Sur la situation mondiale en cette fin d’année 2020, par Vincent Presumey

vendredi 11 décembre 2020.
 

Fin 2019, j’avais écrit, et l’équipe d’Aplutsoc partageait cette évaluation, que la situation mondiale entrait dans une nouvelle phase, avec l’enchaînement d’insurrections, de crises révolutionnaires, reprenant à partir du Soudan et de l’Algérie, et nourrie par les mouvements féministes et les marches pour le climat, en Iran, Irak, Liban, ainsi qu’en Haïti, Nicaragua, Venezuela, Colombie, Équateur, Uruguay, Chili, et aussi Guinée, et, en Asie, Hong-Kong, avec des perspectives de développements du même type en Europe - Tchéquie, voire France.

A la veille de la pandémie : multiplication des crises révolutionnaires.

La quantité des situations de crise causées par des soulèvements populaires prolongés, principalement dans deux ensembles continentaux – Proche et Moyen-Orient et Amérique du Sud -, et aussi bien contre des États « néolibéraux » que contre des États « anti-impérialistes », commençait alors à se transformer en qualité, c’est-à-dire que l’on pouvait y voir se dessiner ouvertement les éléments d’une situation révolutionnaire planétaire, la jeunesse et le prolétariat du monde se levant pour la survie :

« En Irak, pays que le totalitarisme baathiste, puis le blocus impérialiste, la guerre, l’occupation et la dislocation territoriale et sociale, auraient pu réduire à l’anomie la plus totale, il est historique et il est magnifique de voir des foules se lever, et, comme dans les manifestations de Khartoum et, à présent, de Santiago, d’y voir une jeunesse libre, et une jeunesse massivement féminine, se dresser avec une sorte de prestance, de finesse, de beauté. Ces données « esthétiques » ne sont pas des images médiatiques, mais le reflet réel donnant la dimension de ce qui est train d’arriver. » (Aplutsoc, le 24 novembre 2019).

Bien sûr, il fallait situer ce tournant de fin 2019 dans le processus révolutionnaire de longue durée : les soulèvements démocratiques dans le « bloc soviétique » en 1989-1991, isolés, avaient été trahis, l’impérialisme nord-américain avait connu un grand moment expansif, parasitaire et volcanique culminant après les crimes de masse du 11 septembre 2001 et commençant à s’effondrer dans une crise globale à partir du krach de Lehman Brothers le 15 septembre 2008. A partir de là, les « révolutions arabes » (depuis 2011), le Maïdan ukrainien (2013-2014), notamment, avaient rythmé la montée des luttes sociales tendant à se généraliser fin 2019. Mais la dimension du tournant était plus ample encore au regard de l’histoire :

« Par son extension géographique, mais aussi par sa profondeur, cette vague est en fait sans précédent depuis celle des années 1917-1923, première poussée de la révolution prolétarienne mondiale dont l’avortement allemand à l’automne 1923 laissa le champ à Hitler, Staline et leur monde. »

Pour autant, pas question de se payer de mots. La globalisation des crises révolutionnaires ne consiste pas en soi dans l’image des « manifs partout » mais dans le fait que la question du pouvoir est posée, par l’affrontement contre ces pouvoirs exécutifs capitalistes, visant à les renverser, dans un nombre croissant de pays. Il s’agit donc de faire de la politique : quel gouvernement, comment imposer une assemblée constituante, comment construire les organes du pouvoir populaire ?

La question du pouvoir se concentre d’ailleurs dans la question des armes, les armes de la répression faisant des milliers de victimes dans de nombreux pays. L’Iran, l’Algérie, le Chili … ont rapidement vu les questions politiques posées à ce haut niveau par le mouvement réel des plus larges masses.

Autre caractéristique essentielle : ce niveau, atteint, répétons-le, à plusieurs reprises, et recherché tendanciellement par les plus larges masses, n’est pas atteint par contre, et souvent même pas recherché bien au contraire, par les organisations héritées des combats émancipateurs du XX° siècle, de leurs échecs et de leurs impasses, les « révolutionnaires » inclus, entendant prescrire au réel les voies qu’il doit suivre (c’est-à-dire en général bien des grigris, intéressants ou repoussants, mais très rarement la question concrète du pouvoir et des armes !).

D’où le « vide politique », partout. En fait, il ne s’agit pas d’un vrai vide : le mouvement réel est là et il n’a rien de vide, lui, mais il a besoin de formes politiques pour se généraliser et se centraliser et donc vaincre, contre chaque État et à l’échelle mondiale.

Dans ces conditions générales, la poussée révolutionnaire mondiale s’amorçant fin 2019 rencontrait la crise au sommet de plusieurs grandes puissances, avec des pouvoirs exécutifs réactionnaires mais partis dans des dérapages incontrôlés du propre point de vue des intérêts généraux bien compris du capital : Trump à Washington, le Brexit à Londres, Bolsonaro à Sao Paulo. Dans cette situation, de manière conflictuelle mais indéniable, des « successeurs sinistres » s’affirment comme gardiens de l’ordre. Ainsi, Poutine, à la base fragile car surdimensionnée. Ainsi, surtout, Xi Jinping, meilleur modèle mondial de « maintien de l’ordre » du point de vue du capital (note de vie sociale, reconnaissance faciale, écrasement totalitaire des Ouïghours …). Et aussi Modi, voire Erdogan ou Rohani. Début 2020 les conditions d’un affrontement social et démocratique de très grande ampleur se réunissaient en Inde, laquelle est à présent le pays le plus peuplé du monde.

La cassure de 2020.

Les premiers mois de l’année 2020 et leurs suites ont vu une cassure s’abattre sur ce monde en ébullition. Sa nature et ses conséquences demandent une analyse rigoureuse. C’est donc une pandémie d’un type nouveau qui a conduit à disloquer le marché mondial et à claquemurer jusqu’à un gros tiers, à certains moments, de la population mondiale, créant un traumatisme inédit dont la rapidité, et le caractère à la fois surprenant car inattendu, et perçu comme inéluctable et mettant en œuvre un danger latent depuis des années, n’a qu’un seul précédent comparable même s’il était par ailleurs très différent – à savoir le basculement européen de l’été 1914 dans la guerre générale.

Dans la mesure où le Covid n’est pas la peste, ni même la grippe de 1957 ou celle de 1969, ce développement, sa puissance et sa soudaineté, ont quelque chose d’étonnant, que tout le monde a perçu (les gouvernements capitalistes compris, car ils n’ont pas maîtrisé le processus et les conséquences de leurs propres décisions ressenties comme contraintes). Faute d’analyse sérieuse de ce qui s’est passé là, l’interprétation complotiste est très facile et suggestive, d’autant plus que la dénonciation à bon compte du « complotisme » par des gouvernements dont la gabegie et l’impéritie se sont exhibées à grande échelle dès lors qu’il a été question de protéger les populations, révélant crûment qu’ils ne sont pas là pour ça, le renforce encore en fait. Les sentiments catastrophistes, les courants religieux apocalyptiques réactionnaires (évangélistes, hindouistes ou islamistes), la collapsologie, et le soupçon du grand complot avec son back-ground antisémite, deviennent des vagues idéologiques dominantes, malgré ou grâce à leur dénonciation officielle par des pouvoirs en place qui les cultivent eux-mêmes. Des secteurs de la jeunesse peuvent ainsi être gagnés par des mixtures idéologiques qui n’étaient qu’embryonnaires il y a un an, mélangeant des thématiques « Quanon » et des thématiques « Extinction rébellion », réagissant de manière fétichiste et donc inappropriée au sentiment, nullement injustifié en lui-même, d’une menace visant leur corporalité (un « biopouvoir » en langage foucaldien). Ceci ne signifie absolument pas que les masses, ou que la jeunesse, deviennent folles. Mais ceci indique que les moyens d’analyse et de compréhension du réel ne doivent en aucun cas être rangés au placard.

Nos acquis programmatiques, notre héritage politique, ne s’usent que si on ne s’en sert pas, et c’est ne pas s’en servir que le rabâcher et l’exhiber comme un plumeau, en croyant toujours assister à la répétition du même que-l’on-connait-déjà. La nouveauté est réelle et un héritage politique n’a de sens et d’utilité qu’en s’y confrontant : la théorie révolutionnaire ne sert qu’à agir dans le nouveau, et pas à asséner, avec la satisfaction des éternels vaincus bien décidés à le rester, que ça, on savait par avance ce que c’était …

Rien ne sert de nier qu’il y a eu irruption du nouveau avec l’apparition d’un nouveau type de virus, non fortuite (ce que l’on peut dire après coup), car liée à la destruction des milieux par l’accumulation capitaliste intensive et extensive. Ce type de virus pourrait comporter des espèces bien plus meurtrières et peut d’ailleurs muter. On a donc une maladie très contagieuse, réellement létale pour une petite partie de ses victimes, et asymptomatique pour un bien plus grand nombre, et présentant des séquelles encore mal connues que l’on découvre au fur et à mesure, maladie devant laquelle n’existaient ni médicaments ni vaccins. Mais le trait le plus « nouveau » était l’ultra-rapidité de sa propagation (que l’on évalue mieux maintenant : elle a doublé toute réaction, souvent le virus était « arrivé » bien avant qu’on s’en rende compte), propagation qui a suivi les voies de la circulation du capital en général, et des liaisons aériennes internationales en particulier. N’importe quelle formation sociale aurait été surprise, puis confrontée à la nécessité de mesures visant à stopper la contagion.

La réaction de la formation sociale capitaliste mondialisée et saturée de capitaux, à partir de là, a évidemment été spécifique. L’État chinois a initialement donné le ton, et ce fait est en soi très important : quelles que soient les difficultés que peut connaître le capitalisme chinois, c’est lui qui a donné le rythme mondial (comme le capitalisme étatsunien lors de la crise de 1929 et ensuite, par exemple), incubé la crise, et servi de référence. Le déni, avec la répression des médecins lanceurs d’alerte, puis inversement un confinement poussant le contrôle social au maximum, ont caractérisé cette réaction chinoise, qui a interrompu les flux matériels de capitaux et les flux de personnes pendant quelques semaines, à l’échelle de toute l’Asie orientale. Ce fait a suffi à induire une onde de choc mondiale. La prise de conscience de la propagation du virus, le krach boursier, et les mesures nationales de confinement prises en cascades, se sont alors enchaînées d’une façon chaotique et globale. Chaque gouvernement ayant confiné y a été poussé par un ensemble de facteurs, de manière nullement rationnelle même s’il existait des arguments rationnels en faveur de telles mesures (mais elles auraient alors été prises et appliquées différemment) : l’incapacité du système hospitalier asséché par les contre-réformes « libérales » à accueillir ne serait-ce que quelques milliers de patients à intuber, le mimétisme médiatique par rapport aux autres gouvernements, l’usage du confinement à des fins répressives, et inversement l’exigence sociale de protection et des grèves sur le tas, disant leur nom ou pas, imposant ce confinement. Dans ces deux derniers aspects se reflétait la vague révolutionnaire, imposant ici le confinement comme protection, se voyant imposer là le confinement comme répression, et parfois en même temps. La mondialisation du capital, effective, devenait instantanément mondialisation du chaos.

Des débats sans fin existent pour caractériser la crise économique globale de 2020 comme exogène au capital ou endogène. Ils sont sans fin car elle est les deux à la fois, c’est-à-dire que sa nature fondamentalement endogène, correspondant aux limites inhérentes au capital, s’exprime justement dans la dimension catastrophique que prend le fonctionnement de ce mode de production en tant qu’il est confronté à un péril d’apparence exogène. C’est déjà ce qui le caractérisait à chaque ouragan ou à chaque « phénomène neigeux » comme disent les chaînes Météo, où devant les incendies de forêts, phénomènes liés au réchauffement global qu’il a provoqué, mais à chaque fois saisis comme un « aléa » momentané ou comme un « risque » malheureux, un « accident » interrompant la circulation et la valorisation du capital. Mais cette fois-ci, et pour la première fois, cela s’est produit de façon mondiale, massive, et rapide. En ce sens, l’ « évènement Covid » de 2020 n’a rien d’un accident : il souligne la faillite de ce mode de production devant toute agression « exogène » appelée en réalité à se multiplier, qu’il s’agisse des aléas climatiques ou des nouveaux virus, voire des micro-organismes dégelés dans le permafrost qui fond. L’anthropocène-capitalocène n’est pas gérable dans le cadre du capitalisme.

Selon le rapport de la CNUCED de fin octobre 2020, les flux d’investissements directs à l’étranger (dits IDE) ont baissé de moitié durant le premier semestre. La chute a été la plus forte dans les économies dites développées, dépassant ici largement la moitié et même plus des trois quarts en Russie. Du coup, l’Asie hors Japon représente désormais plus de la moitié des flux mondiaux d’IDE. Un rebond limité au second semestre, combiné à un contrecoup subi par les flux allant vers les économies dites en développement, conduit à une baisse annuelle globale de l’ordre de 40%. Cette cassure des flux de capitaux n’affecte toutefois pas le secteur de l’informatique-communication, au contraire. Le commerce international a chuté et connaît des phénomènes de fractionnement. Le tourisme international s’est effondré, et le secteur aérien est plongé dans le plus grand marasme de son histoire. Nous avons là le tableau d’une dislocation du marché mondial, sans précédent depuis le début des années 1930.

Celle-ci n’efface pas la « mondialisation », elle en change le visage : les barrières protectionnistes, les murs de protection, et les zones de confinement ou de rétention, sont désormais les réalités concrètes qui se propagent avec la rapidité du capital, des flux aériens et des virus, d’un bout à l’autre du monde.

Cette dislocation, incomplète et relative mais réelle et grave, du marché mondial et donc de la division internationale du travail, ne peut prendre fin en 2021 même si la pandémie est enrayée. Elle s’amorçait d’ailleurs avant, avec la guerre commerciale menée par les États-Unis contre la Chine et la crise de l’Union Européenne accélérée par le Brexit, qui, d’ailleurs, techniquement, n’a toujours pas eu lieu, et s’annonce en principe pour début 2021. Le fractionnement économique et la course à la répartition des pertes ont accéléré les risques disséminés de guerre.

Là aussi, cela n’a rien de nouveau en soi : avant 2020, l’antagonisme sino-américain, la crise coréenne qui le répercute en partie, la pression US sur l’Iran combinée au rôle de pilier contre-révolutionnaire acquis par le même Iran au Proche et Moyen Orient, étaient déjà là, mais l’année 2020, surtout à la charnière des « déconfinements » de la fin du printemps dans l’hémisphère Nord, et des reconfinements partiels et autres vrais-faux confinements à la française, de l’automne, ont vu se multiplier les affrontements militaires inter-étatiques locaux : heurts sino-indiens, attaque de l’Azerbaïdjan contre l’Arménie, le Karabagh-Artsakh et les régions entourant celui-ci, guerre entre l’État éthiopien et le Tigré, heurts entre Maroc et Algérie, et montée des tensions en Méditerranée orientale entre la Turquie d’une part, la Grèce soutenue par la France d’autre part, exportations africaines de ces rivalités se combinant aux agressions islamistes dirigées contre certaines populations (y compris musulmanes) et aux entreprises de décomposition du Mali et du Burkina …

L’on peut dire aussi du krach boursier de ce printemps qu’il fut à la fois causé de manière immédiate par la pandémie et le confinement asiatique qui avait suspendu les chaînes de production dans toutes les industries mécaniques de la zone, et qu’il était attendu, annoncé, anticipé ou appréhendé de longue date, tant l’existence massive de plusieurs bulles financières, reconstituées avec l’aide des banques centrales depuis 2008, est un fait reconnu et avéré (même s’il est par définition moins connu, c’est-à-dire moins mesuré, dans ses profondeurs : l’on parle de shadow banking, d’économie de l’ombre, etc.).

Mais il a été suivi d’un ou de plusieurs rebonds, qui font remonter les indices boursiers, en tout ou en partie, aux niveaux antérieurs (entre temps, les pertes ont été, en partie, transférées à l’« économie réelle », c’est-à-dire que le pouvoir social du capital a suscité des vagues de fermetures d’entreprises et de destruction de moyens de production et de forces de travail). Mi-octobre, le rapport trimestriel du FMI souligne que cette reprise a, une fois de plus et plus encore, été tirée par les banques centrales. Alors que l’endettement crève tous les plafonds notamment dans toutes les strates de la société étatsunienne, les vainqueurs du rebond sont Google, Apple, Amazon, Facebook, Microsoft, ainsi que Tesla. La déconnexion du prix des actions par rapport aux bénéfices réels des entreprises, à l’échelle mondiale, ne s’est en rien calmée, même lors du krach du printemps, restant dans ce que l’économiste Schiller (qui a donné son nom à un indice mesurant cet écart) appelle le niveau « Everything Bubble », « bulle en toute chose » ou « bulle tous azimuts ». Et réciproquement, le rebond de l’automne ne voit pas fléchir l’indice de volatilité du Chicago Board Options Exchange, dit « indice de la peur » (calculant des moyennes de fluctuations sur des prix de vente et d’achat de produits financiers sur le Standard and Poor’s, donc à New York, qui reste, avec Londres, l’épicentre des flux du capital financier), dont les derniers maximas datent du 16 mars dernier (niveau 82) et du 29 octobre (niveau 41). En résumé : le parasitisme financier et rentier et sa volatilité chronique, vecteur potentiel de nouveaux krachs, sortent renforcés de la cassure de l’année 2020.

La combinaison entre l’irruption planétaire de l’incapacité du capitalisme à répondre aux défis climatiques, géologiques et biologiques qu’il suscite, la dislocation du marché mondial, et la persistance des bulles boursières aggravée par une résilience d’après-krach qui n’est certainement pas un signe de santé, dresse un tableau angoissant. La bulle du capital financier n’est pas, à proprement parler, une bulle, expression chargée d’idéologie qui laisse entendre qu’il y aurait réellement déconnexion entre la finance capitaliste et la production capitaliste. Bien au contraire, la première est l’expression nécessaire de la seconde. Une bulle financière est une anticipation sur des gains escomptés, une traite sur l’avenir, une « dette » que les pauvres mortels devraient payer, et qu’ils payent en effet, dans tous les cas de figure, par le paiement « normal » des dividendes ou bien en cas de krach dont ils subissent les conséquences. Cela signifie que la reconstitution accélérée de la bulle ou d’autres bulles après le « krach-covid » du printemps 2020 porte en elle l’exigence de faire payer la plus-value escomptée, par tous les moyens.

Et au nombre de ces moyens figurent à la fois l’automatisation amplifiée par le « télétravail » et une productivité accrue du capital qui fera à son tour baisser encore le taux général de profit, les économies massives de capital constant opérées par la combustion des hydrocarbures et un extractivisme débridé, et la destruction de zones entières et de peuples entiers. La réponse du capital à sa propre crise, c’est la fuite en avant, et la fameuse « transition » vers un développement soutenable dans le cadre de la domination du capital, c’est la destruction généralisée de la terre et des travailleurs, de la nature et de la culture.

Épreuve de force dans le chaudron yankee.

La grande cassure de 2020 a-t-elle stoppé, accéléré, perturbé, la montée des crises révolutionnaires ? Il est incontestable qu’elle a permis, du moins dans un premier temps, d’enrayer des montées sociales, notamment en Inde où le confinement a pris une dimension de chaos social majeur, et où sa prolongation a encore évité le retour des « grèves générales » nationales en mai. En Algérie, le Hirak a été ralenti et réprimé, mais le référendum de cet automne montre l’isolement de la clique au pouvoir et la volonté majoritaire de la chasser. En France, le mouvement de défense des retraites contre Macron – qui a lui-même suspendu, différé, sa contre-réforme principale – a été interrompu et les dirigeants syndicaux ont mis à l’écart leur propre intersyndicale (CGT/FO/FSU/Solidaires) qui était devenue malgré eux un point de centralisation contre le pouvoir. Mais globalement, la cassure de 2020 a différé les affrontements pour les laisser ensuite revenir de manière plus puissante. Le changement de période historique, en ce sens, doit bien être daté de 2019 et pas de 2020, et c’est, de manière centrale, aux États-Unis que cette combinaison s’est concrétisée.

Du point de vue de la « gouvernance » capitaliste, les États-Unis sont le modèle du fiasco au moment où le contrôle social et corporel chinois passe pour le modèle de l’efficacité. Le déni officiel de la pandémie par Trump, copié en mode opéra-bouffe par celui de Bolsonaro, a induit un chaos administratif et fédéral qui a relancé la pandémie au niveau mondial, faisant du continent américain le foyer de la « seconde vague ». Au pire de la période des confinements aux États-Unis, les manifestations de pro-Trump, libertariens et suprématistes blancs sous l’égide de la « liberté » anti-masques et anti-lockdown, ont pu sembler lancer une vague mondiale de réaction obscurantiste, sous la forme d’un fétichisme complotiste (structurellement antisémite), qui reporte sur les objets réels et symboliques de la médecine la protestation organique et confuse visant le capital, l’État, le contrôle des personnes et des corps poussés, dans le même temps, à leur maxima en Chine. Les conditions initiales de la cassure causée par la pandémie aux États-Unis pouvaient donc sembler, à tort, favoriser la réélection de Trump, d’autant qu’elles se combinaient avec le retrait de Sanders et la victoire de l’appareil démocrate (appuyé par la direction de l’AFL-CIO) à boucher toute perspective, car Biden n’était pas et n’a pas été perçu comme une perspective alternative.

Tout cela, alors même que le nombre officiel d’emplois tombait de 152,5 millions en février à 130,3 millions en avril, soit 28 millions de licenciements, le chiffre le plus élevé et le rythme de destruction d’emplois le plus rapide de toute l’histoire, bien loin devant 1929. Ensuite, ce chiffre est remonté à 142,6 millions en octobre-novembre, pour se stabiliser sans rejoindre le niveau d’avant la cassure, restant par rapport à lui à un solde de -10 millions.

Il était envisageable, à la fin du printemps 2020, que les présidentielles de l’automne voient la réélection de Trump, tant l’establishment démocrate avait régulièrement montré qu’il avait encore plus peur de le chasser (ce dont il avait les moyens juridiques et institutionnels) que de le garder. Et voici que, à partir du 25 mai, l’assassinat d’un noir à Minneapolis, Georges Floyd, par la police, un assassinat de plus, devenait l’assassinat de trop, celui dont se saisissaient de larges masses pour affronter l’État dans tout le pays et pour casser Trump. C’est bien sûr que le terrain était inflammable s’il a pris ainsi feu. En deux mois, les États-Unis voient déferler sans doute 30 millions de manifestants. Ceux-ci réunissent notamment la jeunesse noire et blanche : les noirs ne sont pas, dans cet affrontement social et démocratique global, seulement une minorité opprimée, mais ils deviennent une avant-garde. Le mot d’ordre central qui s’impose est la dissolution de la police, rien de moins, donc, que la question de l’État et la question des armées, posée, au nom du droit à la sûreté, dans la première puissance mondiale. Trump tente de lever des contre-manifestants, d’envoyer l’armée puis les gardes-frontières, mais il échoue : c’est là qu’il est battu.

En effet, la période dominée par l’imminence du scrutin du 3 novembre, soit les mois de septembre et d’octobre 2020, a elle-même été placée dans l’ambiance créée par l’été d’affrontements et d’émeutes urbaines généralisés. Trump a mis en œuvre ce qu’il avait prévu : préparer une contestation des résultats de la présidentielle consistant à faire passer la majorité des votes par correspondance pour des votes truqués. Dans le cas d’un scrutin serré, cette opération pouvait fonctionner (il y avait le précédent de Bush en 2000), et elle aurait pu de plus être renforcée par les interventions armées de milices fascisantes, Qanon et autres. Mais le mouvement social, qui avait cassé Trump en juin-juillet à Washington, à Portland et dans tout le pays, a produit un vote Biden, sans illusions sur Biden ni soutien politique envers lui, suffisamment massif pour que la progression en voix de Trump soit largement dépassée, et que le résultat n’ait rien de serré. Il a aussi tétanisé les projets d’agressions violentes contre le droit de vote, alors que des miliciens pro-Trump avaient projeté de kidnapper la gouverneure démocrate du Michigan quelques jours plus tôt. Plusieurs unions locales, fédérations et sections d’État de l’AFL-CIO avaient mis à l’ordre-du-jour la grève générale en cas de coup d’État de Trump, contraignant la direction de l’AFL-CIO à adopter une déclaration affirmant que la défense de la démocratie n’appartient pas aux politiciens qui sont incapables d’y réussir, mais à la classe des travailleurs.

C’est bien cette classe, et la jeunesse, et les noirs, et les femmes, qui ont battu Trump le 3 novembre, rendant impossible le coup d’État et le réduisant à la triste déchéance d’un narcissique fantasque enfermé dans la Maison blanche. Le vote massif pour Biden n’était pas un soutien à Biden et il ne s’est accompagné d’aucun mouvement électoral significatif vers le Parti démocrate au niveau du Congrès, sauf pour le Squad des 4 femmes s’affirmant socialistes du Parti démocrate (Alexandra Ocasio-Cortez, Ilhan Omar, Ayanna Presley, Rashida Tayib). Les scrutins locaux victorieux pour la hausse des salaires, du salaire minima, des mesures sociales, des budgets scolaires dignes de ce nom … sont très nombreux.

Il faut être très précis sur la signification du 3 novembre 2020. Je reviens donc sur ce que j’écrivais le 10 septembre dernier pour introduire la dernière réunion ouverte d’Aplutsoc faite en « présentiel » : « Du point de vue du capital, une élection incontestable et incontestée de Biden permettrait de tenter de solder le moment Trump en affrontant le mouvement des masses qui va continuer, en combinant concessions et répression. D’une façon ou d’une autre, la crise au sommet, se combinant à la poussée d’en bas, rebondira, et sans doute plus vite qu’on ne peut l’escompter. Toutes les autres éventualités pour le 3 novembre – élection contestée de Biden et élection contestée de Trump, l’élection incontestée de Trump étant improbable et conduisant d’ailleurs elle aussi à l’affrontement – sont extrêmement périlleuses pour l’État et le capital US, la perspective de la sécession de certains États et des éléments de guerre civile faisant partie des coordonnées de la situation. »

Le problème était que cette élection incontestable et incontestée a découlé, non de la campagne démocrate et non pas des besoins bien compris du capital de retrouver une « gouvernance normale », mais de l’affrontement social de grande ampleur de cet été confirmé par la pression sociale, où nombreux se décident à voter Biden sans le soutenir, pour virer Trump. C’est pour cela que le retour à la « gouvernance normale » est d’emblée compromis. La situation mondiale tendait à se polariser sur le 3 novembre. La masse du peuple américain n’a pas voulu d’une guerre civile confuse et a imposé un « Trump dégage » tout à fait clair. Le scénario du pire que les bourses craignaient elles aussi – celles de l’impasse constitutionnelle totale – a été écarté (disons-le prudemment car la transition n’est pas terminée, mais ce scénario est largement compromis). Mais il l’a été non pas par le retour à une normalité bourgeoise illusoire, mais pour les droits démocratiques de la majorité qui ne fait pas confiance à Biden. La défaite de Trump est une victoire démocratique, une victoire prolétarienne.

Je rejoins donc totalement ici l’analyse de Jacques Chastaing dans son article sur l’Inde du 30 novembre, se défiant des analyses dominantes qui passent complètement sous silence l’exceptionnalité de cette élection américaine tenue suite à une vague historique d’émeutes et de manifestations, et qui y identifie une « inversion des rapports du social au politique », à savoir que la résolution de la question du débouché politique et donc du pouvoir passe par le mouvement social lui-même, se construisant ses outils et utilisant à sa façon les outils existants, quand il ne peut faire autrement, tout en s’en défiant : le vote Biden, plus exactement la poussée du vote Biden qui a fait le résultat, n’a pas été un « vote pour un candidat bourgeois » mais un vote pour défaire Trump et ouvrir la voie du combat, de même que le vote replaçant le MAS au pouvoir en Bolivie, la majorité stoppant des « glissements à droite » et réglant elle-même les questions de « mauvaise gouvernance » que la classe capitaliste ne sait plus régler, mais pour ouvrir la voie à sa propre lutte. Bien entendu, cette analyse tout à fait essentielle pour nous, ne conduit pas à minimiser le besoin et les possibilités d’une intervention politique au vrai sens du terme, dans ces affrontements, pour les préparer et pour leur victoire, bien au contraire !

Observons au passage que cette analyse des récentes élections US est en elle-même un enjeu. Si vous lisez le Monde Diplomatique de décembre, vous y trouverez tout ce qu’un vieux militant français, formé à la double école du stalinisme vieillissant et de l’anti-américanisme plus ou moins gaullien, pouvait d’avance souhaiter y trouver pour se rassurer sur l’immuabilité de l’ordre du monde : « Amère victoire démocrate », « C’est dans le camp des perdants que l’avenir paraît le plus prometteur », « Un trumpisme sans Donald Trump », « Des deux côtés une paranoïa alimentée par les médias », « Comment des hispaniques ont-ils pu voter républicain ? », « La politique est un éternel recommencement », assènent et se lamentent avec satisfaction les deux duettistes rompus à ce genre d’exercice convenu que sont MM. Halimi et Rimbert. La puante Amérique est toujours la puante Amérique, ouf ! Pendant ce temps, le mouvement réel avance.

Minsk, Varsovie, La Paz, Santiago, Lima, Tegucigalpa : débat sur la question du pouvoir.

A l’échelle mondiale, le développement le plus important de cette période allant du « déconfinement » de la fin du printemps au 3 novembre s’est produit en Bélarus. C’est l’honneur d’Aplutsoc que d’avoir commenté de près ce mouvement, d’avoir attisé la solidarité à un niveau bien supérieur à nos toutes petites forces réelles, et d’avoir souligné sa double dimension caractéristique : la place des femmes et la place du prolétariat industriel, par lequel le terme « grève générale », comme nous l’avons expliqué – à nouveau, de manière isolée – est approprié pour désigner, comme le font les Bélarusses, leur mouvement démocratique et national de masse.

Cela, en comprenant aussi ses difficultés et ses limites, mais en ayant confiance, comme le disent les syndicalistes et les manifestants bélarusses, dans sa durée assise sur sa force morale. Les démarrages de grèves de masse en Bélarus au lendemain du scrutin du 9 août furent un tournant pour tous les pays de l’ancienne URSS : ils ont capté l’intérêt des ouvriers russes, baltes ou ukrainiens et ouvert une nouvelle phase de développement des syndicats indépendants, s’appuyant sur le principal acquis, que des groupes de militants avaient préservé, des luttes de 1987-1991, que sont les syndicats indépendants. Il nous faut donc continuer à jour le rôle que nous avons amorcé à propos de la Bélarus, en relayant aussi les informations sur les luttes syndicales dans l’ensemble de la sphère ex- « soviétique ».

Enfin, en surtout, la grève générale longue et résiliente, rampante et résistante, de Bélarus, a vitrifié Loukashenko, qui est à ce jour toujours au pouvoir pour une seule raison, qu’il a lui-même exprimée à plusieurs reprises : s’il tombe, c’est Poutine qui tremble.

L’écho bélarusse concerne aussi, directement, toute l’Europe centrale, et justement l’autre grand mouvement qui éclate dans le continent européen après la cassure des confinements, fut celui des femmes en Pologne, contre le régime réactionnaire des Duda et des Kacszinski. Ce mouvement de masse, qui a incorporé la grève dans ses moyens d’action, à la fois démocratique, féministe et anticlérical, est lui aussi historique – c’est le premier grand processus d’auto-organisation et de soulèvement social en Pologne depuis 1980.

Les deux semaines précédant le scrutin US ont aussi vu la reprise des crises révolutionnaires en Amérique du Sud. Le 18 octobre, défaite de la droite aux élections boliviennes qu’elle avait été contrainte d’organiser, un an après la chute de Morales causée par le mécontentement populaire à son égard. Le 25 octobre, écrasement du pouvoir exécutif chilien dans un référendum qui renforce la poussée populaire pour une vraie constituante. Puis, mi-novembre, des manifestations de masse au Pérou chassent plusieurs présidents de suite. Au Guatemala, manifestations de masse contre le pouvoir exécutif prenant d’assaut le parlement.

Donc, le cycle commencé en 2019, alors que le centre US chauffe, a bel et bien repris dans la période même des élections américaines– nouvelles crises et résiliences des précédentes.

Parler à ce propos d’une vague révolutionnaire mondiale s’impose, mais ne signifie pas pour autant que les situations soient identiques ni, surtout, que cette synchronie soit le résultat d’une action consciente. Elle ne l’est pas ; mais cela la rend d’autant plus remarquable, puisqu’elle a quand même lieu et se déploie. Ceci appelle la réflexion et l’organisation politique, car le point clef de notre analyse est qu’en effet, la question du pouvoir se pose dans ces différentes situations. A ce sujet, un camarade nous écrit :

« Il me semble qu’il y a des étapes intermédiaires nécessaires avant de décider si la question du pouvoir se pose, et si la réponse est positive, sous quelle forme (partis, syndicats, assemblées, collectifs ?), afin de pouvoir la poser dans des termes concrets. Cela permettrait de réconcilier ceux qui pensent que la nature de la période n’est pas propice, mais ne savent pas vraiment, et ceux qui pensent qu’on est en pleine vague révolutionnaire mondiale ascendante, mais n’arrivent pas à convaincre, précisément parce que les victoires qu’on peut démontrer sont partielles, incomplètes, brèves. »

Pour répondre à ces remarques, disons que la méthode politique que nous préconisons consiste en effet à « poser » la question du pouvoir, à dénoncer le pouvoir exécutif, à soutenir tout ce qui va vers la généralisation et la centralisation des mouvements contre lui, à relier chaque revendication à cette question, à dessiner des perspectives transitoires pour le remplacer. Cependant, l’absence de telles perspectives, après les déceptions et l’usure des partis issus du mouvement ouvrier un peu partout, est un trait général qui n’empêche pas que la question soit posée quand même par les mouvements sociaux réels.

Dire que la question est posée par les soulèvements au Chili, en Algérie, etc., ne signifie pas qu’il y a une réponse toute prête, mais que le mouvement réel pose et affronte cette question, et donc que les « révolutionnaires » ne doivent surtout pas attendre, l’arme « programmatique » au pied, qu’il se casse le nez faute d’avoir une formule gouvernementale à sa disposition (avoir une telle formule peut arriver, mais c’est loin d’être le cas le plus fréquent aujourd’hui), et au contraire doivent pousser pour que le mouvement réel lui-même s’organise, s’arme, forme ses comités, élise une constituante … avançant donc vers la réponse « concrète », qui est une nouvelle forme d’État – hé oui, la commune, l’État démocratique prolétarien, la République sociale …, n’est pas une vue théorique de l’esprit, mais est la forme concrète à laquelle tend la lutte contre les pouvoirs exécutifs du capital, comme quand la foule à Minneapolis a lancé « dissolution de la police ».

Nous retrouvons ici la formule de Jacques Chastaing sur « l’inversion des rapports du social au politique », que je n’interprète pas dans le sens d’une diminution du « politique » proprement dit, mais au contraire dans celui d’une densification du contenu politique des luttes sociales, poussées à construire elles-mêmes leur débouché politique (ce qui a été l’histoire réelle de la politique, d’ailleurs, si l’on veut bien y réfléchir …). Ce processus n’est pas automatique et une action politique consciente garde tout à fait sa raison d’être et sa nécessité.

Inde.

En conclusion, les récents développements en Inde sur lesquels porte l’article de Jacques du 30 novembre, se poursuivent. La non diffusion de ces informations décisives est frappante.

Les marches massives de paysans, marchant sur le siège du pouvoir exécutif – ne posent-ils pas la « question du pouvoir » ? – ont abouti, après plusieurs jours d’affrontement impliquant des dizaines de millions de manifestants, à un appel lancé par les assemblées de marcheurs du Delhi, et diverses organisations de tout le pays, pour un Janata/Bharat Bandh, grève générale le mardi 8 décembre, littéralement un « couvre-feu » contre le pouvoir, les chauffeurs routiers partant, à l’échelle de l’Inde, en grève illimitée le lundi 7, avec blocage des routes. Les organisations paysannes appellent nommément les ouvriers, les salariés, et les femmes, à se joindre à elles. Les 10 confédérations syndicales ont décidé d’appeler à la grève générale du 8 décembre, la seconde depuis le 26 novembre qui avait vu 250 millions de grévistes. L’Inde vit donc au rythme de journées de grève générale reliées entre elles par les marches paysannes et les barrages routiers. Les deux PC indiens et les partis bengalis « Bloc des étrangers » et « Parti socialiste révolutionnaire » déclarent appuyer le mouvement, qui apparaît, en tant que tel, comme la force motrice. Officiellement les revendications des organisations paysannes et des syndicats ne comportent pourtant pas le renversement de Modi, mais l’abrogation de la plupart de ses mesures « libérales » récentes, qui, s’il devait l’accorder, en ferait, d’un Bonaparte dangereux, un président impuissant. De fait, c’est bien la question du renversement du pouvoir en place, cela à tous les niveaux, qui est posée par le mouvement réel.

C’est la première fois qu’à une telle échelle, celle du pays à présent le plus peuplé du monde (l’Inde est passée devant la Chine), se produit un tel mouvement, analogue à beaucoup d’autres depuis un an et demi dans ses formes principales : revendications économiques et démocratiques de masse, généralisation et centralisation contre le pouvoir exécutif.

Le gigantisme de l’échelle indienne est, par lui-même, une étape nouvelle de la crise mondiale, qui prolonge directement et accentue les traits du tournant constitué par la manière dont Trump a perdu. Avec Modi, comme avec Poutine depuis Minsk, commence l’affaiblissement des « successeurs sinistres » des dirigeants capitalistes mondiaux. La question chinoise émerge donc avec d’autant plus de relief – et la Thaïlande connaît elle aussi un soulèvement démocratique. Nous y reviendrons prochainement.

La situation française n’est nullement en dehors de cette tectonique globale. D’une certaine façon, l’explosion démocratique contre les lois liberticides de Macron, combinée à une série de difficultés et d’auto-affaiblissements de l’exécutif, prend la suite des deux coups de semonce précédents, ceux des Gilets jaunes et de la défense des retraites. Poser la « question du pouvoir » en France sous la forme de la nécessité et de la préparation de l’affrontement pour chasser Macron avant 2022, voilà qui n’est nullement hors sol par rapport à la mondialisation, comme on dirait dans les écoles de commerce !

Vincent Présumey, le 05/12/2020.


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