Nicolas Sarkozy sera jugé pour corruption

samedi 27 juin 2020.
 

La Cour de cassation a rejeté les différents recours. Pour la première fois sous la Ve République, un ancien président sera jugé pour corruption.

Nicolas Sarkozy n’échappera pas au procès dans l’affaire des écoutes. La justice a validé ce mardi son renvoi devant le tribunal correctionnel, notamment pour la « corruption » d’un haut magistrat de la Cour de cassation dans cette affaire révélée par des écoutes téléphoniques, a appris mercredi l’Agence France-Presse de sources concordantes.

La Cour de cassation a rejeté mardi les derniers recours formés par l’ancien chef de l’État, son avocat Thierry Herzog et l’ex-haut magistrat Gilbert Azibert pour éviter un procès pour « corruption » et « trafic d’influence ». Ce procès, qui s’annonce comme une première pour Nicolas Sarkozy, par ailleurs menacé par l’affaire Bygmalion, devrait se tenir à Paris dans les prochains mois. Pour la première fois sous la Ve République, un ancien président sera jugé pour corruption.

Les suites de l’affaire Bettencourt

Nicolas Sarkozy, retraité politique depuis sa défaite à la primaire de la droite fin 2016, est soupçonné d’avoir tenté d’obtenir début 2014, via son avocat Thierry Herzog, des informations secrètes auprès de Gilbert Azibert dans une procédure concernant la saisie de ses agendas dans l’affaire Bettencourt – soldée pour lui par un non-lieu en 2013 – en échange d’un coup de pouce pour un poste prestigieux à Monaco.

Au terme de leur instruction, émaillée de nombreux recours, les juges avaient ordonné, le 26 mars 2018, un procès pour « corruption » et « trafic d’influence » contre les trois hommes, conformément aux réquisitions du Parquet national financier (PNF) en octobre 2017. Thierry Herzog et Gilbert Azibert seront aussi jugés pour « violation du secret professionnel ». Le PNF avait comparé les méthodes de Nicolas Sarkozy avec celles d’« un délinquant chevronné » et stigmatisé les nombreux recours intentés par ses avocats qui avaient « paralysé » l’instruction.

La fausse identité de Nicolas Sarkozy

L’affaire trouvait son origine dans les interceptions de conversations téléphoniques de l’ex-chef de l’État avec son avocat, diligentées dans le cadre d’une autre enquête, celle sur les accusations de financement libyen de sa campagne de 2007. Grâce à ces écoutes, les policiers avaient notamment découvert que Nicolas Sarkozy utilisait un portable secret ouvert au moyen d’une carte prépayée sous l’alias de « Paul Bismuth » pour communiquer avec un unique interlocuteur : son avocat. D’après les conversations enregistrées, Nicolas Sarkozy semblait s’engager à intervenir en faveur de Gilbert Azibert pour un poste de prestige sur « le Rocher », qu’il n’a finalement jamais eu.

Nicolas Sarkozy avait renoncé à cette démarche au dernier moment, toujours d’après ces écoutes. Pour les enquêteurs, ce revirement peut s’expliquer par le fait que Nicolas Sarkozy et Thierry Herzog venaient d’apprendre que leurs téléphones secrets avaient été placés sur écoute. Les enquêteurs se sont aussi interrogés sur d’éventuelles interventions de Gilbert Azibert, que ce dernier réfute, pour influer sur la décision des magistrats de la Cour de cassation qui avaient rendu une décision défavorable à l’ex-chef de l’État sur ses agendas, dont le contenu était susceptible d’intéresser des magistrats enquêtant dans d’autres dossiers, notamment l’arbitrage Tapie. « M. Azibert n’a rien obtenu, je n’ai pas fait de démarche et j’ai été débouté par la Cour de cassation » concernant les agendas, s’était défendu l’ancien président après sa mise en examen.

Écoutes validées en 2016

Les écoutes policières, socle de l’accusation, avaient été validées par la Cour de cassation en mars 2016. Mais elles devraient encore alimenter une âpre bataille à l’ouverture du procès. Dans ses derniers recours, la défense de Nicolas Sarkozy soulevait notamment une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) datant de juin 2016 selon laquelle une retranscription d’écoutes peut être utilisée contre un avocat, mais pas contre son client. « La Cour de cassation n’a pas écarté les moyens de droit qui avaient été soulevés par la défense, mais a choisi de laisser au tribunal le soin de les trancher », a réagi dans un communiqué à l’Agence France-Presse son avocate, Jacqueline Laffont. « Il appartiendra au tribunal de dire si une juridiction française peut s’affranchir d’une décision » de la CEDH, a-t-elle notamment déclaré.

Nicolas Sarkozy, qui a exclu récemment toute velléité de retour au sein des Républicains, plombés par une crise interne après leur déroute aux européennes, vit sa retraite politique sous pression judiciaire : à côté des dossiers Azibert et Bygmalion, il a été mis en examen le 21 mars 2018, notamment pour corruption passive, dans l’affaire libyenne.


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