Réforme de la loi de 1905 : la République selon Saint-Macron

lundi 25 février 2019.
 

Quand Emmanuel Macron annonce vouloir toucher à la loi de 1905, entre l’idée d’un gallicanisme islamique et le fameux « lien entre L’Église et l’État [qui] s’est abîmé » et qu’il faudrait réparer, on cherche ce qu’il reste du principe de séparation.

« Le capitalisme a mis sa puissance au service des prétentions cléricales ; l’Église a mis son pouvoir au service du privilège capitaliste » Congrès de la SFIO (1929)

Ce n’est pas un scoop, Emmanuel Macron, souhaite modifier la loi sur la séparation des Églises et de l’État, la fameuse loi de 1905. Annoncée par la presse en novembre 2018, elle est revenue de manière inexpliquée – et inexplicable – dans la lettre au Français du Président, lançant le « Grand débat ».

On ne sait si quelques mystérieux ronds-points français bruissaient d’une telle discussion et, à vrai dire, on est assez dubitatif. Sondant l’âme du gilet jaune dans une « Jojo analyse », le génie jupitérien a-t-il décelé une attente particulière de ce côté-là ? Certes les voies du seigneur sont impénétrables, mais c’est peu probable. Plus sûrement, le président de la République fait comme il l’entend, allumant feux et contre feux au service de ses lubies.

Mais attention, hein, Emmanuel Macron, ne veut pas « réformer » la loi de 1905, il veut la « renforcer ». Quand on connaît l’art consommé de la macronie en novlangue, il y a tout lieu d’être inquiet. Car quel « renforcement » peut émerger d’un Président qui, au mois d’avril dernier devant les évêques français déclarait : « Nous partageons confusément le sentiment que le lien entre L’Église et l’État s’est abîmé », et se refusant d’incarner « une religion d’État substituant à la transcendance divine un credo républicain ». Principe de séparation ou lien organique, il faut pourtant choisir.

Islam, la tentation du gallicanisme

Parmi les objectifs de la nouvelle loi figure la réorganisation des associations 1905. Celles-ci auront toujours « exclusivement pour objet l’exercice d’un culte » et plus précisément « les frais, l’entretien et l’exercice public d’un culte ». Mais pourrait s’ajouter l’apparition d’un label authentifiant « la qualité cultuelle » d’une association. Si on voit comment l’État français, sur la base d’un certain nombre de critères, peut organiser le label « Bio » pour des produits alimentaires, l’association religieuse certifiée « République française » relève sans doute de l’oxymore dès lors que demeure une séparation stricte entre l’État et les Églises.

Ce label serait délivré sur la base de critères plus précis (l’exégèse ?) et révisable tous les cinq ans par l’autorité préfectorale. De plus, le contrôle des membres des conseils d’administration de ces associations serait renforcé pour éviter des prises de pouvoir par des groupes radicaux, comme cela s’est déjà produit. On imagine ce que cela pourrait donner si le gouvernement s’était mêlé des problèmes internes à l’Église catholique au moment du schisme de Monseigneur Lefebvre, quoi qu’on puisse penser de ce dernier.

La « qualité cultuelle » de l’association regardera aussi le recrutement du prédicateur (pour le prêtre, on est moins sûr) mais aussi ses dérapages idéologiques éventuels, qui seraient davantage sanctionnés. Pourtant, la loi de 1905 prévoit déjà des mesures sévères face à « une provocation directe à résister à l’exécution des lois ou aux actes légaux de l’autorité publique ».

La recherche d’un interlocuteur représentatif de l’Islam est certainement un souci légitime de la part du gouvernement, mais est-ce bien à lui de l’organiser ? Le serpent de mer d’un Islam de France recèle une résurgence moderne du gallicanisme. Historiquement le gallicanisme est cette doctrine religieuse et politique française qui chercha à organiser l’Église catholique française de façon autonome par rapport au pape à partir de Philippe le Bel. Mais si le Roi de France se devait d’avoir des prétentions religieuses, lui qui était oint par la Sainte Ampoule, qu’en est-il d’un président de la République ?

L’Église catholique en embuscade

Comme souvent dans le débat politique français, l’arbre musulman cache souvent la forêt catholique. La réforme envisagée pourrait, ainsi, autoriser les associations 1905 à gérer des « immeubles » comme source de revenus, ce qui est interdit aujourd’hui. Mais quelle religion dans ce pays, de part l’Histoire, bénéficie-t-elle d’un patrimoine conséquent ? Au moment où les recettes liées au denier du culte s’érodent année après année (perte de 40 millions d’euros en 2018), voilà qui ferait bien les affaires de l’Église catholique.

À cela s’ajoute un autre débat lié à l’école. La loi de 1905 a déjà été profondément rognée par les lois Debré de 1959, qui ont consacré d’un certain point de vue le remariage de l’Église et de l’École en permettant le financement public d’écoles privées. Jusque-là prévalait la loi Goblet de 1886 qui stipulait que « les établissements publics sont fondés et entretenus par l’État, les régions, les départements ou les communes. Les établissements privés sont fondés et entretenus par des particuliers ou des associations. » On mesure la régression voulue par de Gaulle...

Avec l’abaissement de la scolarité obligatoire à trois ans, cela veut-il dire que les communes devront fournir des aides maternelles (Asem) à toutes les écoles privées qui ouvriront des classes en maternelle ? Faut-il le rappeler, en France, dans le primaire et le secondaire, 96% des établissements privés sont catholiques. De quoi dire « amen » à la réforme voulue par Macron.

Guillaume Liégard


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