Coronavirus : Telle est la Révolution que doit accomplir la civilisation humaine de notre époque

mercredi 25 mars 2020.
 

Intervention de Jean-Luc Mélenchon le dimanche 22 mars 2020 pour expliquer le vote du groupe France insoumise contre le texte du gouvernement mettant en place un état d’urgence sanitaire. Il a rappelé que le rôle d’une opposition était d’apporter son soutien quand des mesures étaient utiles et de proposer une alternative cohérente au pouvoir en place.

Le président du groupe « La France insoumise » a appelé à rompre avec le modèle de l’égoïsme social et à préparer un monde qui mettrait au sommet de sa hiérarchie des normes « l’intérêt général, le salut commun, l’entraide, la planification écologique ». Il a également expliqué qu’il fallait réquisitionner les entreprises nécessaires à produire les masques et respirateurs dont le pays a besoin et à laisser les ouvriers et salariés organiser les chaînes de la production.

Jean-Luc Mélenchon a aussi invité à garantir le revenu, le logement et les fournitures de base nécessaires à la vie pendant le confinement. Mais aussi à faire contribuer les plus riches par le rétablissement de l’impôt sur la fortune et par la mise à contribution des revenus du capital.

Voici la retranscription de cette intervention. Seul le prononcé fait foi.

« On vous l’a dit, nous ne voterons pas ce texte. En conscience, nous pensons que c’est notre devoir après en avoir délibéré entre nous, les 17 députés insoumis. Car nous ne croyons pas que les mesures qu’il contient soient à la hauteur de la situation telle que nous l’analysons.

Avant de résumer nos raisons, je voudrais dire une fois de plus quel est notre principe d’action dans ce moment. Nous sommes une opposition et une force de propositions alternatives et nous le resterons en toute circonstance. Dans une démocratie, l’opposition contribue à l’intérêt général par ses solidarités mais aussi par ses critiques. Celles-ci permettent de ne jamais oublier le postulat fondamental de la démocratie et de la raison : en toute situation, un autre chemin est possible. C’est pourquoi, si le devoir et le droit de la majorité est évidemment de prendre les décisions qui lui paraissent nécessaires et d’exiger que celles-ci soient appliquées, le droit et le devoir d’une opposition est de proposer une alternative à celles-ci. Bref : de se présenter comme un recours à la disposition du pays.

C’est ce rôle que nous assumons à cet instant, sur la base d’un plan d’urgence, de nos amendements, de nos interventions dans cet hémicycle. La pandémie est certes un fait biologique mais elle est avant tout un phénomène social qui résulte des conditions dans lesquelles l’Humanité a produit, échangé et défini ses priorités jusqu’à cette heure. Nous en sommes là aujourd’hui, parce que l’égoïsme social, la liberté du marché et la concurrence libre et non faussée ont tout dominé sans frein, affaibli et détruit sans contrepartie presque tous nos moyens de défense collective.

C’est avec cela qu’il faut rompre pour de bon. Non pas seulement pour créer un monde nouveau demain mais pour pouvoir nous tirer d’affaire dès aujourd’hui. Autrement dit : le monde d’après sur lequel à présent nombre projettent leurs espérances doit commencer maintenant. Avec d’autres moyens de produire et d’échanger, avec une autre hiérarchie des normes. L’intérêt général, le salut commun, l’entraide, la planification écologique : voilà ce qui doit dorénavant dominer, sans délai. Dans la situation de péril commun, ces principes selon nous ne doivent rencontrer aucune limite.

À nos yeux les meilleurs artisans en sont ceux qui font vivre le pays à chaque instant, à chaque moment par leur travail. Le confinement forcé est nécessaire et indispensable à présent, et j’y invite chacun, en solidarité avec les consignes données par les autorités sanitaires et le gouvernement. Ce confinement n’est pas sans coût psychologique grave. Mais il n’est pas l’horizon indispensable et indépassable de l’action collective pour le futur. La France dispose de tous les moyens matériels, moraux et même spirituels qui lui permettent de maîtriser la situation et d’atteindre ses objectifs sanitaires. Pour cela le front social doit être pourvu sans délai d’autant de masques qu’il lui en faut, d’autant de respirateurs que nécessaire, d’autant de tests qui permettent de savoir qui est malade et qui doit être confiné et soigné et qui ne l’est pas et doit pouvoir se rendre utile.

Pour cela, les 1000 entreprises de textile et les 100 000 salariés qu’elles comptent doivent être réquisitionnés pour produire par priorité les centaines de millions de masques dont nous avons besoin. Les milliers de postes de travail des entreprises de mécanique doivent être réquisitionnés pour produire les milliers de respirateurs dont nous avons besoin. Les entreprises fermées ou en liquidation touchant directement aux moyens dont nous avons besoin doivent être nationalisées et rouvertes sans délai.

Tout cet appareil de production peut et doit être mobilisé jour et nuit pour stopper le désastre avant le pic de l’épidémie. Dans toutes les entreprises concernées, les salariés eux-mêmes doit décider des conditions sanitaires de la production et être équipés pour leur protection. Organiser en contact avec les entreprises qui les fournissent la continuité des chaînes d’approvisionnement qui leur sont nécessaires.

La garantie doit être donnée à chaque personne qui son revenu, son logement et que les fournitures de base seront assurés et que par conséquent, il doit consentir sans condition au confinement. Un impôt sur les grandes fortunes et sur le revenu du capital doit immédiatement contribuer au financement des mesures de salut commun. La France doit se mobiliser non seulement pour elle mais pour participer à la solidarité avec les peuples qui l’appelleraient à l’aide et en particulier et par priorité avec ceux de l’espace francophone.

Votre plan ne prévoit pas la mise à contribution de toutes les composantes du pays et la planification des moyens nécessaires. Il ne tire aucune leçon de l’égoïsme avec lequel les nations qui composent l’Union européenne s’est imposé contre tout bon sens et au mépris des valeurs qu’elle proclame.

Vos décisions seront appliquées. Nous vous souhaitons de tout coeur qu’elles réussissent, même si nous n’y croyons pas. Mais si elles échouent, le pays doit savoir qu’il dispose sur ces bancs d’une alternative, d’une autre cohérence à sa disposition. Le gouvernement et les autorités sanitaires savent qu’ils peuvent disposer de nous pour toute l’aide dont ils pourraient avoir besoin. Mais le pays de même.

Ni maintenant, ni jamais – je conclue – ni maintenant ni jamais nous n’oublions que nos vies sont nos oeuvres ainsi que l’a permis Prométhée. Nous ne combattons pas d’autre ennemi que les erreurs, les abus d’une façon de vivre. Le moment est venu d’en changer radicalement. Telle est la Révolution que doit accomplir la civilisation humaine de notre époque. »


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