Le 15 mars, de Sydney à Vancouver, plus d’un million de jeunes descendent dans la rue pour le climat

lundi 1er avril 2019.
 

De l’Australie au Canada en passant par l’Europe, des centaines de milliers de jeunes ont fait la grève de l’école vendredi pour reprocher aux dirigeants mondiaux leur inaction face au réchauffement de leur planète.

« Moins de banques, plus de banquise », « There is no planet B », « Queremos la vida ». Dans toutes les langues, de l’Australie au Canada en passant par l’Italie, le Kenya et l’Argentine, les jeunes ont délaissé massivement leurs bancs d’école pour descendre dans la rue, vendredi 15 mars, afin de demander aux dirigeants d’agir contre le dérèglement climatique. Ils répondaient à l’appel de la jeune suédoise Greta Thunberg, qui mène une grève scolaire pour le climat depuis la fin août 2018. Selon les organisateurs de ce mouvement baptisé « Fridays for Future », plus d’un million d’étudiants, de lycéens et de collégiens ont défilé dans 2 000 villes de 125 pays, un record.

Le matin, l’iconique Greta Thunberg, qui a été proposée pour le prix Nobel de la paix 2019, était de retour devant le Parlement de Stockholm avec plusieurs centaines de jeunes grévistes. « Nous venons de naître au monde, cette crise nous allons devoir vivre avec, et nos enfants et nos petits-enfants et les générations futures. Nous ne l’accepterons pas », a-t-elle prévenu, alors que les émissions mondiales de gaz à effet de serre continuent à grimper, plaçant la planète sur une trajectoire de plus de 3 °C aux conséquences catastrophiques.

« Agir maintenant ou nager », lisait-on sur une pancarte à Wellington, la capitale néo-zélandaise, où des centaines de lycéens et étudiants ont lancé la journée. Une marche a également eu lieu à Christchurch, endeuillée par des fusillades dans deux mosquées. Peu après, plus de 150 000 jeunes ont défilé dans 60 villes d’Australie, l’un des premiers pays à avoir emboîté le pas de Greta Thunberg. « Les politiciens ont réagi avec indifférence à l’été paralysant que nous avons vécu, entre la canicule record, les incendies et les inondations », regrette Nosrat Fareha, 16 ans, lycéenne à Sydney.

Renoncer à la viande, à la voiture

A 11 000 km de là, en Afrique du Sud, ils étaient plus d’un millier rassemblés devant le siège du Parlement au Cap pour demander que le parti au pouvoir, le Congrès national africain, prenne en compte l’urgence climatique en cette année électorale. « L’Afrique du Sud a une foule de problèmes environnementaux : nous sommes complètement dépendants du charbon, le recyclage des déchets n’est toujours pas au point, nous produisons beaucoup trop de plastiques et le secteur de l’agriculture est extrêmement polluant », énumère Nicole Rable, étudiante de médecine de 23 ans, qui manifestait, elle, à Pretoria.

Dans un autre pays qui exploite encore beaucoup de charbon, l’Allemagne, tous condamnent le minerai noir, sont prêts à renoncer à la viande, à la voiture, aux vêtements neufs, mais n’envisagent pas de ne pas découvrir le monde. « Je sais bien que l’avion est le plus polluant. Je prends le train pour voyager en Allemagne, mais j’avoue que j’ai pris plusieurs vols long courrier l’an dernier pour les Etats-Unis », reconnaît Clara, 17 ans, lycéenne à Oranienburg, une petite ville près de Berlin, lors de la marche dans la capitale qui a connu une affluence record : entre 15 000 et 20 000 personnes.

Si ces jeunes tentent de protéger l’environnement au quotidien, à la maison comme dans leur école, ils considèrent que la responsabilité du changement incombe surtout aux dirigeants. Au Royaume-Uni, alors que la classe politique est asphyxiée par le Brexit, les manifestants ont rappelé que la planète aussi n’arrivait pas à respirer et qu’il y avait urgence à agir. « A quoi bon suivre une éducation scolaire et préparer son avenir s’il n’y a pas d’avenir ? », questionne Hannah à Shrewsbury, une petite ville près du Pays de Galle. « Je passerai mes examens si vous agissez », ajoute une autre lycéenne à Londres, où plus 10 000 jeunes sont descendus dans la rue.

L’inaction des politiques

En Belgique, beaucoup de manifestants s’en sont pris à ce qu’ils estiment être l’inaction des politiques, reprochant notamment à la majorité actuelle et au gouvernement (en affaires courantes) du libéral Charles Michel de ne pas parvenir à faire voter une loi ambitieuse sur le climat avant les élections, qui auront lieu le 26 mai. Avec 30 000 personnes dans les rues, « l’événement est historique, c’est un signal très fort et le mouvement continue de croître », s’est félicité la jeune Flamande Anuna De Wever, proche de Greta Thunberg et figure de proue du mouvement « Youth for Climate ».

Face à leurs voisins belges dont ils enviaient la mobilisation, les jeunes français n’étaient cette fois pas en reste. Les organisateurs ont revendiqué 168 000 manifestants dans plus de 200 villes de l’Hexagone, dont 50 000 à Paris (29 000 selon la préfecture), 5 000 à Marseille, 12 000 à Lyon (un record pour une mobilisation étudiante), 10 000 à Nantes. Dans des cortèges souvent très jeunes et peu politisés, tous ont entonné leur désormais traditionnel slogan : « Et un, et deux, et trois degrés, c’est un crime contre l’humanité. »

Dans la capitale, l’ambiance était aussi joyeuse que le sujet est grave, les jeunes rivalisant de bons mots sur des pancartes en carton : « Votre planète, bleue ou saignante ? », « Je ferai mes devoirs quand vous ferez les vôtres », « Prenez vos responsabilités, pas notre avenir ». « Je manifeste contre les enfants en Afrique qui meurent de soif, la déforestation, les animaux qui disparaissent et qu’on connaîtra juste dans les manuels », énumère Aymeric Quiatol, 18 ans, lycéen à Sèvres (Hauts-de-Seine).

Comme à l’étranger, les jeunes interpellent leurs dirigeants. « Nous accusons Emmanuel Macron. Edouard Philippe et Francois de Rugy de crime climatique contre l’humanité et nous demandons des mesures d’urgence à la hauteur de la situation », clame Nour Pudal, 18 ans, en première année de prépa biologique au lycée Thiers à Marseille.

Après une forte mobilisation en Suisse, en Italie ou en Espagne, cette journée inédite s’est clôturée par des actions aux Etats-Unis et au Canada – avec plus de 150 000 manifestants au Québec. A Montréal, les jeunes demandent que des programmes sur l’environnement soient dispensés à l’école et qu’on aille vers un désinvestissement du secteur des énergies fossiles. Louis Couillard, l’un des porte-parole du collectif « La planète s’invite à l’université », l’assure : « Il est grand temps que l’on commence à paniquer. »

Anne Pélouas (Montréal, correspondance), Eric Albert (Londres, correspondance), Audrey Garric , Rémi Barroux, Cécile Boutelet (Berlin, correspondance), Jean-Pierre Stroobants (Bruxelles, bureau européen), Richard Schittly (Lyon, correspondant) et Adrien Barbier (Johannesburg, correspondance) P.-S.

• Le Monde. Publié le 16 mars 2019 à 00h49 :


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