Droit au logement : Objectif zéro SDF

mardi 25 février 2020.
 

Le 31 janvier, la Fondation Abbé Pierre rendait public son 25ème rapport sur l’état du mal-logement en France. Le tableau dressé dans ce rapport est à la hauteur de l’augmentation de la pauvreté sous Macron. En 2018, la politique sociale et fiscale du président des riches a abouti au résultat de 400 000 pauvres supplémentaires. Évidemment, sur le front du logement, première dépense des ménages et en augmentation constante et exponentielle depuis deux décennies, la dégradation des conditions de vie se fait sentir.

S’il n’y a plus de statistiques officielles sur le nombre de sans-abris depuis 2012, date à laquelle l’INSEE en recensait 143 000, la fondation met l’accent sur d’autres indicateurs qui montrent une augmentation inquiétante du dénuement le plus extrême. Ainsi, près de 50 000 nuitées hôtelières ont été utilisées chaque nuit pour fournir un hébergement très temporaire à des personnes l’an dernier. Le nombre d’enfants recensés qui dorment dans les rues des villes est plus important que jamais, comme le soulignait en novembre dernier une tribune cosignée par de nombreuses associations et qui qualifiait la situation de « retour aux temps médiévaux ».

La Fondation Abbé Pierre porte depuis de longues années l’idée de la stratégie « logement d’abord ». Il s’agit de faire du droit à un logement durable un droit inconditionnel. Concrètement, plutôt que de proposer des hébergements temporaires et de considérer celui-ci comme une étape nécessaire dans le parcours que doit mener un sans-abris à retrouver un logement, la stratégie du « logement d’abord » propose de donner accès directement à un logement stable.

Un logement ne doit pas être considéré comme une récompense qui couronnerait les efforts d’une personne sans-domicile. C’est un droit dont le bénéfice permet de retrouver la possibilité d’une vie digne avec un emploi, de fonder une famille ou de bénéficier du système de solidarité nationale. Ainsi, le logement stable est le point de départ pour sortir de l’extrême pauvreté. La Fondation plaide donc pour que les politiques publiques fournissent inconditionnellement un logement durable aux personnes sans-abris. Là où elle est appliquée, cette politique obtient des résultats. Par exemple en Finlande, où l’objectif « zéro SDF » a été atteint. Un objectif qui n’était revendiqué que par un seul programme politique en 2017 : l’Avenir en Commun.

Promesses non tenues

En 2018 et 2019, Julien Denormandie, ministre du logement de Macron avait fait de grandes déclarations et toutes sortes de promesses lors de la présentation du rapport annuel de la Fondation. Notamment, il s’était engagé à faire pleinement entrer la France dans la stratégie du « logement d’abord ». Le rapport 2020 fait donc le bilan de cet engagement gouvernemental et pose une appréciation plutôt sévère sur les actes engagés. Donner accès au logement à des personnes très précaires repose sur le développement de structure adaptées comme les pensions de famille, ces résidences qui mêlent logements autonome, espaces communs et accompagnement social. Encore faut-il pouvoir les financer. Ce sont dans les faits des logements très sociaux, que l’on appelle dans le jargon des « PLAI » (prêts locatifs aidé d’intégration ). Or, ce gouvernement est largement en dessous des objectifs qu’il s’était lui-même fixé. On compte seulement 33 000 PLAI construits par an alors qu’il en faudrait au minimum 40 000. Cette insuffisance est directement la conséquence de la politique budgétaire suivie depuis 2017 et qui a frappé fort les organismes de logements sociaux. Ceux-ci ont dû subir une coupe de 800 millions d’euros dans leurs budgets en 2018 puis de 900 millions d’euros en 2019. Cette année, elle atteindra 1,3 milliards d’euros. Cela représente les deux-tiers de leurs capacités d’autofinancement dont le gouvernement les a privé. Le ministre peut ensuite faire toutes les belles paroles qu’il veut et annoncer en grande pompe un plan quinquennal du logement d’abord. Sans investissements publics à la hauteur, ce ne sont que de vaines paroles. D’autant plus que le modèle du logement social a été encore plus fragilisé à l’occasion de l’adoption en 2018 de la loi ELAN. En effet, celle-ci encourage les organisme HLM à vendre leurs logements à des acteurs privés. Le résultat de ce genre de privatisation est d’ores et déjà connu : il a été appliqué dans de nombreux pays en Europe comme au Royaume-Uni ou en Allemagne. Les logements sociaux vendus viennent vite nourrir la bulle immobilière, seuls les logements les plus dégradés et les moins rentables restent dans le giron des organismes HLM qui ont par conséquent de moins en moins de rentrées d’argent pour investir et agrandir ou rénover leur parc.

Expulsions records

Réduire d’un côté le parc HLM a sa portion congrue et encourager de l’autre la bulle immobilière a pour conséquence logique et évidente de ruiner les efforts des associations pour l’accès des personnes sans-abris au logement puisque cela créé de nouveaux sans domiciles. Et en effet, on voit que sous l’ère Macron les expulsions locatives sont au plus haut. En 2018, dernière année pour laquelle nous avons une statistique complète, plus de 15 000 ont eu lieu avec le concours de la force publique. C’est un triste record pointé par le rapport de la Fondation. Qui souligne aussi qu’il ne reflète pas toute la réalité. En effet, davantage de personnes encore quittent leur logement avant que la police intervienne, quand le commandement à quitter les lieux a été prononcé par le juge. Pour avoir un chiffre exact, il faut donc le multiplier par deux ou par trois. Même en l’absence de statistiques, on peut donc considérer que la politique de Macron en matière de logement, loin de faire progresser vers l’objectif « zéro SDF » créé des nouvelles personnes à la rue.

Pour combattre cette misère si caractéristique de la montée sans précédent des inégalités avec les politiques néolibérales, il faudrait renverser la perspective et substituer à une foi dogmatique dans le marché, l’intervention publique et la contrainte de l’État. Encadrer les loyers à la baisse dans les grandes agglomérations, investir massivement dans la construction HLM et l’imposer aux mairies ghettos de riches qui la refuse : voici quelques-unes des propositions portées par les députés insoumis qui défendront bientôt une proposition de loi à ce sujet dans leur niche parlementaire. La philosophie de ce programme d’éradication du mal-logement peut se résumer dans cette belle formule de l’Abbé Pierre : « l’opposé de la pauvreté, ce n’est pas la richesse mais le partage ».

Antoine Salles-Papou


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