Crise économique : les leçons de 1848

vendredi 8 mai 2020.
 

La violence de la crise économique du Covid-19 n’a guère de précédents en France en temps de paix que la crise de 1929 et celle de 1848. Cette dernière porte en elle un certain nombre de leçons et de mises en garde.

L’histoire ne se répète pas, c’est entendu. Pourtant, certaines circonstances du passé éclairent l’époque et mettent en garde contre les tentations de penser trop vite notre présent. La crise du coronavirus a mis à terre l’économie capitaliste que l’on croyait invincible. Le commerce et l’industrie sont à l’arrêt, la « richesse » créée sera peut-être cette année la plus faible depuis quinze ans. Le PIB pourrait chuter de 10 à 15 %. Partout, l’État s’active pour amortir le choc, vient, en pompier du capitalisme, compenser les pertes. Les milliards pleuvent et les gouvernements aiguisent leurs discours les plus sociaux pour apaiser une éventuelle colère et former une hypothétique « union nationale ».

Ce type de situation est assez rare en régime capitaliste en période de paix. Mais il est un précédent qui mérite qu’on s’y penche, celui de 1848. Certes, les deux époques sont différentes et les deux crises très lointaines en apparence. D’un côté, un virus, indépendant de la volonté des hommes, de l’autre, une révolution, produit de cette volonté. D’un côté, une économie capitaliste très avancée, de l’autre, un capitalisme naissant dans une société encore très largement rurale. Il ne s’agit pas de plaquer le passé sur le présent, mais de montrer comment les forces économiques et sociales ont réagi à une crise qui présente des éléments communs.

Car ces éléments ne manquent pas. La crise de 2020 n’arrive pas comme un coup de tonnerre au cœur d’un temps radieux. Elle frappe un capitalisme en crise latente, qui se cherche, qui peine à se remettre de la crise de 2008 et qui souffre d’une croissance structurellement faible de sa productivité. Or la révolution de février 1848 en France se produit dans un contexte économique du même type. Le capitalisme naissant subit depuis 1846 une crise financière et économique mondiale : l’emballement boursier autour des « nouvelles technologies » d’alors, notamment les chemins de fer, s’est transformé en bulle qui a éclaté. La surproduction générale est devenue évidente et plombe l’activité.

Au début de 1848, la crise semble s’apaiser, mais au prix d’une forte intervention des autorités financières. La Caisse des dépôts a racheté massivement les actions de chemins de fer, la Banque de France a multiplié les avances aux entreprises, le Trésor a inondé le pays d’argent à coups d’émissions de dettes. Comme avant 2020 finalement, l’économie était sous perfusion et les moyens pour la soutenir immenses. Marie d’Agoult, femme de Franz Liszt (et mère de Cosima Wagner), résumait la situation en ce début d’année dans son Histoire de la révolution de 1848, qu’elle publia sous le pseudonyme de Daniel Stern : « Tous les ressorts étaient tendus, le moindre événement survenu à l’improviste pouvait les briser. »

Cet événement inattendu fut la révolution des 22, 23 et 24 février 1848. Certes, avec la crise économique, la situation politique s’est tendue depuis deux ans en France. Le régime de Louis-Philippe se sent pourtant suffisamment fort pour refuser toute ouverture et toute réforme, notamment celle de l’élargissement du droit de vote. La période des révolutions parisiennes, nombreuses dans les années 1830, semble achevée. C’est donc sans inquiétude qu’il interdit un banquet de l’opposition prévu le 22 février. Et personne au sein de l’opposition n’y voit une occasion de renverser le régime. C’est pourtant ce qui se produit. Les Parisiens renversent la monarchie constitutionnelle en deux jours. Un gouvernement provisoire est installé qui proclame la République.

La surprise est totale. Et, dans les milieux économiques, elle s’accompagne d’une panique complète. Car, comme l’ont souligné Karl Marx et Friedrich Engels en entame de leur Manifeste du Parti communiste paru en janvier, « un spectre plane sur l’Europe, celui du communisme ». La France est le laboratoire des pensées socialistes et communistes avec des penseurs comme Pierre-Joseph Proudhon, Louis Blanc, Étienne Cabet ou encore les disciples de Charles Fourier et du comte de Saint-Simon. De plus, le retour de la République, proclamé le 24 février, fait craindre un retour à la terreur de l’an II et ses mesures d’économie administrée. Le fameux choc tant redouté par Marie d’Agoult se produit.

Comme aujourd’hui, c’est un double choc, d’offre et de demande. Ignorant de quoi l’avenir sera fait, les bourgeois cachent leur argent. Le crédit disparaît et la consommation de luxe ou de demi-luxe s’effondre. Or c’est principalement sur cette consommation que repose alors le capitalisme français. Comme, au reste, la situation était déjà délicate avant la révolution, « la crise révolutionnaire exagéra la crise commerciale », résume Karl Marx dans La Lutte de classes en France, qui traite de cette période. Cette paralysie conduit à un chômage de masse qui réduit violemment la demande et propage la crise au secteur agricole, le premier du pays, et à la restauration. À cela s’ajoute le fait que la révolution parisienne a déclenché une vague de fond qui emporte l’Europe. Berlin, Vienne, Milan, Budapest se soulèvent en mars. L’agitation gagne même le Royaume-Uni. Les débouchés étrangers se ferment. En mars 1848, l’économie est quasiment à l’arrêt complet.

Selon les données du Projet Maddison, qui reconstitue les PIB du passé, en 1848, le PIB par habitant de la France a reculé de 6,5 % en parité de pouvoir d’achat de 1990. C’est un chiffre exceptionnel en temps de paix. D’après la même source, et jusqu’à cette année, une telle chute annuelle du PIB par habitant ne s’était jamais rencontrée depuis, en dehors des trois guerres de 1870, 1914-1918 et 1939-1945, que lors de la grande crise de 1929 où le PIB par habitant a reculé de plus de 7 % en 1931 et 1932. À titre de comparaison, la révolution de 1830 n’avait amputé cet agrégat que de 2,5 %, tandis que la crise de 2008 l’avait réduit de 3,5 %. Autrement dit : en 2020 comme en 1848, nous vivons un choc économique d’une violence rare en temps de paix, causé par un choc externe en partie politique (n’oublions pas que le confinement, origine de la crise actuelle, est une décision politique).

L’État à la rescousse du capitalisme

Les contemporains avaient, du reste, conscience de la violence de ce choc. Dans la livraison d’avril 1848 de la très libérale Revue des Deux Mondes, Léonce de Lavergne trace un portrait saisissant qui fait écho à notre monde : « Ce brusque choc [la Révolution – ndlr ] a tout arrêté, tout brisé, tout désarticulé en un moment. L’ancienne constitution financière jonche le sol de ses débris ; toutes les existences se sentent frappées à la fois : le banquier perd son crédit, le riche son revenu, le pauvre son travail ; ce qui était hier, depuis la base de la société jusqu’au sommet, un enchaînement nécessaire de profits est aujourd’hui une succession non moins fatale de pertes et de souffrances. » Pour reprendre le thème à la mode aujourd’hui, le monde d’avant n’est plus. L’économie marchande, en avril 1848 comme en ce mois d’avril 2020, est suspendue. Cette suspension durera, avec plus ou moins de vigueur, jusqu’à l’été.

Léonce de Lavergne proclame d’ailleurs ce que l’on entend aussi partout aujourd’hui : « Impossibilité évidente pour tous d’un retour quelconque vers le passé. » Ce sont des moments où chacun sent le mouvement de l’histoire, autrement dit l’impossibilité de revenir en arrière. L’ennui, effectivement, était que pour les capitalistes, l’avenir était incertain. Les socialistes entraient au gouvernement avec Louis Blanc, un adversaire de la compétition économique, un défenseur du droit au travail ! Nul ne savait si le capitalisme suspendu pourrait reprendre, si la propriété serait respectée. Personne alors ne voulait bouger. Ils étaient confrontés à une incertitude radicale, paralysante. La même qui s’empare, en 2020, des entrepreneurs et des ménages, même si l’origine, évidemment, est la pandémie et non une révolution. Mais le résultat est le même : le blocage de l’activité par la peur.

Le rédacteur de cette Revue des Deux Mondes, qui n’aura jamais assez de mots d’anathème contre le socialisme, n’a donc pas d’autre choix que d’appeler à l’aide l’État pour sauver l’économie de la crise. « Le principal soin de la république doit être d’y porter remède ; sinon, nous sommes menacés, en pleine civilisation, de retomber dans la barbarie. » C’est là un élément clé de la réponse du capitalisme aux crises : l’appel à l’État. Ce qui a tant surpris une partie de l’opinion en mars 2020 n’est qu’une forme classique du mouvement capitaliste : pour sauver l’économie, l’État vient colmater les brèches et compenser les pertes. C’était, au reste, une réflexion que Lamartine, l’homme fort du gouvernement provisoire, avait eu dans les années 1840 et qu’il va appliquer durant son mandat.

Le gouvernement provisoire ne va pas regarder à la dépense. Il lui faut d’abord rassurer le peuple, qui sort à la fois renforcé de sa victoire révolutionnaire et affaibli par le chômage de masse. On lui donnera donc des gages. La droite républicaine, qui représente l’essentiel du gouvernement provisoire, porte un discours social appuyé, un peu comme le président le plus néolibéral de l’histoire de France Emmanuel Macron venant promettre, le 13 avril dernier, des « jours heureux » et la « planification ». Le 26 février 1848, on laisse passer un décret proclamant que « le gouvernement provisoire de la République française s’engage à garantir l’existence de l’ouvrier par le travail. Il s’engage à garantir du travail à tous les citoyens ».

Les ouvriers, qui représentaient dans les années 1840 la lie de la terre pour la bourgeoisie française et dont on ne se souciait guère, deviennent soudainement l’objet de toutes les intentions. Le socialisme est à la mode et chacun reconnaît désormais la nécessité de soutenir le niveau de vie des travailleurs. Le quotidien d’Émile de Girardin, La Presse, orléaniste jusqu’au 22 février, bascule ouvertement dans le camp de la gauche radicale. Même La Revue des Deux Mondes, dans l’article déjà cité, reconnaît que le gouvernement, « doit et peut faire plus pour la classe ouvrière ». Soudain donc, le travail surgit au centre des débats.

On va d’ailleurs fort loin en proclamant la journée de travail de dix heures, formidable avancée pour l’époque et en accordant à Louis Blanc la création d’Ateliers nationaux, sur lesquels nous reviendrons, et qui doivent permettre d’assurer la garantie proclamée par le gouvernement provisoire. Pour faire bonne mesure, on modifia la balance fiscale dans un sens favorable au prolétariat. Depuis le Directoire, les recettes de l’État dépendaient de façon croissante des taxes indirectes sur la consommation qui frappaient le peuple.

Les contributions directes, créées en 1790, les « quatre vieilles » comme on les appelait, regroupent la patente sur le commerce, la contribution foncière sur la propriété de la terre, la contribution mobilière sur les autres formes de revenus et l’impôt sur les portes et fenêtres (instauré en 1797) sur l’immobilier de luxe. Elles frappent les plus riches, mais leur importance dans les recettes fiscales décroissent. Le gouvernement provisoire décide alors d’un changement de cap majeur : les impôts sur le sel et les boissons sont supprimés et les contributions directes sont augmentées de 45 % (c’est l’impôt additionnel dit des « 45 centimes » pour un franc payé).

On discute même alors d’un « impôt progressif sur le revenu », la grande peur des bourgeois français. On n’ira pas jusque-là et il faudra attendre 1914 pour que cet impôt naisse. Mais le fait qu’on en parle montre combien, en mars 1848, le débat est allé loin. La crise conduit donc à faire des concessions notables au peuple laborieux, sur le plan politique comme financier. Et c’est également un trait marquant de la situation de 2020, même si les discours sont alors souvent plus nombreux que les actes.

Mais l’essentiel de l’action du gouvernement va porter sur le soutien aux entreprises et aux capitalistes. Léonce de Lavergne exhorte en avril 1848 la République de ne pas choisir « un gouvernement bon marché ». Ce sera chose faite, malgré des finances dégradées et, chose remarquable, par l’usage de la création monétaire et de la banque centrale. La Banque de France est pourtant alors une institution privée, gardienne d’ordinaire de la plus ferme orthodoxie financière. Mais face à la crise, elle a recours à des méthodes nouvelles. On crée des comptoirs d’escompte dans les départements pour prêter aux entreprises auxquelles les banques n’accordent plus de crédit. Mais ce n’est pas suffisant. Pour rétablir la circulation de l’argent et donner de la liquidité aux entreprises, le gouvernement provisoire décide du cours forcé des billets de banque émis par la Banque de France le 15 mars 1848. Les coupures, jusqu’ici limitées à 500 et 1 000 francs, sont élargies à 100 et 200 francs. Malgré la crainte des assignats encore vivace, cette décision permet de rétablir progressivement le circuit économique. Libérée de son obligation d’assurer la convertibilité du franc en or, la Banque peut prêter aux entreprises et à l’État. L’offre peut se redresser peu à peu, grâce à l’appui de l’État et à la création monétaire.

Après l’été, la situation restera cependant difficile et certaines entreprises, jugées « stratégiques », seront temporairement nationalisées pour éviter leur disparition. C’est notamment le cas de cinq compagnies de chemins de fer, déjà en difficulté avant la révolution : Paris-Orléans, Bordeaux-La Teste, Paris-Lyon, la Ligne de Sceaux (future branche sud du RER B) et Marseille-Avignon. L’État « met sous séquestre » ces entreprises pour empêcher leur faillite et poursuivre, à ses frais, les travaux. Une fois le calme revenu, les compagnies seront rendues à leurs propriétaires, souvent des grandes banques d’affaires. La nationalisation n’aura donc été qu’un « parapluie » pour protéger les intérêts privés, pas pour une gestion directe de l’État.

La restauration violente du capital

Du reste, à partir du mois d’avril, la situation va progressivement se modifier. Le 23 avril, une Assemblée constituante est élue au suffrage universel masculin, la première de ce type depuis la Convention en septembre 1792. Elle est majoritairement tenue par des républicains conservateurs et libéraux, bien décidés à rétablir l’ordre du capital et la prééminence de ce dernier. Certes, l’économie reste en crise et cette crise sera redoutable. Une vague de faillite va emporter les entreprises françaises. Mais le pire est passé, une reprise s’amorce et il s’agit maintenant de penser au rétablissement des profits et au retour de la stabilité financière. Il faut donc revenir sur les concessions faites aux travailleurs et sur la dégradation des dépenses publiques. Surtout, il faut assurer l’avenir et mettre donc fin à toute tentation socialiste pour permettre à la circulation du capital de reprendre son cours normal.

Dès le début du mois de mai, Proudhon prévient dans son journal, Le Représentant du peuple : « Nous n’entendons proférer de toutes parts que cette parole de mort : “Il faut en finir”. » Désormais, l’heure est à la restauration du capital. Pour éviter un scénario de type assignats, il faut rétablir rapidement la normalité capitaliste. Or ce qui semblait, au cœur de la crise, nécessaire, la réforme sociale, devient un obstacle en temps de reprise. Un obstacle qu’il faut rapidement écarter. Par la force si nécessaire.

Entre avril et juin, les tensions vont croissant entre la majorité parlementaire et le peuple parisien. Le casus belli, ce sont les Ateliers nationaux. Ces derniers étaient conçus par Louis Blanc comme le début d’une réorganisation complète de l’économie : la construction d’une production autonome, libérée de la concurrence et du capital. Mais leur gestion est rapidement confiée à des conservateurs, notamment l’ingénieur Émile Thomas qui vide l’expérience de son sens et en fait des organismes inefficaces et inutiles. Ces Ateliers ont souvent été réduits à des lieux d’oisiveté. À tort parce que, d’une part, leur objet a été détourné et que, d’autre part, ils représentent une forme première d’assurance-chômage. Mais la bourgeoisie française de 1848 y voit un poste de coût et de fermentation révolutionnaire. En finir avec les Ateliers nationaux, c’est en finir avec le risque économique.

Le 21 juin 1848, l’Assemblée décide de leur dissolution, donnant le choix aux ouvriers entre la déportation en Sologne, l’engagement dans l’armée ou le chômage. C’est le signal d’une insurrection de quatre jours qui sera écrasée par le général Cavaignac, un ancien de l’armée d’Algérie, qui laissera entre 6 000 et 10 000 morts sur le pavé parisien.

En juillet, la réaction est sans équivoque : outre les Ateliers nationaux, on abroge la journée de dix heures et on rétablit les taxes indirectes. Les socialistes sont muselés, La Presse, qui avait défendu les Ateliers nationaux, est interdite de publication pendant un mois. Fin juillet, Proudhon propose, sous les moqueries et les quolibets de ses collègues députés de la Constituante, un projet de crédit gratuit qui est rejeté en question préalable par 699 voix contre 2. Les membres de la gauche sont arrêtés ou exilés. Le socialisme français peinera à se remettre de cette défaite sanglante, mais le cours de l’économie peut reprendre. Dans la Constitution proclamée le 4 novembre 1848, on ne mentionne pas le « droit au travail ». Durant les années suivantes, les ouvriers dont on s’était tant souciés en mars 1848 redevinrent des parias, la « vile multitude », pour reprendre le terme d’Adolphe Thiers à la tribune de l’Assemblée en 1850.

Certes, le capitalisme français ne fut pas exactement le même après cet événement. Louis-Napoléon Bonaparte, élu président en décembre 1848, avait su séduire les ouvriers par son discours vaguement social, appuyé sur son mauvais essai de 1844, De l’Extinction du paupérisme. Et la classe ouvrière ne défendit pas lors de son coup d’État de décembre 1851 une République qui avait massacré et exilé ses défenseurs. Napoléon III donna un tour plus étatique au capitalisme français et se montra vaguement soucieux de social, notamment avec la légalisation formelle de la grève en 1864. Mais la France resta en retard sur les réformes sociales et le restera globalement jusqu’en 1945. La « normalité » avait certes fait quelques concessions à l’esprit du temps et à la réalité de l’émergence de la classe ouvrière, mais elle s’efforça de demeurer dans la normalité capitaliste. Au reste, il fallut un autre massacre, en 1871, pour calmer à nouveau la colère sociale.

Encore une fois, la crise de 1848 n’est pas celle d’aujourd’hui. Elle n’est pas directement le fruit d’une révolution politique, sa gestion et son règlement dépendent de questions sanitaires. Mais la rudesse des deux chocs, ainsi que leurs origines externes, sur un capitalisme malade permettent néanmoins d’en tirer quelques leçons. D’autant que l’impact social de l’actuelle crise sanitaire est encore difficile à estimer. Nul ne peut entièrement exclure que la crise sanitaire alimente un sentiment de révolte sociale et une vraie demande de changement profond, comme en 1848. Aussi certains mécanismes du capitalisme et certains discours politiques actuels doivent être relativisés. L’intervention massive de l’État dans l’économie, les nationalisations ou les concessions sociales ne présagent de rien pour l’avenir, ils sont simplement les produits de l’urgence.

Le moment de 1848 montre d’ailleurs qu’après une crise d’une telle ampleur, la reprise économique n’est pas toujours, loin de là, le moment de faire des innovations économiques et des concessions sociales. C’est la différence entre les cas de 1929 et 2008 et ceux de 2020 et 1848. Dans ces derniers cas, le moment où l’urgence disparaît est souvent celui où l’on se concentre sur les nécessités de cette reprise, autrement dit sur la nécessité de renforcer la logique capitaliste. Dès lors, la reprise de l’économie peut être réactionnaire et concentrée sur la sauvegarde du capitalisme, même si la crise a pu donner raison aux critiques et idées venues de la gauche. L’urgence n’est alors plus la même : c’est celle de « redresser l’économie » et de « faire des sacrifices ». C’est surtout vrai quand cette crise est d’origine politique et mêle offre et demande. L’heure des concessions sociales est alors passée. Les grands discours lyriques des temps d’urgence ne sont donc que des créances tirées sur un avenir où elles auront perdu beaucoup de valeur.


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