Guerre sociale et soif démocratique (Médiapart)

mardi 29 octobre 2019.
 

Cette semaine, nous nous sommes intéressés à ces convulsions qui secouent la planète en cet automne de braises, où nous allons fêter les trente ans de la chute du mur de Berlin. Les peuples se réveillent et l’empire néolibéral tremble. Depuis un an, nous avons rendu compte de la révolte des gilets jaunes en France et de la réponse autoritaire du gouvernement.

En ce moment, nos regards de journalistes ne savent où se poser tant sont nombreux les lieux de la colère sur les cinq continents, de l’Équateur à Hong Kong, en passant par l’Irak et l’Égypte.

Bien sûr, pourrait-on nous rétorquer, chaque pays a ses spécificités, qu’il s’agisse de la pauvreté endémique en Haïti, de l’héritage politique et économique laissé par Augusto Pinochet au Chili, de la dollarisation partielle ou totale des économies en Equateur et au Liban, du refus de l’Espagne de reconnaître l’existence d’une « question catalane » ou encore l’aspiration des habitants de Hong Kong à préserver leurs libertés face à la dictature de l’Etat-parti chinois. Mais, au-delà de ces particularismes, on retrouve dans ces rassemblements cette volonté de dire « ça suffit », cette envie de se regrouper et de lutter contre des situations jugées comme injustes dans un monde de plus en plus inégalitaire, où les élites accordent la priorité aux entreprises et aux riches au nom d’une hypothétique et chancelante « théorie du ruissellement ». « Nous avons regardé avec intérêt et envie les mouvements de masse à l’étranger, que ce soit en Équateur ou encore, bien avant, en France, avec le mouvement des « gilets jaunes » », nous a expliqué Valeria Bustos, présidente d’un comité de quartier à Santiago.

Au-delà aussi des revendications sociales et économiques, c’est bien une soif démocratique qui se fait jour par la remise en cause des récits qu’ont défendu les élites sur le besoin de réformes ou la promesse d’un avenir meilleur. Les pouvoirs sont nus, pris au piège de leurs fictions. Et même des pays comme le Chili, qui ont longtemps été présentés par les institutions internationales comme des exemples de réussite et de stabilité, sont touchés. Les habitants de Santiago n’avaient pas vu des militaires et des chars dans les rues depuis la dictature militaire.

Confronté à une contestation de son projet de hausse des tarifs du métro, le président Sebastian Pineira, l’un des hommes les plus riches du pays, a eu l’outrecuidance de criminaliser la contestation sociale en affirmant, avant de demander pardon quelques jours plus tard, être « en guerre contre un ennemi puissant prêt à utiliser la violence sans aucune ». Mais si guerre il y a, elle est bien sociale.


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