Entretien avec Adrien Quattenens, Coordinateur de la FI, député

jeudi 5 septembre 2019.
 

Réforme des retraites : « Nous avons besoin d’un front uni »

Désignation d’Ursula Von der Leyen à la tête de la Commission européenne, ratification du CETA, rapport Delevoye sur les retraites… : comment jugez-vous l’été d’Emmanuel Macron ?

Emmanuel Macron est presque à mi-mandat. Donc il accélère. Son projet est d’accomplir la mission que ses deux prédécesseurs n’ont pas su terminer : pousser le modèle libéral jusqu’au bout en France. Avec Ursula Von der Leyen à la tête de la Commission et Christine Lagarde à la tête de la Banque Centrale, le nouveau casting européen pour lequel Macron a largement œuvré est le pire de l’Europe ultralibérale, austéritaire et alignée sur les États-Unis. Les peuples d’Europe n’ont rien de bon à en attendre. La ratification du CETA au beau milieu de l’été en est une parfaite démonstration. Ce traité va à rebours de tout ce que la situation exige de faire. Antidémocratique, antisocial et anti-écologique, non seulement le CETA poursuit le modèle obsolète du grand déménagement du monde mais, parce qu’il est doté d’une juridiction spéciale réservée aux multinationales, il procède d’un transfert de pouvoir inédit du politique vers le fric. Mais Macron sait faire croire qu’il s’occupe d’écologie en validant un tel accord tout comme ses députés savent applaudir Greta Thunberg à l’Assemblée avant de voter cet affreux traité ! La prochaine étape, c’est les retraites. Il y a donc urgence à enrayer la machine macroniste.

Comment LFI aborde-t-elle la rentrée ?

À la suite de son Assemblée représentative de Juin, la France Insoumise a repensé son organisation. Nous sommes donc prêts pour aborder cette rentrée importante. Plusieurs réformes détestables dont celle de l’indemnisation du chômage et celle des retraites sont d’ores et déjà prévues. Mais jusqu’ici personne n’est parvenu à stopper Macron. Il faut donc changer de méthode. Sur les retraites, nous avons besoin d’un front uni qui rassemble largement celles et ceux qui s’opposent à la réforme.

Nous allons aussi redoubler d’efforts pour la collecte des signatures afin que se tienne le référendum sur la privatisation des aéroports de Paris. C’est une bataille symbolique qui fait la jonction entre des enjeux de souveraineté, démocratiques, économiques et écologiques.

L’écologie est la colonne vertébrale du programme de La France Insoumise. Le changement climatique détermine un intérêt général qui dépasse l’ensemble des intérêts particuliers. Nous ne croyons pas qu’il soit possible de relever le défi qu’il soulève sans rompre avec le libéralisme économique et le capitalisme financiarisé. Nous sommes disponibles pour discuter avec celles et ceux qui partagent ce diagnostic.

Les AMFiS qui ont eu lieu du 22 au 24 août ont été le cadre idéal pour se retrouver, débattre et échanger. Selon notre habitude nous n’avons pas fait une université d’été classique de parti car ne pratiquons pas l’entre-soi. Au contraire, nous assumons notre vocation de grand mouvement d’éducation populaire en conviant à nos débats jusqu’à des adversaires politiques ou des personnalités qui ne sont pas nécessairement de notre avis.

Les AMFiS sont un lieu où chacun s’améliore. Ce qui fait la connexion entre tous, c’est la question de la souveraineté populaire. C’est notre boussole. En tout et pour tout, le peuple doit décider. Nous sommes des républicains et en République, le peuple est seul souverain.

Comment espérez-vous atteindre l’objectif de 4,7 millions de signatures pour un référendum sur la privatisation d’ADP ?

La barre est haute mais le démarrage est encourageant et nous allons donc redoubler d’efforts. La bataille pour que se tienne un référendum sur la privatisation d’Aéroports de Paris fait la jonction entre des enjeux fondamentaux : I’enjeu économique et bien sûr l’enjeu écologique puisqu’il est question du trafic aérien. Mais la première des questions soulevées est celle de la souveraineté. Qui décide et pour quoi faire ? Nous sommes opposés à la privatisation et nous pensons que rien ne la justifie économiquement mais vous pouvez très bien être pour la privatisation et penser néanmoins que la question mérite d’être posée au peuple qui doit pouvoir décider. Signer pour que se tienne un référendum, ce n’est pas signer pour ou contre la privatisation. C’est permettre que le débat soit organisé et que le peuple tranche. Il ne faut donc s’interdire de convaincre personne. Partout où elle s’impliquera, La France Insoumise va organiser la jonction entre campagne municipale et collecte de signatures pour le référendum. L’objectif, c’est d’assurer la contagion pour l’action. Le bon cadre de campagne est celui de type CNR qui fédère l’ensemble de ceux qui souhaitent ce référendum.

Que vous inspire le rapport Delevoye sur les retraites remis en juillet ?

Le rapport Delevoye conforte l’idée que nous nous faisions de la réforme annoncée des retraites. Derrière la prétendue simplification d’un système jugé trop complexe, il y a la destruction d’un modèle social. Alors que l’on vit plus longtemps notamment parce que l’on travaille moins longtemps, avec la réforme des retraites par points, Emmanuel Macron entend pousser les français à travailler jusqu’à 64 ans, c’est-à-dire au-delà de l’espérance de vie en bonne santé. Avec le système par points, vous cotisez pour cumuler des points dont la valeur peut être modifiée. Vous savez combien vous payez mais vous n’avez aucune certitude sur le montant de votre pension. Cela n’est pas acceptable et on sait ce que cela prépare. Dans la Loi Pacte (celle qui contient notamment la privatisation des Aéroports de Paris), Macron encourage les produits de retraite par capitalisation. Celles et ceux qui en auront les moyens pourront faire sécession et se faire leur propre retraite. Pour tous les autres, ce sera retraites par points et donc travail sans fin ! C’en est trop. La retraite ce doit être 60 ans et à taux plein. Quand on a travaillé l’essentiel de sa vie, on doit pouvoir profiter des bonheurs de la vie. De plus, la retraite à 60 ans est tout à fait finançable par la mise à contribution des revenus financiers des entreprises, l’élargissement de l’assiette des cotisations, la fin des inégalités de salaires entre les femmes et les hommes et la relance de l’activité que nous appelons de nos vœux par la hausse des salaires et la planification écologique. Plus de salaire et plus d’emplois, c’est aussi plus de cotisations.

Comment abordez-vous les élections municipales ?

On ne peut pas continuer à aller de scrutin en scrutin comme si tout allait bien alors que la défiance du peuple est si forte, qu’un citoyen sur deux ne se déplace pas aux élections et que, par conséquent, les réformes ne sont pas consenties. Bien que nous soyons attachés à une cohérence nationale dans la participation aux différents scrutins, nous savons que les élections municipales sont caractérisées par une multitude de cas particuliers. La France Insoumise aborde donc d’abord cette échéance électorale comme une occasion de favoriser l’implication des citoyens eux-mêmes dans les affaires de leur commune. Alors que toutes sortes de « listes citoyennes » vont pousser comme des champignons, nous voulons œuvrer à des constructions citoyennes dignes de ce nom. Et, pour que les gens s’impliquent, il faut faire une démonstration d’utilité. Cela commence par venir à leur renfort dans les rapports de force qu’ils engagent, par exemple avec leurs bailleurs sociaux, et à faire la démonstration que l’organisation collective peut faire remporter des victoires dans leur quotidien. Une fois fait, on peut suggérer d’aller plus loin en s’engageant dans la vie de la commune et donc, pourquoi pas, dans son conseil municipal. Nous encouragerons partout ce type de constructions citoyennes et proposerons à toutes les forces avec qui nos idées sont convergentes de les soutenir avec nous. C’est ce que Jean-Luc Mélenchon avait nommé par « fédération populaire ». Cette méthode nous paraît nécessaire pour marquer une étape de plus vers la fédération du peuple et sa révolution citoyenne. Nous devrions au moins être présents dans 500 communes de plus de 10 000 habitants dont dans 300 des 450 communes de plus de 20 000 habitants. Chaque étape doit être poursuivie comme une étape intermédiaire vers l’accession au pouvoir.

Propos recueillis par la rédaction


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