Allemagne : Un militant d’extrême droite assassine un élu considéré comme pro-réfugiés

dimanche 7 juillet 2019.
 

C’est bien pour sa position pro-réfugiés que Walter Lübcke, fonctionnaire territorial de Cassel (Hesse) retrouvé dans une mare de sang à son domicile le 2 juin, a été exécuté. Le suspect, Stephan Ernst, est passé aux aveux ce mercredi 26 juin 2019.

Quand les migrants sont arrivés en masse en Allemagne à l’été 2015, Walter Lübcke avait été fidèle à la politique du « Wir schaffen das » (« Nous y arriverons ») d’Angela Merkel. L’élu CDU avait exhorté la population de Cassel à accueillir les réfugiés lors d’une réunion municipale. « Ceux qui ne partagent pas ces valeurs peuvent quitter le pays à tout moment s’ils ne sont pas d’accord », avait-il même déclaré, s’attirant une nuée d’injures et de menaces sur les réseaux sociaux. Il semble désormais que cette phrase lui ait coûté la vie.

Le suspect, Stephan Ernst, 45 ans, était jusqu’ici resté silencieux. Mercredi, il a fini par avouer qu’il avait tué Lübcke pour des raisons politiques. Il était même présent lors de la fameuse réunion municipale où l’élu a prononcé les mots fatals, affirme le Spiegel.

« Haine des étrangers »

Membre du parti néonazi NPD, Ernst est également l’auteur d’un attentat contre un foyer de réfugiés le 23 décembre 1993, à Hohenstein-Steckenroth. Un acte motivé par la « haine des étrangers ». Le 1er mai 2009, il a attaqué une manifestation de la Confédération allemande des syndicats à Dortmund, en compagnie de 400 autres néonazis. La presse affirme qu’il était également en contact avec des membres de Combat 18, branche armée du réseau Blood & Honour.

Selon le procureur fédéral Thomas Beck, 80 enquêteurs poursuivent désormais leurs recherches dans l’affaire Lübcke. Ils ratissent large, car il s’agit de comprendre dans quelle mesure Ernst était en contact avec des réseaux terroristes, et surtout lesquels – on pense à la NSU, groupuscule néonazi responsable de plusieurs meurtres racistes dans les années 2000, notamment à Cassel et Dortmund.

Car si Ernst affirme avoir agi seul, le Spiegel indique que les enquêteurs cherchent encore activement la présence de complices, voire d’un réseau. Autre question : dans quelle mesure y a-t-il eu préméditation ? L’hebdomadaire affirme que la nuit du crime, le téléphone d’Ernst était éteint pendant un long moment. Et qu’il a demandé à un collègue de travail d’être son alibi pour la soirée. Lors de l’interrogatoire, Ernst a reconnu être derrière le compte YouTube « Gameover », qui a écrit notamment ces mots : « Si ce gouvernement n’abdique pas rapidement, il y aura des morts. »

« Ligne rouge »

Le gouvernement allemand est sur des charbons ardents. C’est le premier meurtre d’un politique pour des motifs d’extrême droite dans le pays depuis la Seconde Guerre mondiale. « Dans notre pays, il n’existe aucune tolérance pour l’extrémisme, l’antisémitisme, la haine des étrangers ou les paroles de haine », a déclaré mercredi le ministre de l’Intérieur Horst Seehofer, ajoutant : « C’est une ligne rouge pour notre démocratie. »

Samedi, à l’occasion de la Journée allemande de l’Eglise protestante à Dortmund, la chancelière Angela Merkel avait elle aussi évoqué l’affaire, appelant à combattre les néonazis « sans aucun tabou ». « L’Etat est sollicité à tous les niveaux, et le gouvernement fédéral prend cela très, très au sérieux. » De son côté, le ministre des Affaires étrangères Heiko Maas (SPD) affirmait : « Nous avons plus de 12 000 violents extrémistes de droite dans notre pays. 450 d’entre eux ont pu entrer dans la clandestinité, malgré des mandats d’arrêt. Nous devons davantage nous défendre : pas un millimètre de plus pour les ennemis de la liberté ! »

Actions violentes

Hasard du calendrier, le parquet fédéral vient d’annoncer la mise en accusation de huit membres du groupuscule terroriste Révolution Chemnitz, qui projetait des actions violentes contre des « étrangers, des politiques et des journalistes », au moment des célébrations de la fête nationale allemande, le 3 octobre 2018.

Si Walter Lübcke a succombé à ses blessures, ce n’est pas la première fois qu’un élu allemand est attaqué pour sa politique en faveur des réfugiés. La veille de son élection à la mairie de Cologne, le 17 octobre 2015, Henriette Reker avait été attaquée au couteau pour ces raisons. Et le 27 novembre 2017, Andreas Hollstein, maire d’Altena, petite ville de Rhénanie du Nord-Westphalie, était attaqué dans un kebab par un homme armé d’un couteau de 30 centimètres, éructant sur sa politique pro-réfugiés. Les deux n’ont survécu que par miracle.

Johanna Luyssen correspondante à Berlin

Notre rubrique : Extrême droite Violences

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2 août 1980 La bombe de Bologne (placée par l’extrême droite), provoque un massacre dont l’Etat et tous les médias rendent responsables les Brigades rouges


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