Cormand (EELV) se fâche mal

mercredi 5 juin 2019.
 

Dans une lettre ouverte qu’il m’adresse, David Cormand m’accuse de « tirer dans le dos des écologistes » quand je les interroge sur leur projet de coalition au Parlement européen entre EELV, le PS, LR et LREM.

Pour cela, aucun mot n’est trop excessif apparemment. « Mensonge », « calomnie », « mauvaise foi », « fake news », « assassin de l’espoir » (rien de moins ?!). Tout cela vient s’ajouter à la longue liste d’insultes quotidiennes de l’arrogant Yannick Jadot qu’EELV a choisi pour tête de liste.

Celui qui nous accuse de brutaliser le débat n’hésite pas à nous accabler violemment à longueur d’antenne. J’ai droit à des hurlements :« vive Poutine, vive Maduro ! » quand il ne m’accuse pas tout bonnement de vouloir « détruire l’Europe » ! Et puis quoi encore ? Cela semble n’avoir aucune limite.

L’accusation de « tir dans le dos » est inutilement agressive. D’abord nous ne tirons pas. Nous interrogeons. Au contraire, nous souhaitons faire toute la lumière sur les intentions d’EELV. Constatons que la lettre ouverte de Cormand biaise avec constance et opacité la réponse attendue de lui. De notre côté, nous nous référons à des déclarations parfaitement claires concernant le projet de nouvelle grande coalition au Parlement européen.

Dans une interview au Point daté du 1er mars 2019, une question claire est posée à Yannick Jadot : « Dans le futur Parlement européen, les Verts feront-ils partie de la majorité quadripartite avec le PPE, les libéraux et les sociaux-démocrates ? » Il répond oui, sans barguiner :« Si on nous propose un programme qui améliore substantiellement le fonctionnement de l’Union et les politiques européennes, alors, les Verts y apporteront leur soutien. ».

Le 10 mai 2019, Stéphane Séjourné, candidat et directeur de campagne du parti macroniste a annoncé la manœuvre :« Il est probable que le groupe des Verts, le groupe socialiste et le groupe du PPE fassent partie d’une majorité avec nous ». Ce dimanche, dans le JDD, c’est le ministre de l’économie, Bruno Le Maire qui, à la question : « Au sein du futur Parlement, les élus LREM pourraient-ils s’allier aux Verts européens ? », répond :« Nous verrons le 26 mai où nous en serons ; mais cela fait partie des possibilités. L’objectif est d’avoir un groupe puissant, capable de porter la transformation de l’UE. Tous ceux qui veulent nous rejoindre autour de ce projet sont les bienvenus. »

De même, la direction des Verts européens déclarait par les mots de son président, Reinhard Bütikofer « les Verts sont généralement ouverts à toute collaboration » ajoutant qu’ils partagent avec les macronistes « les mêmes avis sur la réforme de la zone euro et l’Union bancaire » de même que l’idée d’un « budget européen ».

Par conséquent, la question mérite d’être posée et elle n’est pas accessoire. EELV n’y répond pas. Dans sa lettre si agressive contre moi, David Cormand n’y répond pas davantage. Je pose donc la question : Oui ou non, les Verts français vont-ils s’accorder avec LREM, le PS et Les Républicains une fois au Parlement européen ? Certes, et contrairement au nôtre, le bulletin de vote EELV n’est pas un bulletin de vote « anti Macron ». Mais si le bulletin de vote EELV conduit tout droit à une nouvelle tambouille de Macron au Parlement européen, les électeurs français doivent le savoir !

Souvenons-nous qu’en 2014, les socialistes avaient juré qu’ils ne voteraient pas pour Jean-Claude Juncker au Parlement européen. Ils ont fait exactement le contraire dès qu’ils y sont arrivés ! Dans une élection européenne, l’appréciation de l’action des uns et des autres ne s’arrête pas aux portes du Parlement européen. Avec le bulletin de vote de la liste France Insoumise que conduit Manon Aubry, les choses sont claires : pas de tambouille, d’aucune sorte avec les libéraux. Exiger cette clarification ne consiste pas à faire d’EELV un adversaire désigné de La France Insoumise.

Ajoutons que nous n’avons aucune leçon à recevoir en matière de lutte contre l’extrême-droite. Face à l’extrême-droite, il ne s’agit plus de s’indigner ou de se contenter de crier au fascisme. Ces tactiques moralisantes ont montré leurs limites. Il faut aller sur les contenus. L’essentiel des électeurs de Marine Le Pen ignorent que mettre ce bulletin dans l’urne ce n’est pas mettre le coup de pied aux fesses qu’ils espèrent à ceux qu’ils ne veulent plus voir en politique mais c’est voter contre leurs intérêts. Cette femme et son parti ne veulent pas de la hausse du SMIC, veulent augmenter la durée du temps de travail et ont pour alliés européens des gens qui courent après la politique économique de Macron.

Ce travail de désenfumage, les militants de La France Insoumise le mènent chaque jour sur le terrain, porte après porte. Les insinuations de Yannick Jadot et ses démonstrations douteuses pour expliquer combien Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen poursuivraient le même projet politique ne servent qu’à aider le sale travail des lepénistes pour ramener dans leur giron les « fâchés pas fachos » que nous nous efforçons d’entrainer de notre côté.

Pour le reste, et pardon cher David, mais contrairement à ce que tu racontes, nous ne nous disputons pas « des suffrages ». Je veux bien admettre que c’est ainsi que le parti EELV conçoit la totalité de son action politique mais c’est faire insulte au travail de fond et de fourmi que fournit La France Insoumise pour relever le défi de la crise climatique qui s’avance. Pourquoi n’avoir pas dit un mot pour appuyer notre demande de voir déclarer l’état d’urgence climatique en France comme l’ont fait le parlement anglais et irlandais ? Déjà quand nous avons organisé la votation citoyenne contre le nucléaire, vous nous avez refusé toute participation. Quel est ce sectarisme ? Vous êtes prêts à prendre des initiatives en commun avec la droite au Parlement européen mais pas en France avec nous ? Pourquoi ?

Notre dispute concerne bien davantage que des suffrages : elle concerne la méthode et son efficacité pour faire face au changement climatique et à la sixième extinction des espèces dans le temps imparti selon l’expertise des scientifiques.

Pour EELV, le préalable quand on parle d’Europe est de cotiser à un enthousiasme béat. Yannick Jadot nous accuse de vouloir « détruire l’Europe ». Ce verbiage ne veut rien dire ! Qui peut le croire ? L’Europe c’est de la géographie. Ce n’est pas la France Insoumise qui pousse à la dislocation de l’Union dont le Brexit est un symptôme. L’Union européenne se disloque sous les coups de l’extrême-marché et d’un libéralisme économique avec lequel votre parti refuse de rompre.

Ce qui doit être discuté pour faire face au changement climatique, c’est la construction politique particulière de l’Europe : l’Union Européenne de traités antidémocratiques qui empêchent les investissements publics massifs qu’il s’agit de réaliser pour engager la transition écologique notamment du fait de l’absurde règle des 3% de déficit. Dès lors, l’Europe écologique dans le cadre de ces traités, c’est un slogan trompeur.

Parce que La France Insoumise veut être conséquente dans ses propositions, elle assume de dire qu’entre les droits sociaux et les traités actuels, il faut choisir. Qu’entre l’écologie et les traités actuels, il faut choisir. Et par la force des choses, dans ces élections européennes, entre EELV et La France Insoumise, il faut choisir aussi. Ce choix et les moyens d’aider sa réalisation n’ont rien d’indignes. C’est même toute la grandeur de la démocratie et de la vie politique. Nul besoin d’insultes, d’insinuations ou d’indignations feintes pour cela. Restons-en au fond. 24 heures après la lettre ouverte de David Cormand, Yannick Jadot le démentait et confirmait qu’il restait ouvert à l’idée de grande coalition.


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