Renault. Déroute écologique et sociale totale

lundi 8 juin 2020.
 

La vague de la crise sociale arrive. Ce sera la plus ample que notre pays aura connu dans son histoire récente. En un mois, 840 000 chômeurs supplémentaires. Un million de plus en trois mois. Jamais la catégorie qui comptabilise les chômeurs qui ne travaillent plus du tout n’avait passé la barre des 4 millions de personnes. Ils sont désormais près de 4,6 millions. Et le pire reste à venir. L’industrie va être très durement touchée par les plans sociaux. Le Covid a bon dos. Les grandes firmes en profitent. Elles mettent en œuvre leurs plans les plus bornés d’avant crise. Pour sortir en tête du déconfinement et de la reprise des ventes qu’elles espèrent, la course à la « profitabilité » est repartie plus fort, plus vite, plus profondément. La globalisation financière fait la police. Politique absurde qui compte sur l’échec des autres en rendant du même coup la demande insolvable. Dans les 10 années qui ont suivi la crise de 2008, la France avait déjà perdu le cinquième de ses emplois industriels ! Cette fois-ci s’annonce pire.

Renault ouvre le jeu de massacre. Ses difficultés datent d’avant le coronavirus et le confinement. La marque française subissait déjà les contrecoups des attaques judiciaires japonaises contre Carlos Ghosn et surtout contre l’alliance entre Renault et Nissan. Évidemment, le confinement forcé de la moitié de l’humanité a largement empiré la situation. L’économie du pétrole et de la mobilité s’est soudainement bloquée. Les cours du baril en ont subi la première conséquence. L’industrie automobile est logiquement victime à son tour. En France, les ventes de voiture ont baissé de 70% en mars puis de 90% en avril. Les concessionnaires ont 400 000 automobiles invendues sur les bras.

Face à cette situation, la direction de Renault et le gouvernement appliquent des stratégies à courte vue. L’entreprise d’abord veut avant tout rétablir un retour sur investissement attrayant pour ses actionnaires. Sa priorité est financière, pas industrielle. Ce qui la conduit à chercher à couper les coûts de production à court terme. Sans imagination, une gestion archaïque : fermer des sites industriels, délocaliser, tailler dans les effectifs. Le plan présenté par la direction vise une économie de 2 milliards d’euros. Mauvaise pioche. Les managers ne font même pas l’effort de masquer leurs forfaits. Car ces deux milliards c’est exactement la somme que Renault a versé à ses actionnaires sur les années 2018 et 2019. L’entreprise n’en serait pas là sans cette dépense somptuaire.

Pour trouver ces deux milliards, Renault va supprimer 4600 emplois en France et réduire l’activité de plusieurs sites. L’usine de Choisy-le-Roi, qui reconditionne des boites de vitesse et des moteurs serait définitivement supprimée. L’Usine de Maubeuge, considérée jusqu’à une période récente comme la plus productive du groupe en Europe cesserait de produire des utilitaires électriques après 2023. L’usine de Flins n’assemblerait plus Zoé, la voiture électrique la plus vendue en France. Les Fonderies de Bretagne et l’usine de Dieppe sont aussi concernées. On le voit, il n’y a aucune logique industrielle dans ce bricolage. Alors que le gouvernement et la direction de l’entreprise n’ont que les mots « voiture électrique » à la bouche, ils condamnent à mort plusieurs sites où se concentrent pourtant les outils et les savoir-faire pour produire ces modèles.

Du côté du gouvernement, l’argent public est distribué massivement sans objectif pour le pays ni garanties sociales. Du côté de la demande, il réactive la prime à la casse. Elle augmente de 33%. Son unique but est d’aider les constructeurs à écouler leurs stocks. Or, parmi ces stocks, 96% des voitures sont des modèles thermiques à essence ou diesel. C’est donc essentiellement une prime pour continuer le modèle productiviste, polluant et condamné de la bagnole à l’ancienne. Côté offre, après avoir financé le chômage partiel, l’État s’apprête à signer une garantie à Renault pour un prêt de 5 milliards d’euros. Il n’y attache aucune demande de garanties sociales. Bruno Le Maire refuse d’imposer quoi que ce soit, au nom de la main invisible du marché. « Nous voulons laisser la possibilité à Renault d’adapter son outil de production » a-t-il déclaré.

Le « plan de sauvetage » de l’automobile de Macron serait risible s’il n’était si coûteux humainement et socialement. Il n’est pas construit selon une logique à long-terme, celle de la planification et de l’intérêt général. L’État est actionnaire de Renault à 15%. Il a les moyens d’imposer une stratégie ambitieuse et cohérente avec la bifurcation écologique. Faut-il laisser nos constructeurs se précipiter maintenant dans la conversion du parc des voitures essence et diesel et voitures électriques à batteries à lithium ? Nous n’avons aucune réserve de lithium en France. Il faut le faire venir de très loin et son extraction se fait à un coût écologique et social très élevé. Par ailleurs, la Chine a commencé à investir dans cette technologie il y a dix ans. Aujourd’hui, il vaudrait mieux préparer le prochain saut technologique, plus écolo : les piles à hydrogène ou d’autres batteries. La France peut être à la pointe pour les dix prochaines années plutôt que d’être à la traine.

Cela ne pourra se faire que dans un cadre où l’État reprend un rôle industriel et trace un horizon. Ce cadre, c’est celui de la planification écologique. Au contraire de la logique financière appliquée sans aucun recul, il impose de conserver les emplois. Les qualifications ouvrières, les collectifs de travail sont la principale richesse pour faire la grande bifurcation écologique. Nous en priver toujours plus est suicidaire. C’est pourquoi dans le cas de Renault, l’intérêt général est du côté des syndicats et des salariés qui défendent leur emploi et leur outil de travail.

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