Il nous faut retrouver au plus vite les moyens du collectif

dimanche 3 mai 2020.
 

La philosophie stoïcienne se résume souvent à cette citation du Manuel d’Épictète : « il y a des choses qui dépendent de nous, et des choses qui n’en dépendent pas. » Toute sagesse pratique nous invite à penser ce domaine qui dépend de nous tout en nous libérant du vain espoir de maîtriser ce qui nous échappe. Vivant actif, l’être humain a la particularité de faire évoluer le domaine de ce qui dépend de lui, tant à titre individuel qu’à titre collectif.

Ce qui ne dépend pas de chacun de nous, c’est le fait de se trouver du fait de la crise sanitaire malade, confiné, assigné à travailler... Ce qui dépend d’un nous collectif, à l’ère du capitalocène, ce sont les causes profondes de cette pandémie dont l’ampleur et les conséquences en découlent directement. Hiatus d’échelle spatiale et temporelle qui paraît renforcer notre impuissance personnelle. Nous ne savons plus ce qui dépend réellement de nous et sommes ballottés dans le flot de ce que nous prenons pour destin. Cette crise nous touche dans le corps, notre être psychique, notre capacité à raisonner. Il nous faut reprendre la maîtrise de notre avenir.

Les conditions de cette reprise en main ne sont pas encore vraiment réunies. Sur le plan sanitaire, trop d’incertitudes demeurent sur les traitements, sur les bons gestes de protection – le plus souvent renforcées par les incohérence d’un gouvernement qui conserve l’œil rivé sur les effets de communication et les tableaux Excel des anciens modes de gestion. La sortie de crise ne peut être laissée à un pouvoir jupitérien, dont nous apprenons tout autant sur ses méthodes par la conférence quotidienne d’un ministre que dans Gala. Le repli sur soi de l’exécutif, persuadé de faire la guerre, renforce ici la dépossession de notre avenir. Car on ne peut attendre du système ancien qu’il se renouvelle.

Le confinement affecte chacun d’entre nous, repliés sur une vie diminuée et déshabillée des contacts sociaux par lesquels ordinairement nous nous renforçons. Mais il n’affecte pas les oligarques qui depuis longtemps géraient leurs petites affaires en petits comités à distance. La sortie du confinement, la planification d’une société juste et écologique ne viendra pas d’eux. Il nous faut retrouver au plus vite les moyens du collectif. Le 1er mai, à nos fenêtres, multiplions les interpellations sociales et écologiques. Au lieu d’un comité Théodule faisant la synthèses des intérêts ministériels, la planification du déconfinement et la préparation de l’économie d’après doit prendre en compte la parole des syndicats, des ONG, des citoyen.e.s. Viendra alors le temps politique. Doit-il être constituant, vers une 6° République ? Passe-t-il par une dissolution de cette assemblée et l’appel aux urnes ? À nous de le dire, en reprenant la main sur ce qui dépend de nous.

Benoît Schneckenburger


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