et leurs assistants à se mettre à couvert au Sénat et dans les bureaux. Dans un discours prononcé lors d’un rassemblement peu de temps avant l’émeute, Trump a répété qu’il avait remporté l’élection, puis a dit à ses partisans de « marcher vers le Capitole ». Son avocat Rudi Giuliani a déclaré à la foule : « Faisons un procès par le combat. »

Au Capitole, de nombreux manifestants ont exigé l’annulation des « élections volées » et ont affirmé que Trump avait gagné, tandis que d’autres appelaient à une rébellion nationale. Les émeutiers ont défilé avec des drapeaux pour Trump et le drapeau confédéré (celui des Etats esclavagistes au XIX° siècle) et ont installé une potence et un nœud coulant sur un côté du bâtiment, et certains ont appelé à pendre les législateurs. Les sénateurs et les représentants se sont barricadés tandis que diverses unités de police et de militaires étaient appelées à rallier le Congrès.

Des évènements sans précédent

La manifestation de Washington D.C. avait été annoncée à l’avance et certains groupes d’extrême droite avaient exhorté leurs membres à venir armés dans la capitale. Mais le peuple américain a été choqué par ces événements sans précédent. Il y a eu dans le passé des centaines de manifestations dans la capitale nationale pour toutes sortes de problèmes, mais aucun groupe n’a jamais fait irruption au Capitole, ni interrompu les procédures, menaçant les législateurs. Il y a aussi une longue histoire d’émeutes de droite aux États-Unis, contre les syndicats, contre les Noirs et les Latinos, contre les gauchistes, mais jamais une telle insurrection contre le gouvernement, depuis la guerre civile américaine de 1861-1865. Des millions d’Américains ont été collés à leurs écrans de télévision, d’ordinateur ou de téléphone pendant des heures alors que la police et les soldats étaient mobilisés pour mettre fin aux émeutes. De nombreux politiciens, républicains et démocrates, ont qualifié l’événement d ’« insurrection », de « sédition » et de « terrorisme domestique ». D’autres l’ont qualifié de « tentative de coup d’État ».

Les policiers ont fait des selfies avec les manifestants

Il semble y avoir eu peu de protection policière au Capitole. Des observateurs dans les médias et au sein du gouvernement ont noté que lorsque les manifestants de Black Lives Matter ont défilé à Washington, D.C. l’année dernière, ils ont été confrontés à une armée de policiers et de soldats. Au contraire, cette fois-ci, certains policiers ont ouvert les barrières et autorisé les manifestants à entrer dans les zones sécurisées, tandis que d’autres ont pris des selfies avec les manifestants. Et alors que dans tout le pays, les manifestants antiracistes sont souvent reçus avec des grenades assourdissantes et des gaz lacrymogènes, battus et arrêtés par milliers, peu de force a été utilisée contre les partisans de Trump et peu d’entre eux (seulement 14) ont été arrêtés malgré la présence illégale d’armes à feu et d’engins explosifs, le vandalisme dans le bâtiment du Congrès et des vols dans les bureaux. La police a autorisé les émeutiers à sortir du bâtiment et à quitter les lieux. Après que la police eut finalement évacué les émeutiers du bâtiment, le Congrès s’est réuni toute la nuit et a confirmé l’élection de Biden tôt le lendemain matin.

Au moment même où l’émeute se déroulait à Washington, D.C., dans l’État de Géorgie, les deux démocrates, Raphael Warnock et Jon Ossoff, ont remporté les deux sièges du Sénat américain en jeu lors du second tour des élections. Le révérend Warnock, qui prêche dans l’église où Martin Luther King, Jr. a prêché, est devenu le premier sénateur noir de l’État de Géorgie et Ossoff est devenu le premier sénateur juif. Leur élection a assuré le Sénat pour les démocrates, désormais composé de 50 républicains et 50 démocrates, mais avec la possibilité pour la vice-présidente démocrate Kamala Harris de faire pencher la balance par son vote.

Les républicains divisés….

L’encouragement de Trump à ce que l’on a appelé une « insurrection » a eu de profondes répercussions, en particulier pour le Parti républicain. Jay Timmons, président de l’Association nationale des industriels, une organisation patronale, a appelé le vice-président Mike Pence à travailler avec le cabinet pour invoquer l’article 25de la Constitution et démettre Trump de ses fonctions. L’article 25 permet en effet au vice-président et à la moitié du cabinet présidentiel (ministres) d’engager une procédure pour destituer de ses fonctions un président "incapable de s’acquitter des pouvoirs et devoirs". Nancy Pelosi, chef du Parti démocrate à la Chambre des représentants, a également appelé Pence à invoquer l’article 25. D’autres démocrates ont appelé à la destitution. Pour le moment, le Congrès n’est pas en session et Trump n’a que 12 jours de plus en fonction, il peut donc être difficile de le révoquer.

Avant même les émeutes de Washington, plusieurs républicains avaient rompu avec Trump à cause de ses tentatives d’annuler l’élection, parmi lesquels le vice-président Pence, le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, d’autres sénateurs et quelques autres législateurs républicains. Depuis les événements, deux membres du cabinet ont démissionné ainsi que plusieurs conseillers. Néanmoins, lorsque (après l’évacuation du Capitole) la confirmation du vote du collège électoral a été soumise à la Chambre des représentants des États-Unis, plus de 120 partisans de Trump ont voté contre, tandis que six l’ont fait au Sénat.

…. Mais le trumpisme n’est pas mort

Sous la pression de ses conseillers principaux, at alors qu’une grande partie de son personnel démissionnait, après les événements, Trump a publié un communiqué disant : "Une nouvelle administration sera inaugurée le 20 janvier" et a déclaré : « Mon objectif est désormais d’assurer une transition de pouvoir en douceur, ordonnée et transparente. » Mais nous ne savons pas comment ces événements se répercutent dans l’esprit des 74 millions d’électeurs de Trump. Certains pourraient être ébranlés. Pourtant, l’emprise de Trump sur ses partisans et le Trumpisme - principalement fondé sur le nationalisme blanc - restera probablement une force puissante dans les zones des périphéries urbaines et rurales.

Les groupes d’extrême droite considéreront sans aucun doute l’émeute comme un succès, leur première attaque violente à grande échelle contre le gouvernement. Ils ont réussi à attirer l’attention nationale avec leur assaut contre le Congrès. Ils ont maintenant des héros et une martyre dans la femme qui a été abattue lors d’une tentative d’entrée dans le bâtiment du Capitole. Bien que n’étant pas un coup d’État, leur insurrection leur a permis de tester leur capacité à mobiliser des dizaines de milliers de personnes et à atteindre des millions d’autres avec leur message nationaliste blanc autoritaire. Ils constitueront une force croissante parmi les dizaines de millions de partisans de Trump. Des supporters de Trump disent aussi maintenant que ceux qui ont pénétré dans le Congrès étaient en fait des antifas, donc des gens de gauche !

La gauche, largement éclipsée par l’énormité de ces développements, a cependant joué un rôle. À Eugene, dans l’Oregon, où les trumpistes ont tenté de prendre le contrôle du Capitole de l’État, les militants de gauche se sont opposés contre les partisans de Trump. Les socialistes démocratiques d’Amérique (DSA), le plus grand groupe socialiste du pays, a appelé à des manifestations pour « défendre la démocratie » dans plusieurs villes.

Dan La Botz


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