Mélenchon et Notre-Dame, une sacrée histoire

mercredi 24 avril 2019.
 

Le leader de La France insoumise a fait part, lundi soir, de son « amour » pour la cathédrale parisienne. Explications de cette relation entre cet homme politique, athée et matérialiste, avec ce monument de l’histoire de France.

Un premier tweet malvenu puis un texte somptueux. En une soirée, Jean-Luc Mélenchon a résumé les contradictions de son personnage politique. Polémique et lyrique. Enervant et sincère. Cet amour proclamé pour Notre-Dame de Paris, dans un message posté sur son blog, n’est pas feint. Qui a côtoyé cet athée, matérialiste, laïc jusqu’au bout de son être, qui refusera toujours de se rendre dans un lieu de culte – quel qu’il soit – autre qu’à titre privé et dénoncera toujours la présence d’un responsable politique à une messe ou dans une synagogue, connaît sa passion pour cette « cathédrale commune », comme il l’a décrite lundi soir.

« Il y a ceux pour qui la main de Dieu est à l’œuvre dans l’édification de ce bâtiment. Mais ils savent que si elle y paraît si puissante, c’est sans doute parce que les êtres humains se sont surpassés en mettant au monde Notre-Dame, a-t-il écrit alors que le feu ravageait encore le bâtiment. Et d’autres, ceux qui connaissent le vide de l’univers privé de sens et l’absurde de la condition humaine, y voient par-dessus tout cette apothéose de l’esprit et du travail de milliers de femmes et d’hommes durant deux siècles et depuis plus de huit cents ans. Ils ressentent ce que la cathédrale a signifié depuis sa première heure, quand elle n’était encore qu’un plan, et à l’instant où fut planté le clou d’or d’où seront tirées toutes les lignes et commencés tous les calculs. »

« Le nombre d’heures que j’ai pu passer ici après le 21 avril »

Le leader de La France insoumise a passé beaucoup de temps sur ce parvis, nommé aussi aujourd’hui place Jean-Paul-II. Dans son livre, Il est comment Mélenchon, en vrai ? (Grasset), la journaliste Marion Lagardère raconte comment, peu avant Pâques 2013, après un entretien avec l’alors député européen Front de gauche, ce dernier finit par se faufiler entre les touristes et se transformer, pour quelques minutes, en guide personnel. « Le nombre d’heures que j’ai pu passer ici en 2002, après le 21 avril, à regarder les figures et les formes », confie Mélenchon. A cette époque, l’encore socialiste est dévasté par la défaite de Lionel Jospin au premier tour de l’élection présidentielle et déprime. A la journaliste de France Inter qui le suit pour cette visite privée de 2013, il lui raconte les pierres, les sculptures, les portails tout juste restaurés : « C’est magique, hein, ce truc, ça invite forcément à lever les yeux en l’air, et du coup les gens ne regardent jamais à l’endroit où il faut regarder, qui est en bas, là où l’on trouve la représentation des sciences et des arts. » Il pointe les « petits anges » : « Il y en a un qui sourit… Vous savez que c’est très rare les statues d’ange qui sourient comme ça, toutes dents dehors. Normalement c’est réservé aux monstres. »

Il ne voit pas un monument religieux mais une merveille humaine. L’admirateur de Victor Hugo et passionné de l’histoire de France voit dans Notre-Dame de Paris la preuve du progrès humain et du règne de la raison. « L’incarnation, comme il l’a écrit lundi soir, de la victoire de nos anciens contre l’obscurantisme. » « Notre-Dame […] n’appartient à personne ou bien seulement à tout le monde, poursuit-il dans son texte. Tout le monde, c’est-à-dire la cohue sans fin des générations qui se sont mises les unes sur les épaules des autres jusqu’au sommet des tours, des flèches, et ne se sont jamais arrêtées en chemin vers le ciel, l’espace, la lune, les planètes, les étoiles ! »

« S’émanciper de l’obscurantisme »

Ces dernières années, auprès de ses interlocuteurs, Mélenchon se montre préoccupé par « l’obscurantisme » qui pourrait « revenir, comme au temps du Moyen Age ». Dans un texte passé relativement inaperçu fin août 2017, il proposait ainsi de « penser » cette « insoumission » qu’il souhaite incarner comme « un nouvel âge de l’humanisme ». Un « humanisme » qui se donne pour but de « s’émanciper de l’obscurantisme consumériste et de ses injonctions comme hier du plan divin et des ordonnances de sa cléricature ». Mais qui serait beaucoup plus audible et compréhensible si le responsable politique s’abstenait, parfois, d’utiliser son compte Twitter.

Lilian Alemagna


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