Documentaire : « Un pays qui se tient sage »

mardi 20 octobre 2020.
 

Le titre du documentaire de David Dufresne, « Un pays qui se tient sage », plus qu’une allusion à la réflexion goguenarde d’un CRS filmant ses collègues surveillant des lycéens à genoux, mains sur la tête, illustre l’unique perspective d’un pouvoir aux abois. Après avoir tenu la chronique et le décompte des violences policières durant cette période Gilet Jaune avec « Allo place Beauvau », le journaliste revient sur les pratiques et interprétations de ce « maintien de l’ordre » si particulier.

Pas de voix off sur des images d’une grande force, violentes, parfois sanglantes, ni de sous-titres avant le générique final qui identifie les intervenants. Le dispositif est fondé sur un dialogue constant et contradictoire suscité par la projection de vidéos que découvrent parfois les participants des deux camps. Parmi les thèmes abordés, celui du monopole de la violence légitime revendiquée par l’État. Une légitimité qu’une confusion assimile à la légalité et dont il apparaît très vite qu’elle ne peut se réduire à un principe transcendant. Quel ordre défendent les forces de l’ordre ? Qui les donnent ? La réponse relève évidemment d’une politique, de sa légitimité propre, et déborde le cadre policier. Comme l’évocation de la violence qui ne dit rien en soi.

Mélanie, assistante sociale des quartiers nord d’Amiens a eu les vertèbres cervicales brisées par un coup de matraque porté par un commissaire chargeant à la tête de ses troupes. A-t-il été décoré pour avoir frappé par derrière cette femme Gilet Jaune qui s’éloignait paisiblement ? Le témoignage de Mélanie est concret et implacable. En contrepoint des débats fumeux des chaînes d’info en continu relatifs aux dites « violences des manifestants », elle énumère calmement celles subies au quotidien par la population : violences matérielles, physiques, symboliques...

La mobilisation des Gilets Jaunes, leur organisation, comme le film ont été permis par les performances techniques des mobiles et de l’Internet. Chaque citoyen a pu faire fonction de journaliste. Déniées par Macron, les exactions policières sont devenues visibles. Cette potentialité de publicité des actes a incité David Dufresne à y voir un levier capable d’influer sur le comportement de l’institution. Mais les récentes déclarations de Darmanin sont sans équivoque. Il envisage pour la couverture des manifestations une accréditation (!) préfectorale -et des seuls journalistes cartes de presse- ainsi que l’obligation de flouter les visages des forces de l’ordre dans la presse et les réseaux sociaux. Le Benalla frappeur déguisé en policier aurait apprécié...

Jean-Luc Bertet


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