Covid-19 : le bal des menteurs

samedi 18 avril 2020.
 

Pour accompagner le déconfinement, le gouvernement songe à déployer une application de traçage numérique. Dans la majorité, ceux qui y étaient farouchement opposés il y a quelques semaines se sont ralliés au projet. Mais l’aile gauche de la République en marche prend ses distances et le fait savoir.

La France est en guerre. Et dans une guerre, la première victime, c’est toujours la vérité.

Chaque jour nous en apporte la preuve. Prenons, par exemple, l’application StopCovid, que le gouvernement va - peut-être !- déployer pour accompagner le déconfinement.

Mercredi 8 avril, dans une interview accordée au Monde, le ministre de la santé, Olivier Véran et le secrétaire d’État au numérique, Cédric O, annoncent qu’une application pour smartphone est en cours de développement. Elle doit permettre de juguler la pandémie.

Concrètement, les téléphones se signaleront les uns aux autres par Bluetooth. En cas de contamination, cela permettra de remonter la chaîne des individus croisés par le porteur du virus.

Cédric O assure que cette application ne viole en aucun cas nos libertés fondamentales ou le secret médical.

Il n’empêche. Cette application est un premier pas dans la mise en place d’un système général de surveillance numérique de la population. Au moment où celle-ci est dans un état de vulnérabilité extrême et se voit donc plus réceptive aux solutions sécuritaires.

Qu’importe l’application en elle-même. Ce qui est en cause, c’est le précédent qu’elle instaure. S’il devient légitime de traquer les individus pour lutter contre la pandémie, alors, demain, il sera légitime de surveiller nos allées et venues pour un tout autre motif. On a déjà vu comment les dispositions de l’État d’urgence, proclamé au lendemain de l’attentat contre le Bataclan, ont fini par se retrouver, pour l’essentiel, dans le droit commun.

Chose inhabituelle, le premier tir de barrage est venu des rangs de LaREM. Stéphane Séjourné, député européen, ancien conseiller politique d’Emmanuel Macron ; Guillaume Chiche, député des Deux-Sèvres ; Sacha Houlié, député de la Vienne ou encore Pierre Person, délégué général adjoint des marcheurs ont dénoncé les dangers de ce projet.

Olivier Véran aurait pu être de ceux-là. Répondant à la députée de la France insoumise, Danièle Obono, le 25 mars, il avait évoqué l’exemple coréen :

« La Corée a équipé tous les téléphones et les données personnelles de ce qui était nécessaire pour prévenir tout l’entourage lorsqu’une personne était malade. Est-ce que vous êtes prête Madame Obono à avoir ce débat dans le cadre de cette Assemblée nationale ? Est-ce que vous êtes prête, Madame Obono à suivre la Corée jusqu’au bout de sa démarche ? Moi je n’en suis pas convaincu, et à titre personnel je vous le dis non plus. »

Dans l’entretien accordé au Monde, Olivier Véran justifie ainsi sa volte-face : « Je me suis déclaré très sceptique sur l’utilisation d’un tracking numérique avec un modèle qui informerait systématiquement de toute personne de votre entourage ou de vos contacts présentant des symptômes de la maladie. Aujourd’hui, notre réflexion est sur la base du volontariat. Elle est compatible avec le droit européen des données personnelles, avec des données anonymisées. »

Naïveté ou capitulation, chacun appréciera…

Cet étrange virus du revirement a également frappé Christophe Castaner.

Interrogé dans l’émission « Vous avez la parole » sur France 2, le 26 mars, il affichait ses réticences à l’égard du tracking.

Le 5 avril, le ministre de l’Intérieur, sur la même chaîne, soutenait exactement le contraire :

« Le tracking fait partie des solutions qui ont été retenues par un certain nombre de pays, donc nous aurons (sic) fait le choix de travailler en lien avec eux pour regarder ces solutions. Je suis convaincu que si elles permettent de lutter contre le virus, et si évidemment elles respectent nos libertés individuelles, c’est un outil qui sera retenu et soutenu par l’ensemble des Français. »

Et le 1er ministre dans cette affaire ? Il cultive le flou artistique. Devant les députés de la mission d’information sur le Covid 19, le 1er avril, il a mis en avant l’absence de cadre légal. Avant d’envisager que le traçage numérique puisse se faire sur la base du volontariat.

Mais, si, demain, le gouvernement déclare que le confinement est levé pour tous ceux qui ont téléchargé l’application, que restera-t-il du consentement libre et éclairé des citoyens ? Rien du tout. Et c’est bien ce qui nous pend au nez.

Bien sûr, chacun pourra refuser de se balader avec son téléphone transformé en mouchard, mais il lui faudra rester cloîtré dans son domicile.

Les députés seront certainement amenés à évoquer ce système de traçage s’il se met en place. Mais après coup. Dès lors, combien auront la volonté de revenir sur cette nouvelle brèche dans nos libertés fondamentales ?


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