Après les législatives 2007 Et maintenant ?

samedi 30 juin 2007.
 

La situation après les législatives

La situation politique s’est déjà considérablement modifiée depuis ce lendemain de défaite électorale : passé le théâtre médiatique de la présidentielle, où Nicolas Sarkozy s’est prêté à son rôle préféré : le roquet de sa mamie, plus ils sont petits, plus ils aboient fort ; la mamie étant le MEDEF... Le président est aujourd’hui au pied du mur, jamais un président de la Vème république n’a autant concentré de pouvoirs entre ses mains ; il a reçu du MEDEF un mandat précis, infliger au salariat français une défaite historique, à la mesure de ce qu’avait fait Thatcher lors de la grande grève des mineurs.

Or, à la différence de Thatcher, Il ne peut le faire à partir du regroupement de son seul camp, il a besoin de l’Union Nationale. C’est pourquoi il s’acharne à s’appuyer sur des personnalités issues de la gauche : Kouchner, Allègre, Besson..., quitte à indisposer ses propres amis. Ensuite, c’est la représentante de l’association « Ni putes ni soumises », qui a par ailleurs été désavouée par sa propre association. Les secteurs de l’opposition qu’il implique restent marginaux par rapport au corps politique traditionnel de la gauche. Cela ne marche pas. Sarkozy est sans doute très habile, mais n’oublions jamais qu’il ne doit sa victoire qu’au fait qu’il avait en face de lui une gauche en miettes, représentée par la plus mauvaise des candidates. Le gouvernement est d’ores et déjà un gouvernement de crise qui sera inéluctablement confronté à une forte remontée du mouvement social. Sarkozy a très provisoirement sauvé la 5ème République, il en concentre tous les pouvoirs, il a poussé à l’extrême les traits réactionnaires du régime gaulliste, il va donc concentrer sur sa personne toutes les attaques. Il n’y a plus de fusible...

L’affaire de la TVA dite « sociale » est de ce point de vue éclairante : il a suffi que Laurent Fabius prenne sur cette question une position correcte, pour que 40 députés socialistes retrouvent leur siège. C’est la logique même de ces institutions antidémocratiques qui est alors infirmée. On attendait une vague bleue dans le prolongement gaullien des institutions, c’est la lutte sociale qui s’invite au second tour et qui corrige le tir. Mais encore une fois, si fort que soit le mouvement social pour contester et essayer de mettre en échec les réformes qui vont arriver, cela ne règle pas la question de l’alternative politique. Il y a toujours un gouffre entre le mouvement de la vie et de la lutte des classes et la conscience...

L’appel de Filoche ou ce qu’il ne faut pas faire

Nous venons de recevoir sur nos adresses électroniques un appel, à l’initiative de Gérard Filoche, intitulé « Appel pour l’unité de toute la gauche... Lettre ouverte à toute la gauche », qui dit en substance ceci. Il est vain d’essayer d’opérer des clivages au sein de la gauche entre ceux qui étaient pour le oui et ceux qui étaient pour le non au TCE, entre socialistes maintenus et sociaux-libéraux, entre socialistes liés au mouvement social et socialistes liés à la « social-démocratie » « moderne » « européenne »...

Il faut l’unité de toute la gauche pour s’opposer à la politique de Sarkozy et gagner. Autrement dit, faudrait-il au nom de cette unité qui nous apparaît comme purement factice et illusoire passer par-dessus les vrais débats contradictoires qui se sont manifestés à gauche depuis le non au TCE ? C’est la réalité des faits, cher camarade, il y a aujourd’hui au sein du parti un courant social-libéral, qui retrouve d’ailleurs ses racines démocrates chrétiennes, inspirées par la doctrine sociale de l’église catholique et une gauche républicaine, socialiste... qui entend bien reconstruire la gauche sur des bases qui répondent aux aspirations des salariés. Quant au courant social-libéral, la situation dans la campagne présidentielle a mis en lumière clairement qu’il va vers le centre et une conception de parti de supporters à l’américaine, le tout aidé par une modification profonde de la nature du parti d’Epinay... Il ne sert à rien aujourd’hui de gommer cette réalité au nom de l’unité de la gauche.

Qu’est ce que l’unité de la gauche ? C’est un programme qui s’engage à répondre à la situation d’urgence sociale et qui de ce point de vue ne peut être aujourd’hui qu’anticapitaliste. A partir de là, et à partir de là seulement le rassemblement de toute la gauche devient possible. La question de la TVA sociale combattue par Fabius vient confirmer ce que je dis. Ceux qui, autour de la candidature de Ségolène Royal, ont couvert une opération de liquidation du parti d’Epinay, peuvent-il aujourd’hui diriger la force qui rassemblera la gauche demain sur des bases qui répondent aux besoins du salariat ? Non, puisqu’ils lorgnent au centre.

Denis Colin écrit justement dans le dernier numéro de « la Sociale » :

« On ne pourra éternellement maintenir une unité factice (la marque de fabrique « hollandaise ») entre ceux qui défendent la TVA sociale et ceux qui la combattent, entre ceux qui veulent marcher dans les clous fixés par la Commission de Bruxelles et ceux qui n’en veulent pas, entre ceux qui veulent maintenir et refonder le PS comme parti de gauche défendant les salariés et ceux qui veulent définitivement le transformer en parti centriste sur le modèle italien. Les mêmes questions sous d’autres formes sont également posées aux autres partis de gauche et au premier chef au Parti Communiste. En mettant en avant l’exemple allemand du congrès de fusion créant « Die Linke » en Allemagne, Jean-Luc Mélenchon a implicitement tracé une ligne possible pour la France. L’association « Gauche Avenir » qui regroupe des communistes (Gayssot), des socialistes, fabiusiens ou PRS surtout, est sans doute une autre façon de poser la même question, celle de la refondation d’un grand parti de gauche, libre de toute compromission avec le centrisme et indépendant de l’européisme qui étrangle les classes travailleuses et la jeunesse de notre pays. »

De ce point de vue, et partant des principes de leur appel, il est normal que Filoche en vienne à terminer son texte sur une dénonciation du Linkspartei allemand... Toute cette déclaration « unitaire » pour en arriver là ! Il est pour « l’unité de toute la gauche, de Laguiller, Schivardi, Besancenot, Bové, Buffet, Voynet, Hollande... », mais l’unité de la gauche s’arrête à ceux et celles qui sont aujourd’hui tenté par une solution de type Linkspartei.

La question d’une force nouvelle

Dans son interview donnée au journal l’Humanité, à propos de sa participation au congrès constitutif des Linke, Jean Luc Mélenchon dit ceci :

« Le processus de constitution de cette formation n’est évidemment pas transposable en France. En revanche, ce qui est directement transposable est la situation d’impasse de la social-démocratie allemande aboutissant à ce qu’un secteur de celle-ci, tant sur le plan électoral que militant, décide de s’engager dans un processus de construction politique original. »

L’Allemagne a été le cœur de la 2ème Internationale Ouvrière. Aujourd’hui la social-démocratie allemande détruit le modèle social qu’elle a elle-même construit dans son histoire. L’émergence d’un autre parti ouvrier dans les dernières élections fédérales, signifie clairement qu’une autre construction est possible, qu’elle peut s’imposer dans la lutte sociale et dans les élections. Ceci a une importance décisive à l’échelle européenne. L’exorcisme prononcé par Filoche à son encontre ne sert à rien, comme disait Trotski « les faits sont têtus ! » Après viendra la France, inéluctablement, camarade !

La seule discussion qui me semble importante par rapport au Linkspartei est la suivante. Le camarade Serge Goudard, lors d’une réunion de Forces Militantes (Marc Dolez), l’a posée. Globalement le Linkspartei est né d’un accord entre Oskar Lafontaine appuyé par une branche du syndicalisme et l’appareil de l’ancien PC d’Allemagne de l’Est. Il n’est pas sans porter les stigmates notamment de l’ancien PC. Par exemple les ex-PC gèrent avec le SPD la ville de Berlin, où ils ont privatisé le service de l’eau et les logements sociaux. En matière de socialisme, on peut faire mieux... Globalement le Linkspartei est marqué par une construction bureaucratique, à partir de deux appareils ; ce qui à mon sens l’empêche, du moins à l’étape actuelle, de poser les problèmes à hauteur de la crise du SPD et du mouvement ouvrier allemand dans son ensemble. C’est une leçon à méditer pour répondre à la situation française. Il n’y a pas de « tabula rasa » en politique. Amaury Couderc dit dans son article que « les appareils sont incontournables », c’est une affirmation qui demanderait à être affinée. La construction d’une force nouvelle ne peut se faire qu’à cette intersection où deux composantes se dégagent de la crise du vieux mouvement ouvrier : la composante communiste appuyée sur l’implantation sociale et syndicale d’une part, le courant socialiste, laïque et républicain de la gauche française dont PRS est une pointe avancée. C’est en s’unissant et en se trempant dans le laboratoire vivant du mouvement social, d’où la nécessité absolue de la libre confrontation des idées, donc de la démocratie politique, que ces deux composantes peuvent relever le drapeau du socialisme et donc du rassemblement majoritaire à gauche.

par Robert Duguet


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