Victoire des syndicats croates pour un référendum sur les retraites : il est temps de donner la parole au peuple

lundi 15 juillet 2019.
 

Le 1er janvier 2019, une réforme complète du système de pension de retraite est entrée en vigueur en Croatie, mais les syndicats estiment que le gouvernement est allé trop loin et bien trop vite. Outre la décision de repousser l’âge de la retraite à 67 ans, la réforme prévoit également une diminution de 3,6 % par année de retraite anticipée.

En réaction, l’Union des syndicats autonomes de Croatie, les syndicats indépendants de Croatie (NHS) et l’Association des syndcats de Croatie (Matica) ont mené, du 27 avril au 11 mai, une campagne placée sous le slogan 67 je previše (« 67 c’es trop ») en vue de recueillir un nombre suffisant de signatures pour l’organisation d’un référendum. Outre les revendications visant à rabattre l’âge de la retraite de 67 à 65 ans, nous souhaitons également une diminution de la pénalisation des départs anticipés à la retraite de 0,3 à 0,2 % par mois, parmi d’autres doléances.

Compte tenu de l’espérance de vie inférieure à la moyenne de l’UE et de la diminution du nombre d’années de vie en bonne santé, les travailleurs croates se trouvent dans des situations de plus en plus difficiles. La plupart des départs anticipés à la retraite résultent de la fermeture des entreprises, de la santé fragile des employés et de la réticence des employeurs à embaucher et maintenir en service des effectifs plus âgés – pourquoi serait-ce aux travailleurs à payer la facture ?

Cet appel au référendum est la seule issue possible face au refus du gouvernement d’engager le dialogue social avec les syndicats à propos de cette question cruciale et à la passivité de ce dernier au lendemain du mouvement de protestation de la population contre la réforme des retraites. Nous voulons que ce gouvernement sache qu’il doit écouter les inquiétudes de ses citoyens.

Les syndicats devaient recueillir 373.568 signatures (10 % de l’ensemble des électeurs croates) pour que le référendum puisse être organisé. Nous en avons obtenu 748.624, soit plus de deux fois le nombre requis. Si ce chiffre est confirmé par les autorités, il s’agira de la deuxième victoire syndicale la plus importante dans le cadre d’une revendication pour un référendum, la première étant l’initiative de 2010 visant à réformer le code du travail, laquelle avait réussi à recueillir 813.000 signatures (dont 717.000 validées officiellement).

Malgré l’embargo des médias et la propagande anti-réforme du gouvernement, notre campagne a sensibilisé plus d’un million de personnes, qui toutes nous ont apporté leur soutien, depuis les partis d’opposition jusqu’aux représentants syndicaux, en passant par la société civile.

En route vers le référendum

Tout l’enjeu consiste désormais à faire en sorte que ce référendum ait lieu. Les signatures ont été remises le 13 juin au président du Parlement, Gordan Jandroković (Union démocratique croate, parti de centre-droit), dans 65 caisses symboliques, accompagnées d’une note explicative concernant la question du référendum et d’une demande de l’organiser. Les syndicats croates attendent maintenant la confirmation que toutes les conditions sont réunies pour pouvoir recourir au référendum. La cour constitutionnelle a ensuite 30 jours pour se prononcer et présenter sa décision au Parlement qui, à son tour, dispose de 20 à 40 jours pour décider s’il autorise ou non la tenue du référendum en question.

Si ce dernier est organisé et que la majorité des électeurs se prononce en faveur des revendications des syndicats, une nouvelle loi sera automatiquement adoptée (dans la mesure où la question du référendum est présentée sous la forme d’un projet de loi) et entrera en vigueur 120 jours plus tard. Pour l’heure, les syndicats se donnent pour mission première de garantir une participation suffisante à cet éventuel référendum, ainsi qu’un vote des électeurs favorable à une révision de la dernière réforme des pensions. Le soutien que nous avons gagné au travers de la campagne demeure fragile.

Désabusés, les citoyens croates s’efforcent de joindre les deux bouts dans un pays sorti de la crise économique certes, mais traversant toujours une crise sociale. L’appui de la population est capital si nous voulons instaurer un système de retraite équitable et pérenne.

Il est également nécessaire de relancer un véritable dialogue social, condition indispensable si l’on souhaite que le travail décent et le départ à la retraite dans la dignité fassent partie des piliers de la société que nous voulons construire.

Les syndicats se préparent actuellement à toute éventualité. Parfaitement conscient des dégâts politiques que pourraient occasionner un référendum et un rejet d’une large part de la réforme des pensions (en particulier au moment où la Croatie se prépare à se rendre aux urnes et à reprendre la présidence de l’UE), le gouvernement tente d’éviter ce référendum et a lancé un appel public aux syndicats, les invitant à prendre place autour de la table des négociations.

Toutefois, le temps des négociations est révolu – notamment avec le ministre du Travail, le premier à mépriser ouvertement le dialogue social et dont nous réclamons la démission pour avoir présenté la réforme de manière biaisée à l’occasion d’une série d’annonces dans les médias. Il est temps pour le Parlement de restaurer la confiance dans les hautes institutions croates, il est temps de donner la parole au peuple.


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