Municipales 2020 1er tour. Eléments de bilan

jeudi 19 mars 2020.
 

1 Résultats du 1er tour et coronavirus (La France Insoumise)

Dans le contexte grave du coronavirus, La France insoumise a renoncé à sa communication initialement prévue pour la soirée électorale. Il apparaît hasardeux de tirer des conclusions des résultats de ce premier tour mais voici ce que nous pouvons en dire :

Le résultat national des listes soutenues par La France insoumise est de 14,67%

387 des 593 listes soutenues par La France insoumise ont réalisé un score supérieur à 10% permettant leur qualification au second tour là où il aura lieu

59 têtes de listes soutenues par La France insoumise élues maires dès le 1er tour dont 19 maires France insoumise

2) La gauche conserve son ancrage local (France Info)

https://www.francetvinfo.fr/politiq...[article]-[connexe]

Malgré un contexte inédit et une abstention record liée à l’épidémie de coronavirus, les partis de gauche ont réussi à tirer leur épingle du jeu lors du premier tour des municipales, dimanche 15 mars. Dans les communes socialistes, les maires PS sortants arrivent largement en tête, avec notamment 30,2% des voix pour Anne Hidalgo à Paris et 29,8% des voix pour Martine Aubry à Lille.

La plus grosse surprise est apparue à Marseille, où la tête de liste PS-PCF Michèle Rubirola est au coude-à-coude avec sa rivale LR, Martine Vassal. La candidate de gauche obtient, selon une estimation Ipsos/Sopra Steria pour France Télévisions, Radio France et les chaînes parlementaires, 23,44% des voix, contre 22,32% pour la candidate de droite. Stéphane Ravier, le candidat RN, obtient lui 19,45% des voix.

Le PS renforcé par les listes d’union de la gauche

Après sa déroute à l’élection présidentielle de 2017 (6,36%) et aux législatives de 2017, puis son faible score aux élections européennes (6,19%) de 2019, le PS comptait sur les municipales pour conserver ses villes (Paris, Lille, Nantes, Rennes, Le Mans) et en conquérir d’autres comme Nancy ou Bourges, rappelle La Croix. Pour ce scrutin local, le PS a présenté 1 000 listes et en a soutenu 1 000 autres, note Le Monde.

En plus de Paris et Lille, la maire sortante socialiste de Rennes, Nathalie Appéré, est également arrivée en tête du premier tour avec 32,77% des voix. A Nantes, Johanna Rolland se classe première aussi avec 31,36% des voix, suivie de loin par Laurence Garnier (LUD), qui obtient 19,93% des voix. L’ancien ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll est en pole position au Mans et obtient 41,99% des voix. Dans les Hauts-de-France, trois maires socialistes illustrent la bonne résistance du PS dans la région. A Denain (Nord), Anne-Lise Dufour a battu le RN Sébastien Chenu, et à Lens (Pas-de-Calais), Sylvain Robert a été élu avec 55,48%, battant un RN ambitieux.

"Ce qui est intéressant, c’est que le PS au niveau national ne pèse pas grand-chose en ce moment, mais au niveau local il réussit à très bien se maintenir", analyse Vincent Tiberj, sociologue, spécialiste du vote à Sciences Po Bordeaux.

Pour les maires sortants, notamment de gauche, dès lors qu’ils sont clairement identifiés comme opposants au gouvernement, ils n’allaient pas subir de vote sanction.Vincent Tiberj, sociologue, spécialiste du voteà franceinfo

Les socialistes s’en sortent notamment grâce à leurs soutiens à des listes d’union de la gauche. A Bordeaux par exemple, le candidat soutenu par le PS, EELV et le PCF, Pierre Hurmic, est quasi à égalité avec le maire LR Nicolas Florian, avec 34,38% contre 34,55%. A Quimper (Finistère), la liste d’union de la gauche arrive en tête (32,06%) devant le maire sortant, Ludovic Jolivet (30,22%) et loin devant la députée LREM Annaig Le Meur (13,75%).

"La gauche continue d’exister"

Pour le chercheur Vincent Tiberj, ces résultats montrent également que "les partis forts au niveau national, qui essayaient de s’emparer des fiefs socialistes – comme le RN, LR ou LREM – ont montré qu’ils manquaient de ramifications locales."

A Brest par exemple, bastion de la gauche depuis trente ans, le maire socialiste François Cuillandre, qui briguait un 4e mandat, est arrivé en tête (26,53%) malgré sa mise en examen dans le cadre d’une enquête sur le versement d’indemnités aux élus socialistes de la ville. L’ancienne préfète Bernadette Malgorn (divers droite) le suit avec 18,87%, devant l’écologiste Ronan Pichon (15,73%).

La gauche "classique" a aussi pu profiter de "votes sanction" envers le gouvernement. "Ce vote a vraisemblablement été construit sur le mouvement contre la réforme des retraites. A Toulouse par exemple, Jean-Luc Moudenc est mis en difficulté par trois listes de gauche, cela n’aurait peut-être pas été le cas s’il n’avait pas fait alliance avec LREM", illustre le chercheur. Dans la Ville rose, le maire sortant (DVD) a ainsi obtenu 36,18% des voix, suivi à 27,56% par la liste Archipel Citoyen, soutenue par EELV, La France insoumise et Place publique. "On voit que LREM fait face de plein fouet au clivage gauche-droite. La gauche et la droite continuent à exister et à structurer les territoires", poursuit Vincent Tiberj.

Les communistes vers des alliances avec LFI

De leurs côtés, les communistes sauvent les meubles, mais sans grande victoire. En Seine-Saint-Denis, dans la majorité des 40 communes "rouges", les maires sortants se qualifient au second tour, mais pas forcément en première place, relève France Bleu. Ainsi, à Saint-Denis, bastion communiste depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, le maire sortant, Laurent Russier (PCF), obtient 24 % des voix, devancé par le candidat socialiste Mathieu Hanotin, qui remporte 35,31% des votes.

À Aubervilliers, la maire sortante, Meriem Derkaoui (PCF), se prend une claque et arrive en troisième position à 17,66%. Elle est en ballottage, derrière son ancien adjoint Sofienne Karroumi (DVG), qui obtient 19,08%, et derrière la candidate de la droite, Karine Franclet (UDI), en tête avec 25,69% des voix.

Les communistes font toutefois leur grand retour à Bobigny, après avoir perdu cette commune en 2014. Après une campagne marquée par un livre polémique sur la municipalité sortante, le maire, Stéphane de Paoli, ne s’est pas représenté, remplacé par son premier adjoint, Christian Bartholmé (UDI), qui obtient 26,37% des voix. Abdel Saadi, le candidat communiste, le devance avec 37,65% des voix. À Montreuil, où le taux d’abstention atteint 66,33%, le communiste Patrice Bessac repart pour un nouveau mandat en obtenant 51,34% des suffrages exprimés.

Le communisme national n’existe plus, mais le local continue de payer. Des électeurs qui ne votent pas forcément PCF au niveau national le reconnaissent au niveau local grâce à toutes ses actions sociales (logement, colonies de vacances, etc.)Vincent Tiberj, sociologue et spécialiste du voteà franceinfo

A noter : au Havre, fief d’Edouard Philippe, le Premier ministre est mis en ballottage avec 43,59% des voix par le communiste Jean-Paul Lecoq (35,87%). Pour le second tour, les communistes entendent s’allier avec les "insoumis" pour se maintenir. "J’espère que nous arriverons à faire des rassemblements avec La France insoumise, nous allons rapidement discuter à Saint-Denis et dans d’autres communes", assure Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, à franceinfo.

Les "insoumis" ont fait l’impasse sur le scrutin

Pour sa première participation aux élections municipales, La France insoumise a joué profil bas. La formation n’a investi aucun candidat, mais a soutenu 550 listes dans toute la France, rendant ses résultats très difficilement lisibles. Défendant le principe "d’auto-organisation", la formation de Jean-Luc Mélenchon se prépare surtout à la présidentielle de 2022 et n’a présenté aucun objectif chiffré pour ce scrutin municipal.

3) Quel bilan des municipales 2020 ? (Catherine Tricot, PCF, gérante du site Regards)

Regards. Compte tenu du contexte d’abstention anormalement haute, pour cause de coronavirus, peut-on avoir une lecture politique de la soirée électorale ?

Catherine Tricot. On peut, on doit même avoir une lecture politique qui intègre cette donnée, elle-même politique. En toute hypothèse, on s’attendait à une haute abstention : recouvert par le conflit des retraites ou le fait que le débat des municipales n’a pas eu lieu. Il a été réduit le plus souvent à des enjeux très locaux alors même que - Regards en a fait un dossier - les villes sont actrices d’enjeux plus grand qu’elles-mêmes. Cette dépolitisation s’oppose de fait à l’intérêt, à la participation des citoyens. La campagne parisienne en a été une caricature avec cette mise en avant des enjeux de propreté alors que la question même de l’accès de la capitale à tous devient une vraie question. Le fait que les citoyens n’aient pas trouvé dans les élections municipales un moyen d’exprimer leurs inquiétudes et les attentes qui ressortent de la diversité des luttes et du moment extrême que nous vivions est un indice d’inadéquation politique, à tous les étages.

Maintenir le premier tour était-il une erreur ? Qui en porte la responsabilité ?

Je ne vois pas comment il était possible de l’annuler sans consensus politique. Or il n’était pas là. Beaucoup les réclame aujourd’hui. Ce n’était pas le cas il y a 4 jours. Le plus préoccupant pour moi est que même dans cette crise du coronavirus, le gouvernement amuse la galerie avec les fausses concertations. Pas plus que pour le reste, il ne considère ses interlocuteurs avec sérieux et respect. Les forces politiques réunies jeudi par Édouard Philippe n’ont pas eu toutes les informations, notamment scientifiques, pour réfléchir et se prononcer. Si cette crise est l’une des plus grave qu’ait connu notre pays depuis un siècle, il n’est pas possible que cela soit géré par le gouvernement sous couvert de conseil scientifique, sans les assemblées, les partis, les forces sociales. La démocratie reste la meilleure réponse. Cela ne doit pas être une pétition de principe, cela doit s’éprouver, se prouver. Sinon, on est murs pour le pire.

Faut-il maintenir le second tour et quelles peuvent être les conséquences pour le second tour ?

A l’inverse, je ne vois pas aujourd’hui comment le second tour pourrait se tenir. Quasiment toutes les forces s’accordent sur un report, en cohérence avec une stratégie de confinement, de limitation des interactions sociales. La solution légale n’est pas là. Il va falloir adapter. Si le second tour peut se tenir avant l’été, il me semble que le premier tour peut être validé et le second tour être organisé selon les résultats du premier. Si ce n’est pas le cas, alors il me semble qu’il faudrait refaire tout le processus électoral pour permettre que le débat se noue aussi sur les leçons politiques et locales de cette crise. Cette option me semblerait la plus correcte et correspondre à l’état d’esprit de notre société qui vit une crise intense.

Si on fait abstraction de l’abstention et que l’on observe les résultats du premier tour, est-ce que l’on peut dire qu’il existe une gauche dans ce pays ?

Avec les limites que je viens de dire, on peut dire que « la gauche » s’en tire pas mal. Les équipes de gauche sortantes sont le plus souvent reconduites ou en bonne situation. Ceux qui ont voté ont assez clairement sanctionné le gouvernement en votant pour les forces d’opposition, gauche ou droite non macronienne. Je ne crois pas pour autant que cela anticipe une relance des partis de gauche. Les maires socialistes et communistes ont réuni autour de leurs noms et de leurs bilans. Mais ce qui me frappe aussi, dans le détail, c’est à quel point la réalité des mobilisations citoyennes a été décisive. Quand elle était présente, un peu indépendamment des sigles, elle a pesé. Dans le cas contraire, même avec tous les logos assemblés, cela a peu compté. Je pense à l’exceptionnel résulta de la liste conduite par Philippe Buyssou à Ivry qui a su agréger la jeunesse d’Ivry et ils ont rassemblé 48% face à une liste Verte/FI et PS qui comptait bien déstabiliser ce bastion historique du communisme. A l’inverse, à Aubervilliers, une liste citoyenne emmenée par un ancien adjoint s’impose devant la liste conduite par la maire communiste sortante, Meryem Derkaoui, qui pourtant avait le soutien d’EELV et de la FI. Les super résultats de la liste Printemps marseillais s’explique aussi par cette vraie dynamique citoyenne, idem pour la ville de Sète.

De grandes surprises dans des communes comme Marseille, Lyon, Toulouse… à Bordeaux, Poutou et la FI se maintiendrait. Il a raison selon vous ?

On verra si c’est le cas. Je ne connais pas les acteurs locaux, mais il est vrai que l’opportunité de battre le dauphin de Juppé serait un signe national. Sans doute se joue-t-il la question de la polarité à gauche. Qui va donner le « la » ? Une gauche réunie autour d’EELV ou une gauche plus ancrée dans les luttes sociales et la transformation radicale ? Il faut noter que là où la gauche n’était pas sortante, elle s’est souvent rassemblée derrière EELV, validant de fait la stratégie nationale de Yannick Jadot. C’est une question qui mérite réflexion.

Un mot sur le résultat des communistes. Peut-on encore parler de banlieue rouge dans la région parisienne ?

A Vénissieux, à Saint-Denis, à Arles… rien n’est perdu mais les communistes sont en perte de vitesse. En fait, je crois qu’il en va du PCF comme de toutes les forces politiques historiques : passeront-elles ou non à la nouvelle époque, au XXI° siècle ? Et au PCF, il y a des endroits où cela est le cas et d’autres ou cela hésite, patine, rechigne.

Les communistes peuvent se réjouir de nombreux autres résultats : Le Havre, Ivry, Montreuil, Malakoff.... Comment vous l’expliquez ?

Chaque ville a ses propres coordonnées mais ce qui me semble déterminant c’est la capacité d’adhésion, d’adhérence même entre la proposition politique et la société locale. Au Havre, ils ont su politiser la campagne pour mobiliser. A Montreuil, le maire sortant qui n’avait pas réuni 20% des voix en 2014 passe aujourd’hui avec 50%. Habitant une ville voisine, je vois l’inventivité de la gestion municipale en phase avec les attentes « des bobos et des prolos ». Bel exploit. C’est vrai aussi de Malakoff, Gennevilliers, Fontenay… et bien d’autres qui savent allier une politique locale renouvelée à d’autres pratiques politiques.

Quid des résultats de LFI ?

Quid des résultats de LFI ? Les résultats de la FI me semblent en adéquation avec la jeunesse de ce mouvement qui avait peu de sortants et qui de fait n’a pas de vraie pensée, ni de stratégie, sur cet échelon de la vie démocratique. Du coup, la FI a eu une stratégie très variable : souvent en alliance avec EELV dont elle conteste l’évolution « droitière ». Parfois seule sous ses couleurs mais souvent sans cette épaisseur locale et toujours dans un contexte de rétraction de son influence nationale. Les très décevants résultats de Lille en sont une illustration. Au lendemain des présidentielles et des législatives, on voyait Adrien Quatennens au beffroi : La FI réunit cette fois moins de 10%. Et cela ne veut pas dire qu’en 2022 l’exploit de Jean-Luc Mélenchon ne peut pas se renouveler à Lille. Il faut comprendre les différents niveaux et enjeux d’une vie politique si ancienne. Cela demande du temps, et sans doute un élargissement des cercles de réflexions, de décisions...

À part Paris et Rouen où les scores des écologistes sont décevants, on peut noter des percées significatives à Bordeaux, Strasbourg, Besançon, Lyon, Grenoble. Finalement on s’y attendait ?

Oui, on s’y attendait. Les écologistes sont en phase avec une préoccupation qui devient dominante : celle de la bataille contre le réchauffement climatique. Et ils ont pour eux d’avoir ancré de longues dates leurs réponses à tous les échelons, depuis les pratiques individuelles ou associatives, les politiques locales et européenne. Ils bénéficient donc de cette cohérence, sur les consultations locales et européennes. Ils bénéficient aussi d’une gauche groggy et divisée qui s’accorde à s’unir derrière eux.

Un mot sur les résultats du RN. Plébiscite des maires sortants. Déception pour Marseille et Denain. Avec la défaite des LREM, peut-on en déduire que les Français ont envoyé un message : « nous ne voulons pas du duel LREM/RN » ?

Sans aucun doute. Mais encore faut-il qu’une autre proposition émerge. A ce jour, elle n’est pas lisible.


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