Faut-il payer la dette ? Réalité historique, fantasmes et manipulations.

dimanche 24 juillet 2022.
 

Nous avons montré dans un autre article que la dette publique contractée par un État auprès de puissances financières privées constituait la « chaîne d’or » assujettissant cet État à la grande bourgeoisie nationale ou internationale.

Nous présentons ici une approche socio historique de la dette grâce au travail remarquable du Monde diplomatique publiait en octobre 2020.

Non seulement la dette réelle ou imaginaire, matérielle ou morale constitue un moyen très efficace de domination, comme l’a montré l’anthropologue Maurice Godelier dans son ouvrage l’Idéel et le matériel (Éd. Fayard) mais crée et entretient chez le dominé emprunteur un sentiment de culpabilité. Ce sentiment est évidemment exploité par le dominant sou différentes formes.

À cela s’ajoute un sentiment de peur : la peur latente de ne pouvoir rembourser sa dette.

Remarquons pour la période contemporaine que l’assujettissement du salarié à son employeur repose non seulement sur un rapport économique de domination mais aussi sur un rapport psychologique de domination : la dette de l’emploi, c’est-à-dire le fait que le salarié est redevable de son emploi à son patron. Cela permet d’induire dans la conscience aliénée du salarié l’idée que le créateur de richesse n’est pas essentiellement le travailleur mais l’employeur, vision largement propagée par les médias bourgeois. Cet aspect de la dette n’est pas abordé dans l’article qui suit mais il m’a semblé utile de le mentionner.

Au niveau macro économique, comparer la dette d’un État à la dette d’une entreprise ou d’un ménage constitue une véritable manipulation ou mystification politique.

Il n’y a aucune obligation absolue pour un État de rembourser sa dette. Évidemment, pour des néolibéraux comme Macron et d’autres qui considèrent un état comme une entreprise, voire une start-up, cette comparaison a un sens et elle est bien utile pour induire un sentiment de culpabilité !

L’économiste Gaël Giraud explique clairement pourquoi une telle comparaison n’a pas de sens du poiny de vue technique et économique. Voir son interview sur thinkerview (à partir de la 30e minute et surtout la 40e minute).

https://www.youtube.com/watch?v=-8j...

Sa résolution du problème de la dette des états en Europe rejoint complètement celle proposée par Jean-Luc Mélenchon dans son exposé : pourquoi et comment annuler la dette des Etats européens. (Publiée le 19/04/2000) https://melenchon.fr/2020/04/19/pou...

Voici l’article du .

Faut-il payer la dette ? Monde diplomatique

Source : Manière de voir 173. Octobre–novembre 2020

Qu’est-ce que la dette ? Comment naît-elle ? À quoi sert-elle et à qui sert-elle ? Voici certaines des questions auxquelles s’emploie à répondre cette nouvelle livraison de « Manière de voir », qui consacre un chapitre entier à l’interrogation qui hante les populations européennes depuis la crise de 2010 : faut-il vraiment la payer ?

Source Internet : Le Monde diplomatique octobre 2020

Les graphiques illustrant l’article sont disponibles sur le site du Monde diplomatique (en cliquant sur l’adresse URL portée en source (haut de page, couleur rouge).

Interrogé par le Wall Street Journal le 30 novembre 2011, au cœur de la crise qui a plongé des millions d’Européens dans la détresse, le chef du gouvernement néerlandais Mark Rutte se dit ravi : grâce au krach financier, les marchés ont pu remettre plusieurs pays dans le droit chemin. Une aubaine ! « J’estime que la pression des marchés est une bonne chose, explique-t-il. Regardez ce qui s’est passé en Espagne : un nouveau gouvernement. En Italie : un nouveau gouvernement. En Grèce : un nouveau gouvernement. En France, vous avez un président qui, pendant quarante-cinq minutes, explique aux téléspectateurs qu’il faut davantage ressembler à l’Allemagne. Qui aurait pu imaginer tout cela il y a deux ans ? Inconcevable. »

Question de culture…

« Le constat [de la commission Pébereau sur la dette] n’est ni de gauche ni de droite. Il s’impose à tout gouvernement. C’est pourquoi la commission, toutes sensibilités politiques confondues, a approuvé une analyse et des orientations qui rompent avec le laxisme du quart de siècle écoulé. (…) À quoi est due cette situation ? À la persistance de deux phénomènes qui s’encouragent l’un l’autre : l’incapacité de l’État à se réformer ; la préférence française pour la dépense. » Jacques Julliard, membre de la commission Pébereau, Le Nouvel Observateur, n° 2145, Paris, 15 décembre 2005.

250 000 000 000 000

C’était le montant total (en dollars) de la dette dans le monde, en 2019. Soit l’équivalent de 320 % du produit intérieur brut mondial. Source : Les Échos, Paris, 17 novembre 2019.

Dans l’ensemble des langues indo-européennes, les mots qui signifient « dette » sont des synonymes de ceux qui veulent dire « péché » ou « culpabilité ».

L’erreur bête

En 2010, Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, deux économistes de Harvard, publient un article universitaire traitant d’une question brûlante : faut-il amputer les dépenses publiques de façon à contrôler le déficit ? Ou vaut-il mieux que l’État s’endette pour relancer la machine ? Sur la base d’une étude comparant de nombreux pays, sur des périodes de temps variées, les coauteurs déterminent que la croissance chute dès que la dette d’un pays dépasse 90 % de son produit intérieur brut (PIB). Rapidement, de nombreux dirigeants politiques, aux États-Unis et en Europe, s’emparent de leurs travaux pour justifier l’austérité qu’ils imposent à leurs populations. Trois ans plus tard, Robert Pollin, Thomas Herndon et Michael Ash décortiquent les analyses des deux auteurs, devenus célèbres, et découvrent qu’elles reposent sur des erreurs de calcul et des méthodes « non conventionnelles » de lissage des données. En reprenant les mêmes chiffres de départ, mais en éliminant les erreurs relevées, Pollin, Herndon et Ash montrent que les pays dont le ratio dette/PIB dépasse 90 % enregistrent une croissance moyenne de 2,2 % (contre — 0,1 % chez Reinhart et Rogoff), comparable ou supérieure à celle des pays affichant un ratio compris entre 30 et 90 %. La nouvelle étude suggère par ailleurs que le rapport entre le montant de la dette et la croissance varie tellement d’un pays à l’autre, et d’une période à l’autre, qu’il est pratiquement impossible d’en tirer la moindre conclusion. Soudain, l’austérité imposée aux populations d’Europe et des États-Unis redevient clairement ce qu’elle n’avait jamais cessé d’être : non pas une évidence déterminée par la science, mais le choix politique de fragiliser les plus démunis.

Désintoxication

Invité de RMC le 19 décembre 2011, M. Jean-Pierre Jouyet, alors président de l’Autorité des marchés financiers (AMF), explique : « Il faut qu’on se désintoxique un peu des agences de notation, on leur a donné trop de pouvoirs. En Europe, nous nous sommes mis dans les mains des agences de notation parce que vous avez beaucoup de textes, de directives, de règlements qui disent : vous ne pouvez vendre tel produit d’épargne ou vous ne pouvez mettre sur le marché tel produit financier que s’il a une note triple A. Ce qui explique que le triple A soit quand même un petit enjeu… » Les trois grandes agences de notation ont accordé le triple A à Lehman Brothers peu avant que la banque ne disparaisse.

Bouc émissaire

Exilé fiscal en Suisse, M. George Koukis, fondateur de Temenos, leader mondial sur le marché des logiciels bancaires et 58e fortune grecque, ne voit pas pourquoi il devrait contribuer à rembourser la dette de son pays :

« Quand les choses vont mal, les gens ont besoin de voir d’autres personnes souffrir. Il leur faut un bouc émissaire. S’en prendre aux riches est totalement stupide : ce sont eux qui créent l’emploi. (…) La Grèce a apporté au monde les lumières de la civilisation, elle a développé le concept de philosophie, Platon et Aristote sont toujours étudiés dans les universités… et maintenant, elle se met à mendier pour permettre à certains de maintenir leur style de vie ? Je ne leur donnerai pas un centime. Parce qu’il serait volé ou en tout cas mal utilisé. Même si tous les Latsis, Niarchos [grandes fortunes du pays] et autres Koukis du monde pouvaient régler la dette, cela ne changerait rien : douze mois plus tard, l’ornière serait la même. »

Source : Le Temps, Genève, 23 novembre 2011.

Derrière les paroles

Alors ministre de l’économie sous le gouvernement de M. Édouard Balladur, M. Nicolas Sarkozy écrit :

« Le déficit d’hier est la dette d’aujourd’hui que les Français devront rembourser demain. » (Le Monde, 26 août 1994).

Le gouvernement de M. Balladur est l’un de ceux qui ont le plus accru le poids de la dette tout en procédant à des privatisations en chaîne.

Endettement originel

« À l’origine de la monnaie, il y a une “relation de représentation” de la mort comme monde invisible, en deçà et/ou au-delà de la vie, représentation qui est le produit de la fonction symbolique propre à l’espèce humaine et qui fait de la naissance à la vie un endettement originel de tout homme à l’égard des puissances représentatives du tout cosmique dont l’humanité est issue. (…) Le paiement de cette dette, dont on ne peut néanmoins jamais se libérer sur la terre — car son remboursement intégral y est hors de portée —, prend la forme de sacrifices qui permettent, en restaurant le crédit des vivants, de prolonger la vie, voire dans certains cas d’atteindre l’éternité en rejoignant les dieux. Mais cette créance-croyance inaugurale se traduit aussi par l’émergence de pouvoirs temporels souverains dont la légitimité réside dans leur capacité à représenter le tout cosmique originel. Et ce sont ces pouvoirs qui inventent la monnaie comme moyen de règlement des dettes, un moyen dont l’abstraction permet de résoudre le paradoxe sacrificiel faisant de la mise à mort le moyen permanent de la protection de la vie. Par cette institution, la croyance est à son tour transférée sur la monnaie frappée à l’effigie du souverain, monnaie mise en circulation mais dont le retour est organisé par cette autre institution qu’est l’impôt-rachat de la dette de vie. La monnaie apparaît bien ainsi d’emblée dans sa fonction de moyen de paiement. » Bruno Théret, « Les dimensions socio-politiques de la monnaie », Revue du Marché commun et de l’Union européenne, Paris, 1998.

Hexagone soviétique !

« Aujourd’hui, on maintient notre modèle social en prenant dans la poche des générations futures ! (…) Vous savez combien c’est, la dette ? (…) C’est pas 20 000 euros par habitant, si on tient compte des provisions pour retraite des fonctionnaires, c’est 40 000 euros ! Et si on tient compte du fait qu’un enfant rembourse pendant son berceau et quand il est au travail, il y a un Français sur trois à qui ça fait 120 000 euros. Moi je n’accepte pas un modèle, ce que Jacques Lesourne avait appelé un “modèle soviétique réussi” (…), un modèle qui prend dans la poche des enfants pour maintenir sous perfusion un modèle social qui est dépassé. » Michel Godet, « France Europe Express », émission animée par Christine Ockrent, France 3, 4 février 2007.

38,27 %

C’est la part du budget fédéral que le Brésil consacre aux intérêts et à l’amortissement de la dette publique. La santé ne reçoit que 4,21 %, l’éducation 3,48 % et la défense nationale 2,78 %. Source : Auditoria cidadã da dívida, mai 2020.

C’est la chute du taux d’imposition sur le revenu le plus élevé dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), passé de 65 % à 41 % entre 1981 et 2014. Dans le même temps, l’impôt sur les sociétés a chuté de 47 % à 25 % des bénéfices. Source : OCDE.

À méditer

En 2012, le secteur financier chypriote, déréglementé, prend la tasse. Les banques du pays, la Banque de Chypre et la Laiki Bank en particulier, avaient octroyé à la Grèce des prêts privés pour un montant supérieur au produit intérieur brut (PIB) de l’île. En avril 2013, la « troïka » — FMI, Banque centrale européenne (BCE) et Commission européenne — propose donc un « plan de sauvetage » de 10 milliards d’euros. Elle le conditionne à un programme d’ajustement qui inclut la réduction du secteur public, la suppression du système de retraite par répartition pour les nouveaux fonctionnaires, la privatisation des entreprises publiques stratégiques, des mesures d’ajustement budgétaire jusqu’à 2018, la limitation des dépenses sociales et la création d’un « fonds de sauvetage financier » dont l’objectif est de soutenir les banques. Mais la troïka avance une autre idée, que les dirigeants n’auraient pas manqué de dénoncer comme une forme de confiscation si elle avait été décidée au Venezuela : le gel des dépôts des particuliers supérieurs à 100 000 euros. Une leçon à retenir dans le cas où une « gauche de gauche » parvenait au pouvoir ?

- 10

C’est la différence, en milliards de dollars, entre le montant des prêts versés à l’Afrique (540 milliards de dollars) et les remboursements qu’elle a fait parvenir à ses créanciers (550 milliards de dollars) entre 1970 et 2002.

26 milliards de dollars

C’est, selon l’ancien premier ministre algérien Abdelhamid Brahimi (1984-1988), le montant des détournements et pots-de-vin sur les marchés publics signés avec l’étranger en vingt ans, soit l’équivalent de la dette extérieure de l’État. En 1990 dans un pays confronté à la montée de l’islamisme, cette déclaration exacerbe les tensions et oblige le Parlement à mettre en place une commission d’enquête, qui ne débouchera sur rien.

« Nous avons choisi l’endettement, qui est préoccupant, contre la faillite, qui aurait été désastreuse. »

Gérard Darmanin, alors ministre de l’action et des comptes publics (équivalent de ministre du budget), RTL-LCI, le 24 mai 2020.

Quand les banquiers perdent

Ayant tiré les leçons de la crise immobilière espagnole de 2010, quand des milliers de personnes ayant perdu les moyens de payer leur logement avaient été expulsées, l’Équateur décide en 2012 de protéger les personnes incapables de rembourser leurs dettes, au grand dam des banques du pays. Cette année-là, le Parlement national vote une loi qui contraint les établissements bancaires à faire grâce de leurs dettes aux primo-acquérants de propriétés d’une valeur inférieure à 146 000 dollars (environ 130 000 euros), lorsqu’ils font défaut sur leur emprunt et doivent abandonner leur habitation. Les promoteurs de la loi précisent alors que, si l’Espagne avait adopté un dispositif similaire, elle aurait évité la crise immobilière qui a fait perdre leurs logements à tant d’Espagnols.

77 %

Part des fonds consacrés depuis 2010 par l’Union européenne et le Fonds monétaire international au « sauvetage » de la Grèce qui ont atterri dans les coffres du monde de la finance. Source : Attac, 2013.

Morale

« Depuis l’époque coloniale, les Américains sont le peuple le moins favorable aux débiteurs. C’est curieux, en un sens, pour un pays qui a été en grande partie peuplé par des débiteurs en fuite. Mais c’est aussi un pays où l’on pense que la morale consiste à payer ses dettes : cette idée est ancrée plus profondément que toute autre ou presque. Du temps des colonies, on clouait souvent l’oreille du débiteur insolvable à un poteau. Les États-Unis ont été l’un des derniers pays du monde à se doter d’un code des faillites, alors qu’en 1787 la Constitution avait spécifiquement chargé le nouveau gouvernement d’en établir un. Toutes les tentatives ont été rejetées “pour raisons morales” jusqu’en 1898. » Source : David Graeber, Dette. 5000 ans d’histoire, Les Liens qui libèrent, Paris, 2013.

690 %

C’est le montant de la dette externe totale de la République d’Irlande rapporté à son produit intérieur brut (PIB). La part du gouvernement dans ce total équivaut à 40 % du PIB ; celle des « autres secteurs », notamment privé (ménages, mais surtout entreprises), s’élève à 410 % du PIB. Source : FMI, juin 2020.

« Bilan globalement positif »

« Peut-on laisser aux générations futures une telle charge [en référence au montant de la dette publique] ? La question est sur toutes les lèvres et elle paraît de bon sens, même si elle est sans doute toujours mal posée. Car, d’une génération à l’autre, il ne faut pas oublier qu’on lègue des dettes mais aussi des actifs (financiers, immobiliers, artistiques, etc.). Or le solde est malgré tout globalement positif ! » Jean-Pierre Robin, Le Figaro, Paris, 27 mai 2020.

« Rembourser sa dette externe en ce moment, c’est faire le choix de voir mourir des gens. »

Rafael Correa, président de l’Équateur de 2007 à 2017, El Salto, Madrid, 9 avril 2020.

4

C’est le nombre de fois où les pays d’Afrique subsaharienne avaient remboursé la dette contractée entre 1980 et 2001. La logique implacable des taux d’intérêt faisait qu’il s’affichait à l’issue de cette période une dette trois fois supérieure à son montant initial. Source : Comité pour l’annulation des dettes illégitimes (CADTM), 2020.

25 746 000 000 000

Montant, en dollars, de la dette des États-Unis au 31 mai 2020. Source : département du Trésor américain.

Du désendettement à l’irruption des fonds vautours

Si de nombreux États du continent africain se sont désendettés grâce à l’envol du cours mondial des matières premières, d’autres ont été menacés par des fonds d’investissement baptisés « fonds vautours ». Ceux-ci achètent à prix bradés, sur le marché secondaire, des créances dues par des États en difficulté. Ils attendent ensuite le retour de ces pays à une situation normale (la fin de troubles politiques, par exemple), puis ils les traduisent devant les juridictions des États-Unis et du Royaume-Uni pour le recouvrement des dettes, des arriérés de remboursement et des intérêts. Le nombre exact d’attaques est difficile à évaluer, car, pour ne pas affecter leur image, les États préfèrent éviter la médiatisation et négocient avec les fonds vautours en marge des tribunaux.

Que faire des usuriers ?

Au XIIe siècle, la papauté donne instruction aux paroisses locales d’excommunier tous les usuriers connus. Il ne fallait pas leur permettre de recevoir les sacrements, et il n’était pas question d’enterrer leurs corps en terre consacrée. Un cardinal français, Jacques de Vitry, qui écrivait vers 1210, raconte l’histoire d’un usurier particulièrement influent, dont les amis avaient tenté de faire pression sur le prêtre de leur paroisse pour l’amener, au mépris de la règle, à autoriser l’enterrement de celui-ci dans la cour de l’église locale : « Comme les amis de l’usurier mort insistèrent beaucoup, pour échapper à leurs pressions le prêtre fit une prière et leur dit : “Posons son corps sur un âne et voyons la volonté de Dieu et ce qu’il en fera : où que l’âne l’emporte, que ce soit dans une église, un cimetière ou ailleurs, je l’enterrerai.” Le cadavre fut placé sur l’âne, qui, sans dévier à droite ni à gauche, l’emmena tout droit hors de la ville jusqu’au lieu où les voleurs étaient pendus au gibet ; et d’une forte ruade il projeta le cadavre sous les fourches patibulaires dans le fumier. » Source : David Graeber, Dette. 5000 ans d’histoire, Les Liens qui libèrent, Paris, 2013.

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Nombre de prêts qui lient la Chine au Venezuela, le pays latino-américain le plus endetté vis-à-vis de Pékin, pour un montant de 67 milliards de dollars, contre 29 milliards pour le Brésil, 17 milliards pour l’Argentine et 2,5 milliards pour la Bolivie. Source : BBC, 28 novembre 2019.

« La zone euro est une zone monétaire de solidarité complète. » Christine Lagarde, alors ministre des finances française, le 11 décembre 2009.

240 %

C’est le niveau de la dette japonaise comparée à la production de richesse annuelle du pays, le produit intérieur brut (PIB). Comment expliquer une telle situation, alors qu’un ratio de 100 % est en général présenté par les économistes en vue comme une autoroute vers le désastre ? Principalement par le fait que la dette japonaise est détenue à près de 50 % par la Banque centrale japonaise et à 40 % par les épargnants nationaux. Les marchés ne sont donc pas en mesure de mettre la politique économique de l’Archipel sous tutelle. Source : Banque du Japon.

69 %

C’est le niveau de la dette publique indienne rapportée au produit intérieur brut (PIB).

Ancien Régime

« Le drame [en 1788] — et nous voici directement concernés —, c’est l’énorme déficit budgétaire, le trou vertigineux de la dette publique : la moitié des recettes y passe. Or Louis XVI n’est pas resté passif, convaincu de la nécessité des réformes. (…) Cette tentative [d’égalisation des ordres devant l’impôt] se heurta à la résistance des castes. (…) Un budget béant (…), une impossible réforme fiscale, des privilégiés d’un nouveau genre qui, tout autant que ceux de l’Ancien Régime, se crispent sur leurs avantages acquis… Il se pourrait que nous soyons de nouveau en 1788. » « Un roi pas si nul », éditorial de L’Histoire, n° 303, Paris, novembre 2005.

À moins qu’il ne soit interdit bancaire, chaque Américain possède en moyenne quatre cartes de crédit. Au troisième trimestre 2019, le montant des crédits à la consommation aux États-Unis a dépassé la barre des 1 000 milliards de dollars, soit environ 8 400 dollars par foyer – un chiffre qui ne prend pas en compte les sommes empruntées pour acheter des voitures.

70 %

C’est la part de la dette publique suédoise détenue par des non-résidents. Elle est de 76 % à Chypre, de 65 % en Italie, de 51 % en France, de 50 % en Allemagne et de 13 % au Portugal. Source : Eurostat, 2019.

« En confiant aux marchés la quasi-exclusivité du financement d’une dette publique au volume fortement croissant, les États se mettent dans une position d’infériorité stratégique relative, et sont conduits à accepter les conditions qui leur sont faites par leurs bailleurs. » Frédéric Lordon, Les Quadratures de la politique économique. Les infortunes de la vertu, Albin Michel, Paris, 1997.

Mystère

« L’Amérique latine n’a peut-être jamais subi de pillage comparable à celui de la dernière décennie. Avec la complicité du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale, certains dirigeants sont allés jusqu’à voler les fers à cheval de montures lancées au galop. Au cours de ces années où « privatisation » était le maître mot, tout était bon pour gonfler le panier garni de la grande loterie libérale. Même les carreaux des trottoirs, les lions dans les zoos. Et tout est parti en fumée. Des pays entiers ont changé de main — « c’était le seul moyen de régler la dette extérieure », nous expliquaient les dirigeants. Mais, mystérieusement, la dette s’est démultipliée entre les doigts du président argentin Carlos Menem et de ses homologues. Et les citoyens, les invisibles, se sont retrouvés sans pays, avec une immense dette à payer, des plats cassés de ce parti des autres, et avec des gouvernements qui ne gouvernent pas, parce qu’ils étaient gouvernés depuis l’étranger. Les gouvernements lèvent poliment la main, font leurs devoirs et se présentent devant leur jury : non pas les citoyens, qui votent ; mais les banquiers, qui décident. » Eduardo Galeano, Pagina 12, Buenos Aires, 1er décembre 2001 (traduction du Monde diplomatique).

Aux États-Unis, vingt ans après avoir commencé l’université, les Blancs ayant souscrit un prêt pour financer leurs études ne doivent plus que 6 % de la somme empruntée. Pour les Noirs, la part s’élève à 95 %.

Annexe :

Tout savoir sur la dette publique http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Dette publique : un instrument puissant de domination de l’oligarchie financière sur l’État. http://www.gauchemip.org/spip.php?a...

Hervé Debonrivage


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